B - L'administration journalière des prisons
Le manque de personnel pénitentiaire fait que
l'administration journalière et laissé à
une auto gestion des détenus entre eux. Les
quelques-uns du personnel que l'on trouve en poste sont d'un âge
très avancé et ne sont plus aptes pour la plupart
à exercer en tant que fonctionnaire de l'Etat. La retraite du
fonctionnaire n'existant pas en RDC, ceux-ci continuent
d'être présents à leur poste pour
bénéficier soit de la ration alimentaire qu'ils partagent
avec les détenus là où l'Etat en fournit ou de l'argent
des visiteurs des parents détenus contre une quelconque faveur pour ce
dernier.
Les détenus passent la journée entière
dans la cour dans une oisiveté totale pourtant, en avril 1999, à
Egham, dans le Comté de Surrey en Angleterre, la conférence
internationale pour la réforme pénale organisée par Penal
Reform International (PRI) en son objectif 8 pour une nouvelle approche en
matière pénitentiaire faisait la recommandation suivante : «
la possibilité de travailler doit être
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Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
juillet 2015
offerte aux détenus ». Cela bien
sûr, a pour finalité, que « les détenus soient
convenablement préparés à leur sortie de prison
» Un nouveau programme en matière de réforme
pénale (PRI), avril 1999, P.13. A la conférence panafricaine sur
les réformes pénales et pénitentiaires tenue à
Ouagadougou à l'initiative de la CADHP, de PRI et de l' Association
Pénitentiaire Africaine en septembre 2002, il a aussi été
conclu la nécessité de promouvoir les activités de
production en milieu pénitentiaire en recommandant, entre autres, les
mesures suivantes à l'endroit des gouvernements et des institutions de
justice pénale :
? Encourager les activités agricoles,
manufacturières et artisanales en prison afin d'améliorer les
conditions de vie des détenus et du personnel pénitentiaire.
? Promouvoir une gestion transparente des prisons
Se faisant on permettra ainsi au détenu « de
susciter en lui, le goût de l'effort, de la participation à une
tâche communautaire et constructive ; d'éveiller en lui l'esprit
de créativité et de l'amener à se libérer par le
travail»38.
Il faut signaler la particularité des prisons en RDC
qui disposent d'un local où se tiennent les jugements correctionnels.
Dans ces conditions un détenu peut passer tout le temps que durera sa
peine sans jamais mettre les pieds dehors.
La visite des parents des détenus se fait à
l'intérieur de la détention, il n'y a pas de parloir, les
visiteurs pouvant même se retrouver à l'intérieur des
cellules sans aucune restriction. Il s'en suit des trafics de tout genre, de la
drogue, la prostitution et même des armes. Ainsi, on a pu être
témoin en décembre 2014, lors d'une minuterie à la prison
centrale de Makala à Kinshasa à la prise en otage de trois cent
vingt-neuf (329) visiteurs dont 59 mineurs par les détenus pour exiger
la satisfaction de leur revendication. Et à Bukavu dans le Sud Kivu, le
5 juin 2014 des détenus quittent leur cellules munis d'armes
automatiques et abattent 2 militaires des FARDC en faction devant la prison, un
détenu aussi trouvera la mort dans la réplique de l'attaque.
Dans la prison de Butembo dans le nord Kivu, des individus
armés non identifiés, certainement de connivence avec des
détenus, ont pris d'assaut la prison dans la
38 Alexandre KONE et Didier Y. HIEN, la
réglementation pénitentiaire au Burkina Faso p. : 13
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Mémoire de Master 2, spécialité
droit international et europeen des droits fondamentaux Présenté
et soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015
nuit du 18 octobre 2014 aux environs de 19 heures pour vider
le maximum de pensionnaires soit trois cent vingt-six (326) détenus.
Toujours dans la prison de Bukavu, le 20 janvier 2015
c'est une grenade offensive et des cartouches de munitions de guerre,
que le Capita général brandira à
l'intérieur de la détention pour exiger des
autorités la satisfaction de ses revendications. C'est donc
montrer tout le danger de la gestion de la détention par les
détenus eux-mêmes, en l'occurrence les détenus
militaires qui ont installés une gestion administrative
militarisée39 qui échappe même
à l'administration de la prison. Cette administration
parallèle appelée Capita ou gouvernorat en fonction des
prisons, perçoit des taxes aussi bien des détenus que de leurs
visiteurs, les chefs règnent en vrai maître et collaborent
avec l'administration de la prison qui tolère leur
existence. Le maintien de la discipline assurée par des
détenus sur d'autres détenus est contraire à la
règle 28 du RMT qui dispose qu' « Aucun détenu
ne pourra remplir dans les services de l'établissement un emploi
comportant un pouvoir disciplinaire.»
La violence est quasi permanente dans la détention
à cause des rivalités pour le contrôle des
différentes bandes et les détenus font souvent les frais de cette
violence, les prisons en RDC ne sont donc pas les lieux où
règnent la sécurité.
Le personnel pénitentiaire ou ce qu'il y a de
personnel pénitentiaire n'est ni formé, ni
rémunéré, cette situation de
bénévolat est contraire aux prescriptions des normes
internationales40.
