Section II - Le constat de violations continues des
droits des détenus
La prison est le lieu de privation de la liberté des
individus qui se sont mis au travers des lois de la société. Mais
elle n'est nullement un lieu où la dignité et le respect de la
personne humaine ne sont pas pris en compte. C'est pourquoi il importe au
regard des normes internationales de jeter un regard sur les violations en
matière de détention (§1) et de voir de ce qu'il en est des
violations des droits minimum (§2) dans les prisons de la RDC ?
§1.Les violations des normes en matière de
détention
Des normes spécifiques aussi bien internationales que
nationales constituent le cadre légal de protection des personnes
incarcérées. Ces différents instruments ont
31 Art. 60. - Si le médecin estime
qu'en raison de la gravité ou de la nature de la maladie, il est
impossible de soigner le détenu dans la prison, le camp de
détention ou la maison d'arrêt, celui-ci est conduit à la
formation médicale ou hospitalière la plus proche.
32 Système de self-government cf P16
33
RMT 27- L'ordre et la discipline doivent être maintenus
avec fermeté, mais sans apporter plus de restrictions qu'il n'est
nécessaire pour le maintien de la sécurité et d'une vie
communautaire bien organisée.
34 Art. 78. - Les peines disciplinaires
applicables dans les prisons et camps de détentions sont :
1° La privation des visites pendant deux mois au
maximum, sous réserve du droit pour le prévenu de communiquer
avec son
conseil ;
2° La privation des correspondances pendant deux mois au
maximum, sous réserve du droit pour le détenu de
correspondre
avec son conseil et d'écrire aux autorités
administratives et judiciaires ;
3° Les travaux ou corvées supplémentaires
pendant quinze jours au maximum à raison d'une heure par jour ;
4° Les menottes pendant sept jours au maximum ;
5° Le cachot pendant 45 jours au maximum.
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Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
juillet 2015
été adoptés pour favoriser le respect de
la dignité humaine aussi bien dans le milieu de vie des
détenus (A) que dans l'administration journalière des prisons
(B).
A - le milieu de vie des détenus
Le milieu carcéral doit constituer un cadre de
sécurité d'abord pour le détenu qui y vit et pour
les autres membres de la société qui peuvent vaquer librement
à ses occupations étant rassurés que le
délinquant est hors d'état de nuire.
Les Règles Minima pour le Traitement des détenus
(RMT) recommandent un minimum de confort quant aux locaux servant de dortoir
pour les détenus. Les toilettes, l'éclairage des
chambres, la ventilation et la superficie minimum sont décrits
comme des exigences minimales pour satisfaire les besoins
élémentaires qui peuvent permettre le maintien en bonne
santé de l'individu.35
La plupart des prisons de la RDC, sont dans une situation
déplorable, les locaux qui servent de dortoirs aux détenus sont
dans un état de délabrement total. Les cellules sont
sombres par manque d'éclairage, les aérations d'air sont
insuffisantes, si bien que certains détenus sont obligés
de monter sur le mur pour accéder aux petits trous
d'aération pour respirer. Le sol des cellules est toujours
mouillé car n'étant pas cimenté, les
toitures suintent quand il pleut. Le manque d'eau dans les cellules
oblige les détenus à s'approvisionner en eau dans les
bidons dans des conditions d'insalubrité totale.
35 RMT 10. Les locaux de détention et, en particulier,
ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit,
doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du
climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum,
l'éclairage, le chauffage et la ventilation.
11. Dans tout local où les détenus doivent
vivre ou travailler,
a) Les fenêtres doivent être suffisamment
grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à la
lumière naturelle; l'agencement de ces fenêtres doit permettre
l'entrée d'air frais, et ceci qu'il y ait ou non une ventilation
artificielle;
b) La lumière artificielle doit être suffisante
pour permettre au détenu de lire ou de travailler sans altérer sa
vue.
12. Les installations sanitaires doivent permettre au
détenu de satisfaire aux besoins naturels au moment voulu, d'une
manière propre et décente.
13. Les installations de bain et de douche doivent être
suffisantes pour que chaque détenu puisse être mis à
même et tenu de les utiliser, à une température
adaptée au climat et aussi fréquemment que l'exige
l'hygiène générale selon la saison et la région
géographique, mais au moins une fois par semaine sous un climat
tempéré.
41
Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
juillet 2015
L'absence totale de toilette oblige les détenus
à se soulager la nuit dans des sceaux qu'ils partagent à
l'intérieur des dortoirs, ce qui entraine la prolifération de
maladie et une odeur nauséabonde qui se dégage dans la
détention.
Les détenus se couchent à même le sol, les
quelques-uns qui possèdent des nattes ou bâches apportées
par leurs parents sont dans un luxe, les punaises et les poux qui se propagent
facilement sont les fidèles compagnons de la population
carcérale. Les murs fortement dégradés de part et d'autres
menacent de s'effondrer à tout moment, les fissures sur les parois
accroissent les tentatives d'évasion des détenus.
