4.1.2. Impact sur les ressources en eau.
« Doungou'N Ruwan Dan Toka » autrement dit
le village de Doungou a été jadis crée à la bordure
d'un cours d'eau du nom de « Dan Toka » qui n'est rien d'autre que la
vallée de la Korama qui à l'époque a un écoulement
permanent et regorge aussi d'énorme quantité d'eau. Suite aux
actions humaines non concertées (barrage de Dan Bata), et surtout les
effets combinés du changement climatique (faiblesse des
précipitations, fortes chaleurs, ensablement), la Korama est
transformée en un cours d'eau temporaire. Aujourd'hui, cette
vallée est réduite à une multitude de mares sur son
parcours. Ces cours d'eau sont gravement menacés par
l'assèchement, cela se manifeste sur le terrain par l'augmentation de
nombre des cuvettes asséchées et la baisse du niveau
piézométrique de la nappe phréatique (HAROU, 2012).
Ce phénomène est aussi constaté par 81,7%
des enquêtés qui témoignent que ces dernières
années les ressources en eau sont insuffisantes pour l'activité
de la canne à sucre car, la Korama ne contenait plus l'eau comme au bon
vieux temps c'est-à-dire il y'a de cela plus de 30 ans. Cette
insuffisance de l'eau dans les sites de la culture de la canne à sucre,
explique un vieux exploitant se justifie d'une part par la fréquence
élevée d'arrosage de la canne à sucre par rapport au temps
vécu de leur jeunesse, le tarissement des puits traditionnels mais aussi
et surtout par l'utilisation impérative des forages et motopompes
partout dans les sites des cultures irriguées dus à la profondeur
de la nappe phréatique dont le niveau statique dans la vallée
peut atteindre 10 mètres (PDC, 2012).
45
Cette insuffisance des ressources en eau peut aussi
s'expliquer par la disparition ou la transformation de certaines cuvettes jadis
productrices de la canne à sucre en champs des cultures pluviales.
4.1.3. Impact sur la production
L'analyse de la courbe de l'évolution de la production
annuelle de la canne à sucre pour l'ensemble du département de
Kantché montre une baisse récurrente de la production de la canne
à sucre. En effet, cette dernière est beaucoup plus
marquée au cours des périodes suivantes : 2005, 2010 et 2012
(fig. 10). Ces trois périodes correspondent aux années où
la pluviométrie a été très abondante. Les
précipitations enregistrées au cours de ces années sont
respectivement 597mm, 657mm et 622mm. Ces dernières sont largement
supérieures à la moyenne qui tourne autour de 497mm dans la zone.
Cette abondance des précipitations au cours de ces trois
périodes, occasionne des grandes inondations récurrentes sur les
sites de la production à texture argilo-limoneuse hydromorphe, avec
comme conséquence des nombreuses pertes des cultures de la canne
à sucre suite à une asphyxie sévère.
Par ailleurs on constate également une
légère hausse de la production de la canne à sucre en
2014. Cette dernière pourrait s'expliquer dans une large mesure par une
pluviométrie moyenne (502mm qui n'est pas loin de la moyenne de la
zone), permettant ainsi à la canne à sucre de terminer son cycle
végétatif sans stress hydrique ni inondation.
120000
100000
![](Perception-du-changement-climatique-sur-la-culture-de-la-canne--sucre-dans-la-cuvette-de-Doungou-21.png)
20000
0
2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
Années
Production en tonne
80000
60000
40000
Figure 10: Evolution de la production annuelle en tonne de la
canne à sucre de 2002 à 2014 (DDA/Matamèye, 2015)
46
Cette baisse récurrente de la production de la canne
à sucre concorde bien avec les constats des populations. Selon les
résultats de nos enquêtes, 80% des exploitants ont constaté
une baisse de la production de la canne à sucre ces dernières
années.
Ainsi, 56% de ces derniers attribuent d'abord cette baisse de
production au démarrage tardif de la saison des pluies et à la
fin précoce de cette dernière. En effet, à la montaison
(Mai, Juin), période où la canne à sucre a plus besoin
d'eau, la pluie ne tombe pas ce qui crée un déficit hydrique
à cette plante (photo 11. a). Ce manque d'eau empêche alors la
canne de grandir pour donner des longs entre-noeuds avec beaucoup de jus. De
plus, quand la pluie s'installe, elle prend fin généralement au
cours de mois de septembre, période par excellence de la maturité
de la canne à sucre. Cette perturbation du cycle végétatif
de la canne à sucre liée au dérèglement de la
saison de pluie conduit à la production de canne avec de petits
entre-noeuds et moins sucrée appelée « gounji »
ou canne courte (photo 11.b). Ensuite 20% des exploitants expliquent que
dans certains sites notamment les bas-fonds, c'est surtout les grandes averses
du mois d'août qui submergent et dévastent par la suite la
plantation de la canne à sucre (photo 11. c). Ce qui oblige les paysans
à une récolte précoce où à l'abandon total
de son champ. Par contre 12% des exploitants associent cette baisse de la
production à la baisse des précipitations.
Par ailleurs, certains exploitants (10%) attribuent la baisse
de la production à la forte chaleur surtout du mois de Mai et Juin qui
crée un déficit hydrique aux jeunes plants de la canne à
sucre se trouvant surtout à la périphérie du jardin,
où l'humidité du sol est très faible. Enfin, 2% seulement
des exploitants affirment que la baisse de la production est liée aux
vents violents de la saison froide qui viennent déshydrater ou
écraser la canne à sucre en pleine maturité (fig. 11).
![](Perception-du-changement-climatique-sur-la-culture-de-la-canne--sucre-dans-la-cuvette-de-Doungou-22.png)
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Figure 11: Perception paysanne sur la baisse de la production de
la canne à sucre
![](Perception-du-changement-climatique-sur-la-culture-de-la-canne--sucre-dans-la-cuvette-de-Doungou-23.png)
Photo 11: a. b. c.
Cliché : I. Anass (2015).
a. Canne à sucre en montaison dévastée par
un déficit hydrique,
b. Taille de la canne à sucre suite à
l'arrêt précoce de pluie,
c. Champ de canne à sucre inondé.
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