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1. Capita Général
2. Commandant PM
3. Commandant Adjoint Second PM
4. Commandant Second PM
5. Commandant T2
6. Commandant T2 Adjoint
7. Commandant Second T2
8. Commandant Chargé de
discipline
9. Commandant Chargé de discipline
Adjoint
10. Commandant Chargé de Lutte contre les
incidents
11. Commandant de la Cour 12.Commandant de la Cour
Adjoint
13.Les Capita des cellules
14.Secrétaire
15.Secrétaire Adjoint
16. Conseiller militaire
17. Conseiller civil
18. Gardes Rapprochés (GR) du Capita
Général
|
40 RMT46. 1) L'administration pénitentiaire doit
choisir avec soin le personnel de tout grade, car c'est de son
intégrité, de son humanité, de son aptitude personnelle et
de ses capacités professionnelles que dépend une bonne gestion
des établissements pénitentiaires.
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Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
juillet 2015
La sécurité extérieure des
établissements pénitentiaires est assurée en RDC soit par
la Police Nationale Congolaise (PNC), soit par les Forces Armées de la
RDC (FARDC) ou les deux forces ensembles. Ces corps n'ont à
l'origine bénéficiés d'aucune formation en matière
pénitentiaire, il s'en suit alors souvent des exactions de
toutes sortes sous forme de sanctions. Ces châtiments fréquemment
infligés aux détenus constituent des traitements inhumains,
cruels et dégradants dans presque toutes les prisons à des divers
degrés. Ses pratiquent vont de la mise au cachot durant une
période pouvant aller jusqu'à quarante-cinq (45)
jours, l'usage des chaînes ou entraves et des fouets etc., l'utilisation
de la lumière dans certaines prisons dans les cellules est
également pratiquée comme châtiment. Même si la
pratique est conforme à l'Ordonnance n° 344 du 17
septembre 1965 relative au régime pénitentiaire de la
République Démocratique du Congo41, elle est en total
contradiction avec l'ensemble des règles
minima42 . Ainsi, dans un rapport publié mi-mars
2013, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme a
recensé
2) L'administration pénitentiaire doit s'efforcer
constamment d'éveiller et de maintenir dans l'esprit du personnel et de
l'opinion publique la conviction que cette mission est un service social d'une
grande importance; à cet effet, tous les moyens appropriés pour
éclairer le public devraient être utilisés.
3) Afin que les buts précités puissent
être réalisés, les membres du personnel doivent être
employés à plein temps en qualité de fonctionnaires
pénitentiaires de profession, ils doivent posséder le statut des
agents de l'Etat et être assurés en
conséquence d'une sécurité d'emploi ne
dépendant que de leur bonne conduite, de l'efficacité de leur
travail et de leur aptitude physique. La rémunération doit
être suffisante pour qu'on puisse recruter et maintenir en service des
hommes et des femmes capables; les avantages de la carrière et les
conditions de service doivent être déterminés en tenant
compte de la nature pénible du travail.
47. 1) Le personnel doit être d'un niveau intellectuel
suffisant.
41 Art. 78. - Les peines disciplinaires
applicables dans les prisons et camps de détentions sont :
1° La privation des visites pendant deux mois au
maximum, sous réserve du droit pour le prévenu de communiquer
avec son
conseil ;
2° La privation des correspondances pendant deux mois au
maximum, sous réserve du droit pour le détenu de
correspondre
avec son conseil et d'écrire aux autorités
administratives et judiciaires ;
3° Les travaux ou corvées supplémentaires
pendant quinze jours au maximum à raison d'une heure par jour ;
4° Les menottes pendant sept jours au maximum ;
5° Le cachot pendant 45 jours au maximum
42 RMT 27. L'ordre et la discipline doivent être
maintenus avec fermeté, mais sans apporter plus de restrictions qu'il
n'est nécessaire pour le maintien de la sécurité et d'une
vie communautaire bien organisée.
RMT31. Les peines corporelles, la mise au cachot obscur ainsi
que toute sanction cruelle, inhumaine ou dégradante doivent être
complètement défendues comme sanctions disciplinaires.
RMT37. Les détenus doivent être
autorisés, sous la surveillance nécessaire, à communiquer
avec leur famille et ceux de leurs amis auxquels on peut faire confiance,
à intervalles réguliers tant par correspondance qu'en recevant
des visites.
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Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
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deux cent onze (211) personnes mortes en détention
entre janvier 2010 et décembre 2012, dont cinquante-quatre (54) en 2010,
cinquante-six (56) en 2011 et cent onze (101) en 2012. Abstraction faite des
« décès en détention qui ont pu être
confirmés comme résultant de violations des droits de
l'homme ». Les traitements cruels, inhumains et dégradants
sont présents dans les lieux de détention en RDC et
Emmanuel Okundji, responsable de l'ONG Observatoire national
des prisons d'affirmer que « L'usage de la torture est
fréquent dans certains lieux de détention qui, pour la plupart,
échappent à tout contrôle de l'autorité et des
défenseurs des droits de l'Homme ».
L'alimentation et les soins sont des droits
minimums pour tout homme et doivent être garantis même
pour les personnes privées de liberté.
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