§.2 l'émergence de blocs économiques :
une autre scène de conquête
La multiplication des enceintes internationales, notamment les
« G+ » censées réguler les relations économiques
et financières internationales et offrir une participation toujours plus
grande aux puissances émergentes dissimule mal cette volonté
sous-jacente de préserver un ordre mondial défini par les
occidentaux et menacé de transformations profondes. Pour un
réaliste comme l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry
Kissinger, le G20 devrait incarner l'instrument d'ajustement principal de ka
communauté internationale à ce nouvel ordre mondial. Il est en
réalité paralysé par les oppositions de fond et
n'évolue que dans le registre du voeu pieux et des grandes
déclarations d'autosatisfaction, sans arriver à déboucher
sur des actions concrètes susceptibles de garantir la
sécurité mondiale, la stabilité financière et un
commerce ouvert. La communauté internationale est-elle capable de
s'organiser dans le monde multipolaire auquel aspirent la Chine et les autres
puissances émergentes?145.
Le vieux débat des études de relations
internationales sur la multipolarité renait ainsi à la faveur de
cette réalité crue qu'est l'apparition de nouveaux pôles de
puissances susceptibles dans un futur pas si lointain de rivaliser, voire se
substituer, avec le pôle Nord Atlantique. La puissance économique
est-elle en mesure de donner un avantage comparatif décisif à la
Chine face à la puissance globale américaine? La Chine pour sa
part, ne doit-elle pas aujourd'hui adapter sa stratégie à
l'échelle internationale et accepter de prendre de plus grandes
responsabilités pour promouvoir cette « société
internationale harmonieuse » qui est devenue l'axe central de sa
101
politique extérieure depuis 2004? Avec un PIB par
habitant nominal d'environ 4000 dollars et une population de 730 millions de
paysans, peut-elle réellement entrer de plain-pied cette
communauté internationale et jouer un rôle central à
l'image des Etats-Unis?
C'est à cette multitude des questions
enchaînées que tente l'auteur à répondre en disant
qu'en réalité, ce n'est pas tant l'émergence de la Chine
ou des autres puissances qui menace la suprématie occidentale que la
faillite progressive d'un système libéral basé sur le
capitalisme financier et dont la principale erreur a été
d'oublier la valeur de l'homme. Le mouvement des indignés qui fait
actuellement tâche d'huile dans le monde développé et
s'insurge contre les dérives dévastatrices de ce modèle
économique témoigne d'une prise de conscience citoyenne des
limites de la gestion libérale. Cette quête des opinions publiques
occidentales d'un développement plus équilibré, plus
égalitaire, pourrait rencontrer à terme les aspirations chinoises
à une société harmonieuse. Il s'agit bien désormais
de la confrontation de deux types de sociétés. Comme le
soulignait un ambassadeur américain, « les emblèmes actuels
des Etats-Unis sont les bombardiers, les troupes au sol, et des drones munis
d'armes létales ». La Chine évoque toujours davantage des
tours et une multitude de grues, des ingénieurs et des centenaires
chargés de biens de consommation et autres. Les chinois paient cash,
livrent la marchandise contre de l'argent et n'exigent pas de leurs partenaires
commerciaux qu'ils se confrontent à leurs préférences
politiques ou les aident à promouvoir leur agenda impérial, comme
le faisaient autrefois les Etats-Unis. L'intégration asiatique est
tirée par les facteurs économiques et financiers, pas politiques
ou idéologiques.
Le cadre multilatéral
Le soft-balancing traduit le « jeu
diplomatico-stratégique », dit Magali Robert, que la Chine peut
être qualifiée en tant que telle. C'est-à-dire une
stratégie d'influence qui a recours à la diplomatie, aux
institutions internationales, au droit international et aux pressions
économiques, non pas dans le but de contrer une les Etats-Unis, mais de
lui complexifier la tâche et d'augmenter les coûts financiers et
politiques de ses sanctions.
Concrètement, dit l'auteur, que, cela traduit
l'idée que Pékin renonce à l'expansion et à
l'hégémonie et privilégie les alliances avec les autres
puissances, notamment les USA
La Chine s'intègre peu à peu au monde, en
même temps, elle monte en puissance, fait entendre plus souvent et plus
fermement sa voix et ses intérêts et, en toute logique, s'efforce
de plus en plus d'influencer le cours des choses, que ce soit dans le cadre des
relations qu'elle entretient avec ses partenaires, et principalement les autres
grandes puissances, ou dans le cadre multilatéral des organisations
internationales interétatiques. Et premier chef, à l'ONU.
Dans les rapports avec les Etats-Unis, Jiang Zemin a toujours
esquivé ou limité le plus possible les affrontements. Il a
préféré une "diplomatie de grande puissance" posant la
Chine en pays responsable discutant d'égal à égal avec la
superpuissance américaine. Dans la direction du parti communiste
chinois, le courant de gauche opposé à ces attitudes est
resté minoritaire. Le premier ministre Zhu, pour sa part, a
favorisé indirectement les relations sino-américaines par son
réalisme économique et sa volonté réformatrice.
C'est lui notamment qui a le plus voulu l'adhésion (2001) de la Chine
à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), conçue à la
fois comme l'entrée dans la cour des grands et le moyen le plus
sûr de forcer les structures bureaucratiques et économiques
chinoises à accepter des réformes indispensables.
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