3.1.2. Définition
Les défenseurs de l'ingérence
humanitaire la justifient principalement au non d'une morale de l'urgence :
« On ne laisse pas les gens mourir ». Elle puise son fondement dans
la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Elle se
présente comme une oeuvre universelle et éternelle, affirmant que
les principes proclamés par elles sont inhérents à la
nature humaine46.
Pour eux, une ingérence n'est donc
légitime que lorsqu'elle est motivée par une violation massive
des droits de l'homme et qu'elle est encadrée par une instance
supranationale, typiquement le conseil de sécurité des Nations
Unies.
46 DUVERGER H., Droit public, Paris, PUF,
1963, p.14
47 Ibidem
55
Entre 1988 et 1991, l'ONU vote trois
résolutions destinées à secourir les victimes du
tremblement de terre en Arménie, les populations Kurdes d'Irak, les
ressortissants de l'ex Yougoslavie menacés par la « purification
ethnique ».
Bien que, depuis décembre 1988, la notion
d'ingérence humanitaire soit reconnue par le droit international,
certains pensent qu'elle aurait dû rester dans la sphère des
valeurs strictement morales.
Cette notion est en effet totalement contraire aux
fondements des règles de droit international qui dispose qu'un Etat
n'est lié par une règle de droit que s'il l'a acceptée en
ratifiant un traité ou en adhérant à une règle
préexistante47.
Dans la pratique, les actions d'ingérence
humanitaire sont toujours réalisées par des contingents
nationaux, ce qui peut impliquer deux situations relativement
différentes : le droit d'ingérence, terme créé par
le philosophe Jean François révèle en 1979, est la
reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs nations de violer la
souveraineté nationale d'un autre Etat, dans le cadre d'un mandant
accordé par l'autorité supranationale.
Le devoir d'ingérence : est l'obligation qui
est faite à tout Etat de veiller à faire respecter le droit
humanitaire international. Refusant ainsi aux Etat membres de l'ONU
tout
56
« droit à l'indifférence »,
cette obligation n'ouvre, toutefois, aucun droit à l'action de force
unilatérale. Elle doit plutôt être comprise comme une
obligation de vigilance et d'alerte à l'encontre de telle ou telle
exaction qu'un gouvernement serait amené à connaitre.
3.1.3. Les Limites
En dépit des idées
généreuses qui placent au premier rang des valeurs comme la
démocratie ou le respect de droits de la personne humaine, la notion
depuis l'origine suscite le questionnement, voire les critiques.
Dans les faits, une mission d'ingérence est
contraire aux objectifs fondamentaux de l'ONU : respect de la
souveraineté des Etats et maintien de la paix : l'article 27 de la
Charte des Nations-Unies dispose qu'aucune disposition de la présente
Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat
»48.
Pour les nombreux juristes, la création de ce
concept est inutile. En effet, la Charte des Nations-Unies contient
déjà de nombreuses dispositions allant dans ce sens. La
réelle question ne serait donc pas celle de la création d'un
nouveau droit, mais celle de la mise en application de droits
déjà existants.
48 Charte des Nations-Unies, chap VI et VII, article
27
57
Plus fondamentale que ce problème de droit,
l'ingérence humanitaire souffre d'un certain nombre de contradictions
qui sont principalement dues à la confusion volontairement entretenu
entre droit et devoir d'ingérence.
Il est en effet difficile dans ces conditions de
séparer les mobiles humanitaires, des mobiles politiques et de s'assurer
du total désintéressement des puissances
internationales.
En tous temps et sur tous les continents, bien avant
l'existence des Nations-Unies, des considérations idéologiques de
toutes sortes ont servi à justifier des opérations à
caractère impérialiste ou hégémonique. Il y a
toujours un risque que l'humanitaire ne serve que de prétexte à
une volonté impérialiste.
Bien qu'elle se veuille universelle, la
déclaration des droits de l'homme est fortement influencée par
les travaux des philosophes occidentaux et plus généralement par
la morale Judéo-chrétienne. L'ingérence a donc toujours
été une action dirigée depuis le nord vers les pays du
Sud.
Il est donc logique qu'une remise en cause aussi
dissymétrique de la souveraineté des Etats se heurte à des
réticences très fortes. Notamment de la part des pays du tiers
monde qui y voient une résurgence des pratiques coloniales : ainsi le
sommet du G77, qui réunit les pays en développement,
L'existence d'arrière-pensées
impériales chez les puissances intervenantes, ou simplement la recherche
d'une
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condamne en 1990 le « prétendu droit
d'intervention humanitaire » mis en avant par les grandes
puissances.
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