§.2 - L'humanisation de l'univers carcéral
L'humanisation de l'univers carcéral est un défi
majeur pour l'administration pénitentiaire congolaise car comme le
disait Hélène DORLHAC de BORNE65 « si le
criminel ou le délinquant sort de la prison comme il y est entré
ou plus dangereux encore, l'emprisonnement n'est plus défense de la
société mais bien menace pour la société
». Aussi, pour que la prison puisse restituer un homme nouveau
à la cité, il faut, en dépit, des contraintes liées
à l'emprisonnement reconnaître aux détenus le droit
à une éducation formelle (A) et d'envisager une ouverture de la
prison au monde extérieur (B).
b) Le fait paraisse constituer une infraction que la loi
réprime d'une peine de six mois de servitude pénale au
moins
S'il s'agit d'une infraction que la loi réprime d'une
peine de moins six mois mais de plus de sept jours la personne peut
néanmoins être mise en détention préventive si
:
a) Il y a lieu de craindre la fuite de l'inculpé
ou
b) Son identité est inconnue ou douteuse ou;
c) Si eu égard à des circonstances graves
et exceptionnelles, la détention est impérieusement
réclamée par l'intérêt de la sécurité
publique.
Lorsque les conditions ci-dessus sont réunies,
l'officier du Ministère public peut, après avoir interrogé
l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à
charge de la conduire devant le juge le plus proche compétent pour
statuer sur la détention.
64 Dans de nombreux système judiciaire la mise en
liberté peut être obtenue moyennant le paiement d'une garantie
financière, ce qui laisse en détention les personne qui
pourraient bénéficier d'une mesure de libération mais
n'ont pas de ressources nécessaires pour s'acquitter de cette caution.
Cette possibilité existe en RDC et est abusivement utilisé par
les magistrats qui monnaient tout simplement la mise en liberté
provisoire qui est prévue par le Code de procédure en son article
27.
65 Hélène DORLHAC de BORNE,
Changer la prison, Paris, éditions PLON, 1984, p.166
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Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté par Dabissi David LANKOANDE, MAI
2015
A - Le droit à une éducation formelle des
détenus
Si les différents instruments juridiques internationaux
et nationaux qui gouvernent le système pénitentiaire de
la RDC poursuivent l'amendement et la réinsertion sociale des
détenus, d'énormes difficultés se dressent sur le terrain.
Elles sont à la fois d'ordre institutionnel, structurel et conjoncturel.
En d'autres termes, il y a un défaut de cohérence des
activités de préparation à la réinsertion, une
absence de politique de réinsertion et une absence de conditions
préalables à la mise en oeuvre d'une politique de
réinsertion.
Il en résulte un déséquilibre
dans l'exercice de la mission dévolue à l'institution
pénitentiaire par la primauté de la composante
sécuritaire sur la composante réinsertion dans
l'imaginaire professionnel du personnel pénitentiaire. Cet état
d'esprit crée ainsi une espèce de dichotomie entre les deux
composantes, alors que celles-ci sont complémentaires. Elles
participent toutes de la mission de sécurité publique.
Il est urgent que le service socioéducatif soit inscrit
comme service à part entière dans l'établissement
son inclusion formelle dans l'organigramme de la prison.
Le personnel pénitentiaire ayant des aptitudes, en
accord avec les dispositions de l'article 23 de l'ordonnance 344
mettront leur compétence au bénéfice des détenus
volontaires pour apprendre un métier, le Service
Socio-éducatif sera alors organisé en vue de constituer
le levier pour la promotion d'une véritable politique de
réinsertion.
Cela impliquera notamment le renforcement des capacités
organisationnelles et humaines de la structure avec
l'accroissement des effectifs du personnel
pénitentiaire affranchi de la surveillance immédiate des
détenus par le personnel issu d'un recrutement
sérieux.
On transformera ainsi progressivement le détenu
de l'éternel assisté à « un agent de
développement » visant à opérer une
transition de l'occupationnel à l'utilitaire. Cette démarche sera
axée sur une planification qui implique, l'étude préalable
de l'environnement, le choix des activités et des formateurs, la
formation de l'encadrement à la gestion de la production entre
autres.