La surpopulation carcérale est telle que les
détenus dorment dans certaines prisons à tour de rôle et
les places font l'objet de trafic à l'intérieur de la
détention, la promiscuité qui en découle du fait de manque
d'espace entraine des abus graves, notamment des viols, l'exploitation des
mineurs et même de l'homosexualité forcée. Cette
surpopulation carcérale franchit le seuil de 500% 36dans
certaines prisons, allant jusqu'à 1093% dans la prison de Kipushi dans
le Katanga. Cette surpopulation exponentielle rend ainsi vaine, toutes
tentatives d'humanisation des conditions de détention alors que les RMT
stipulent clairement que les détenus doivent disposer d'un espace de vie
suffisant, assez aéré et lumineux pour rester en bonne
santé.
La séparation des catégories n'est pas
observée de manière rigoureuse par manque de locaux, si bien que
détenus, adultes et mineurs, condamnés et prévenus sont
logés dans une même enceinte. Les femmes ne sont guère
mieux loties même si elles bénéficient dans certaines
prisons de cellules séparées, elles se retrouvent le jour dans la
même cour que les hommes. La présence des détenus
militaires auteurs de tous genres d'infractions soumet les détenus
à une autre confiscation supplémentaire de
liberté.37
Si les mauvaises conditions de détention sont dues au
manquent de moyens ou de volonté politique, dans certains cas, elles
s'apparentent plutôt à une manière d'intimider ou de briser
le détenu. Dans certains cas, elles résultent de la
négligence ou du manque de formation du personnel pénitentiaire.
L'un dans l'autre, ce n'est ni plus, ni moins qu'une violation grave des droits
de l'homme les plus fondamentaux.
36 Tableau : Taux de surpopulation carcérale dans les
prisons de RDC en Janvier 2015
37 Idem : Pourcentage des détenus militaires dans les
prisons
42
Mémoire de Master 2, spécialité droit
international et europeen des droits fondamentaux Présenté et
soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015
Les mauvaises conditions de détention violent le droit
des détenus à la dignité, mais aussi peuvent être
considérées comme une punition cruelle, injustifiée,
dangereuse pour la santé et même pour la vie des
détenus.
Ainsi la population carcérale en RDC se voit tous les
jours privée de son droit à ne pas subir la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants continuellement
violé.
PRISONS
|
Capacité
|
Effectifs
|
% de surpopulation
|
Kinshasa
|
|
|
|
Makala PC
|
1300
|
6571
|
505%
|
Ndolo PM
|
520
|
1470
|
283%
|
|
|
8041
|
|
Nord-Kivu
|
|
|
|
Goma PC
|
150
|
1233
|
822%
|
Butembo PU
|
120
|
475
|
396%
|
Beni PD
|
150
|
398
|
265%
|
Rutshuru
|
300
|
149
|
50%
|
|
|
2255
|
|
Sud Kivu
|
|
|
|
Bukavu PC
|
500
|
1366
|
273%
|
Uvira
|
150
|
428
|
285%
|
Kabaré
|
300
|
96
|
32%
|
Fizi
|
120
|
16
|
13%
|
|
|
1906
|
|
Province Orientale
|
|
|
Kisangani PC
|
1500
|
979
|
65%
|
Bunia PD
|
220
|
1248
|
567%
|
Osio
|
|
193
|
|
Aru PT
|
100
|
122
|
122%
|
Mahagi
|
250
|
24
|
10%
|
Dungu
|
150
|
171
|
114%
|
|
|
2737
|
|
Katanga
|
|
|
|
Kasapa/Lubumbashi PC
|
600
|
1731
|
289%
|
Buluo
|
100
|
390
|
390%
|
Kolwezi PD
|
150
|
320
|
213%
|
Kipushi PD
|
30
|
328
|
1093%
|
Kamina
|
150
|
177
|
118%
|
Kalemie
|
250
|
507
|
203%
|
Kongolo
|
100
|
39
|
39%
|
Kasumbalesa
|
50
|
38
|
76%
|
Bukama
|
100
|
27
|
27%
|
43
Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
juillet 2015
Boma/Likasi PD
|
350
|
189
|
54%
|
Moba
|
100
|
87
|
87%
|
Malemba Nkulu
|
250
|
14
|
6%
|
Kambove
|
100
|
44
|
44%
|
Sakania
|
250
|
87
|
35%
|
Kasaji
|
50
|
38
|
76%
|
Lubudi
|
100
|
56
|
56%
|
Pweto
|
250
|
42
|
17%
|
Kabalo
|
|
15
|
|
Kabongo
|
100
|
2
|
2%
|
Manono
|
20
|
12
|
60%
|
Kaniama
|
100
|
22
|
22%
|
|
|
4165
|
|
Total:
|
9030
|
19104
|
|
|
|
19104
|
|
37 Prisons
|
|
|
|
|
|
|
|
Total
|
19104
|
|
|
|
|
|
|
Civils
|
15210
|
79.6%
|
|
Militaires
|
3894
|
19,5%
|
|
Total
|
19104
|
|
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Tableau 3 : taux de surpopulation carcéral dans
les prisons de RDC en janvier 2015 Tableau 3 : taux des détenus
militaires
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