Les auteurs ont tenté de confirmer et d'infirmer les
théories sur la relation entre la fiscalité et la croissance
économique en ayant recours soit à des régressions sur
données de panels, soit à celles sur modèles VAR ou sur
séries chroniques.
> Utilisation des données de panels
Certaines de ces études portent sur le taux de
pression fiscale, d'autres sur le taux marginal d'imposition, d'autres encore
sur la fiscalité optimale.
La première catégorie regroupe les travaux de
Leibfritz et al. (1997) ; Karras et Furceri (2009) ; Lee et Gordon (2005) et
Ebrahimi et Vaillancourt (2013). Dans l'ensemble, les conclusions sont les
mêmes : une pression fiscale trop forte est néfaste pour la
croissance économique.
En effet, les travaux de Leibfritz et al. (1997) et Karras et
Furceri (2009) se basent sur les économies des pays membres de l'OCDE,
et montrent qu'une hausse de 10% du taux moyen d'imposition s'accompagne d'une
diminution du taux de croissance annuel d'environ 0.5% (Leibfritz et al. 1997),
voire même de 1,2% (Karras et Furceri, 2009). Quant à Lee et
Gordon (2005), ils basent leurs travaux sur 70 pays pris sur les 5 continents
au cours de 1970-1997. Les estimations des coefficients suggèrent qu'une
réduction du taux d'imposition des sociétés de 10%
augmentera le taux de croissance annuel de 1 à 2 points de pourcentages.
Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par Ebrahimi et
Vaillancourt (2013) qui basent leur étude sur les 10 régions
canadiennes sur données annuelles de 1980 à 2011.
La deuxième catégorie d'études utilise
le taux d'imposition marginal pour analyser l'influence de la fiscalité
sur la croissance économique : c'est le cas de Padovano et Galli (2002)
; de Poulson et Kaplan (2008) qui, basés sur un panel de 25 pays
industrialisés de 1970 à 1998 pour les premiers, et sur les
Etats-Unis sur une période de 1964 à 2004 pour les seconds, ont
montré que le taux marginal d'imposition effectif et la
progressivité de l'impôt ont une influence négative sur la
croissance économique. Les résultats de Padovano et Galli (2002)
impliquent
Page 23 Page
qu'une augmentation de 10% des taux marginaux d'imposition
entraîne une diminution du taux de croissance économique annuel de
0,23%, et ceux de Poulson et Kaplan (2008) montrent que les taux d'imposition
marginaux plus élevés ont eu un impact négatif sur la
croissance économique et, qu'une plus grande baisse de ces taux a eu un
impact positif sur la croissance économique.
Pour la troisième catégorie, la taxation a
certes un impact négatif sur la croissance économique des pays,
mais cet impact dépend plus de la base d'imposition. A cet égard,
Arnold et al. (2011); Arseneau et al. (2011), dans le but d'analyser la mise en
place d'un système fiscal capable d'accélérer la reprise
économique et de contribuer à la croissance économique de
long terme d'une part, et les conséquences de l'imposition du revenu
personnel, du revenu corporatif, de la masse salariale, et de la consommation
sur la croissance du P11B par habitant des pays de l'OCDE de l'autre part,
utilisent un panel de 21 pays de l'OCDE sur 34 années pour mieux
distinguer les effets de la taxation sur la croissance à court et
à moyen terme. A cette fin, ils adoptent un modèle
économétrique de type panel à effets fixes, et à
correction d'erreurs. De plus, ils utilisent la moyenne de cinq années
de toutes les variables incluses dans le modèle pour éliminer
l'autocorrélation (Arseneau et al., 2011). Le résultat de leurs
estimations suggère que l'imposition des biens immobiliers, et la
taxation de la consommation sont les moins nuisibles à la croissance
économique, contrairement aux impôts sur le revenu personnel et
sur le revenu corporatif. Quant à la robustesse de leurs
résultats, l'ajout de quelques variables de contrôles
supplémentaires au modèle n'affecte pas les coefficients
estimés.
Dans le même souci d'examiner l'impact de la
fiscalité sur la croissance, Lee et Gordon (2004) ; et Widmalm (2001)
utilisent des méthodes différentes et obtiennent des
résultats presque similaires. En effet, les premiers auteurs examinent
l'impact du taux d'imposition du revenu personnel et du revenu
corporatif21 sur la croissance économique. Leurs
résultats montrent que toute hausse du taux d'imposition du revenu
corporatif de 10%, entraine une baisse du taux de croissance de 0,82%. Quant
aux seconds auteurs, ils ont opté pour un panel de 23 pays de l'OCDE de
1951 à 1990. Contrairement à la plupart des études sur ce
sujet, la variable de taxation ne correspond pas à la moyenne des taux
des taxes, mais elle est exprimée par le taux marginal d'imposition.