Ce faisant, la menuiserie, la savonnerie, la couture,
l'élevage pourraient être envisagé en association
avec des activités de même nature auxquelles les détenus
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Mémoire de Master 2, spécialité
droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté
par Dabissi David LANKOANDE, MAI 2015
s'adonnent dans un cadre informel telles que la
menuiserie métallique, la confection de layette, le jardinage,
l'embouche bovine.
Un véritable programme d'exploitation agricole
et maraîchère pourrait être mis en chantier avec un
slogan révolutionnaire comme « Une prison, une ferme
agricole» qui à terme produiront des quantités
suffisantes de denrées essentielles qui rentreront dans la composition
alimentaire des détenus.
Dans cette perspective, l'affectation de terre
à usage de culture mis à la disposition de
l'administration pénitentiaire par l'état sera
un préalable. Des fermes pénitentiaires, dotées
d'un régime de semi-liberté à
l'exemple du centre pénitentiaire agricole de Baporo au Burkina
Faso 66 ou de la ferme agricole pénitentiaire de
Sébikotane au Sénégal67 pourraient voir le
jour. Ces diversités dans la production agropastorale constitueront un
véritable atout pour les établissements pénitentiaires
leur permettant de se spécialiser dans des exploitations
spécifiques en fonction des potentialités dont regorge la
zone d'implantation des sites pénitentiaires.
Sur le plan de la formation dans les ateliers, en
Afrique l'exemple du Maroc peut faire
école68. Depuis 1975, l'Administration a entrepris
de faire bénéficier certains de ses cadres d'une formation
d'instructeur dans les branches qui semblent présenter un certain
intérêt pour la formation ultérieure des détenus.
Ainsi, plusieurs agents pénitentiaires ont reçu une formation
dans plusieurs disciplines au Centre national de la formation des cadres. Les
branches retenues sont : La couture, le dessin industriel, le dessin en
bâtiment, la menuiserie, la menuiserie métallique,
l'électricité et la mécanique générale.
Des ateliers spécialisés sont ainsi
disséminés à travers le territoire national dans
l'enceinte des établissements pénitentiaires. C'est ainsi
que les menuisiers sont
66 Le Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB)
est une prison en milieu ouvert qui couvre une superficie de 100 hectares. Le
centre reçoit les détenus ayant purgé la moitié de
leur peine en milieu fermé, et « dont le comportement a
été jugé bon et ayant manifesté, sur demande le
désir de l'intégrer » Les objectifs assignés au
centre sont, entre autres, de former les prisonniers bénéficiant
du régime de semi-liberté en agriculture, en élevage et en
artisanat.
67 La ferme pénitentiaire de la maison de correction
de Sébikotane a une exploitation agricole de 20 ha et accueille plus de
100 détenus en fin de peine (moins d'un an à purger) pour une
durée moyenne de 5-6 mois. Entre 2004 et 2008, 7 417 pensionnaires sont
passés par Sébikotane, dont 2 372 prévus en 2008. Tous les
détenus reçoivent une formation pratique de base en
agriculture.
68 Dabissi David LANKOANDE , le travail en milieu
pénitentiaire comme moyen de lutte contre la pauvreté au Burkina
Faso, mémoire de fin cycle, ENP 2007 P.42
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Mémoire de Master 2, spécialité
droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté
par Dabissi David LANKOANDE, MAI 2015
formés à Casablanca, Rabat, et Kenitra ; les
forgerons et les ferronniers à Rabat et Casablanca, les cordonniers,
imprimeurs et relieurs à la maison centrale de Kenitra.
La formation par l'apprentissage traditionnel est
aussi appliquée aux métiers de l'agriculture où les
détenus sont initiés aux différents travaux et
méthodes de culture, à l'usage et à la maintenance
du matériel agricole par les surveillants et d'autres
détenus qui en maîtrisent les techniques. Les
détenus d'origine rurale sont employés à des travaux
d'agriculture et d'élevage dans les différentes exploitations
agricoles de l'Administration. Ainsi, ils peuvent garder des liens avec leur
milieu d'origine qu'ils sont appelés à réintégrer
tôt ou tard.
Ces exploitations situées dans les
périmètres des établissements pénitentiaires,
fournissent à l'Administration pénitentiaire une grande partie de
ses besoins en produits agricoles.
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