I.1.6. Connaître le Sionisme
Le sionisme est une idéologie politique fondée
sur un sentiment national juif, décrite comme nationaliste par les uns
et comme émancipatrice par les autres, prônant l'existence d'un
centre territorial ou étatique peuplé par les Juifs en Terre
d'Israël (EretzIsraën). A la naissance du mouvement, à la fin
du XIXe siècle, ce territoire correspondait à la Palestine
ottomane, puis après la Première Guerre mondiale à la
Palestine mandataire. Sur un plan idéologique et institutionnel, le
sionisme entend oeuvrer à donner ou redonner aux Juifs un statut perdu
depuis l'annexion du Royaume d'Israël par l'Empire assyrien en -720,
à savoir celui d'un peuple disposant d'un territoire. De nos jours, il
comprend le post-sionisme, qui veut
11Stéphane Dovert, Rémy
Madinier, 2003.-43
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donner une orientation laïque à l'État
d'Israël, normaliser les relations avec les Palestiniens, et le
néo-sionisme, qui milite pour la migration des Palestiniens et des
Arabes israéliens vers les autres pays arabes.
Le mouvement sioniste est né parmi les
communautés ashkénazes d'Europe centrale et orientale sous la
pression des pogroms, mais aussi en Europe occidentale, à la suite du
choc causé par l'affaire Dreyfus - qui compte parmi les motifs du
lancement du Congrès sioniste par Theodore Herzl. Bien qu'ayant des
caractères spécifiques du fait de la dispersion des Juifs, cette
idéologie est contemporaine de l'affirmation d'autres nationalismes en
Europe.
Au cours de l'Antiquité, les populations juives se sont
largement dispersées, d'abord autour de la Méditerranée et
au Moyen-Orient, puis en Europe. Le lien entre les populations juives actuelles
et les juifs de l'Antiquité n'est pas total, des conversions ayant
existé dans l'Antiquité, et même après, même
si des études génétiques montrent le maintien de certains
marqueurs génétiques typiquement moyen-orientaux dans la
majorité des populations juives.
Mais indépendamment des origines géographiques
des communautés, les Juifs ont toujours affirmé leur nostalgie de
Jérusalem comme dans le psaume 137 composé lors du premier exil
à Babylone au VI' siècle av JC : « Si je t'oublie jamais,
Jérusalem, que ma droite me refuse son service! Que ma langue s'attache
à mon palais, si je ne me souviens toujours de toi, si je ne place
Jérusalem au sommet de toutes mes joies! ». Depuis la destruction
du Temple en 70, à la suite de la Première Guerre
judéo-romaine de 66-73, une partie des Juifs exprime le désir de
se rassembler en « Eretz Israel ». Ainsi, tous les ans durant la
fête de 'Pessah, le souhait L'an prochain à Jérusalem est
prononcé, et des petits groupes de Juifs religieux « montent »
régulièrement en Terre sainte depuis l'Antiquité, surtout
vers les villes saintes de Safed, Tibériade, Hébron et
Jérusalem. L'eschatologie juive affirme aussi la venue d'un messie qui
ramènera les Juifs sur leur terre. Ainsi pour Maimonide: « Les
Temps messianiques auront lieu lorsque les Juifs regagneront leur
indépendance et retourneront tous en terre d'Israël».
Sous la pression de l'antisémitisme européen et
sous l'influence des idéologies nationalistes et d'indépendance
nationale, une partie de la population juive européenne (surtout en
Europe centrale et orientale, où l'intégration est difficile)
transforme à la fin du XIXème siècle ce
désir religieux en un projet politique. »
En s'appuyant sur les ambitions coloniales britanniques au
Moyen-Orient, le
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mouvement sioniste se voit attribuer un « Foyer national
juif » en Palestine, par la déclaration Balfour (1917), la
conférence de San Remo (1920) et le mandat de la Société
des Nations (1922), contre l'avis des Arabes palestiniens qui craignent
d'être à terme dépossédés. La Palestine est
alors placée sous mandat britannique : on parlera pour cette
période de « Palestine mandataire ».
Pendant cette période, l'Agence juive favorise
l'immigration juive par tous les moyens : en 1933, elle est contrainte de
passer un accord avec les nazis pour rendre possible l'émigration de
Juifs allemands vers la Palestine. Dès la seconde moitié des
années 1930, après les restrictions sur les certificats
d'immigration délivrés par les Britanniques, elle organise
l'immigration clandestine.
Durant la même période, la conscience
nationaliste palestinienne se développe et la population arabe de
Palestine s'oppose au sionisme, à l'immigration juive et au mandat
britannique, parfois dans la violence.
En 1939, après 3 ans de révolte arabe et
à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne prend une
orientation plus pro-arabe. Dans son livre blanc sur la Palestine, elle annonce
la diminution drastique de l'immigration juive et promet la création
d'un État arabe indépendant dans les 10 ans. Mais après un
conflit violent cette fois contre les Juifs sionistes entre 1944 et 1947, les
Britanniques remettent leur Mandat à l'Organisation des Nations
Unies.12
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