Wildmalm (2001) quant à lui, analyse globalement l'impact de la taxation
sur la croissance à travers l'impôt sur le revenu personnel,
l'impôt sur le revenu corporatif, les taxes sur les biens et services et
l'impôt foncier. De plus, l'auteur inclus également la part des
dépenses courantes du gouvernement dans le P11B, puisqu'elle
reconnaît
21 L'impôt sur le revenu corporatif correspond
à l'impôt sur les sociétés
Page 24 P
Page 25 Page 3
qu'une partie de ces dépenses peut améliorer la
productivité du secteur privé, par exemple les dépenses en
santé et en éducation et trouve une corrélation
négative et robuste uniquement pour la part de l'impôt dans les
recettes fiscales totales de la taxation et la croissance économique.
L'impôt sur le revenu personnel étant la seule forme d'imposition
progressive, Widmalm (2001) conclut que la progressivité d'une taxe joue
également un rôle négatif sur la croissance
économique.
En sommes, tous les auteurs cités ci-dessus ont
basé leurs études sur l'économétrie des
données de panels à effets fixes. Cette dernière renferme
quelques faiblesses, qui limitent la prise en compte d'effets de traitement ou
de session par des variables auxiliaires correspondantes. Aussi, outre le fait
que la variabilité inter-individuelle (variabilité between) n'est
pas exploitée pour estimer les paramètres structurels du
modèle, une limite inhérente au modèle à effets
fixes réside dans le fait que l'impact des facteurs invariants à
travers le temps ne peut être identifié. Ceci constitue une limite
au niveau de l'analyse économique, puisqu'il revient à
restreindre le champ d'analyse économique de l'étude. Toutefois,
malgré ses limites, force est de noter que l'économétrie
des données de panel est meilleure que les régressions des
données en coupes instantanées et les séries temporelles.
En effet, outre l'argument classique relatif à la faible puissance des
tests de cointégration sur séries temporelles en petit
échantillon, l'ajout de la dimension individuelle permet
d'accroître le nombre de données en incluant l'information
relative à des pays différents et mener ainsi une analyse
multi-pays.
> Utilisation des modèles VAR et des séries
temporelles
De Castro et De Cos (2006, 2008) et Mutascu et Danuletiu
(2011) ont appliqué le modèle VAR sur les économies
espagnoles et roumaines respectivement, et mettent en évidence le fait
que l'augmentation des taxes génère à moyen terme des
effets négatifs sur la croissance économique. Sur la base de ces
résultats, ils estiment que les tentatives de réalisation de
l'assainissement budgétaire, en augmentant le fardeau fiscal peuvent
aboutir à un échec ; et sont susceptibles d'impliquer encore
davantage de déficits à l'avenir. En utilisant plutôt les
séries temporelles, Mamatzakis (2005), et Koch et al. (2005) montrent
que le taux de pression fiscale est négativement lié à la
croissance économique de la Grèce (Mamatzakis, 2005) et de
l'Afrique du Sud sur une période de 1960 à 2002 (Koch et al.,
2005).
Ces résultats ne font toutefois pas
l'unanimité. Car afin d'examiner le taux optimal d'imposition pour la
Côte d'Ivoire, Keho (2010) prouve qu'une une augmentation de 1% de la
pression
Page 26 Page 3
fiscale serait probablement ajouter 0,5% par an à la
croissance économique. Aussi, Keho (2010) suggère que l'impact de
la fiscalité sur la croissance économique peut également
être influencé par la capacité de l'État à
percevoir des impôts. Si cette capacité est plutôt
limitée, augmenter des impôts ne conduiront qu'à
l'évasion fiscale sans assurer une croissance économique à
long terme.
Les méthodes des travaux présentés
ci-dessus renferment de nombreuses limites. En effet, bien que les
modèles VAR structurels constituent un outil utile dans la
macro-économie appliquée puisqu'ils sont simples, flexibles et
robustes pour modéliser la mauvaise spécification, les
débats à la suite du papier séminal de Gali (1999) ont
suscité un scepticisme concernant l'apport de cette méthodologie
alternative. Certains chercheurs se demandent actuellement si les
modèles VAR peuvent vraiment être utiles pour discriminer des
théories concurrentes et si leurs propriétés
d'échantillonnage sont assez précises pour justifier leur
popularité dans la macroéconomie appliquée. De plus, les
séries temporelles sont généralement en petit
échantillon, ce qui amoindrit alors la puissance des tests de
cointégration. Dans ces conditions les résultats obtenus à
partir de ces techniques sont-ils toujours crédibles ?