3-2- QU'EST-CE QUE PARTICIPER A LA POLITIQUE POUR
LES
HABITANTS DE BIDONVILLES ?
Par participer, nous avons entendu mettre à
contribution ses ressources personnelles pour agir avec les autres. La section
précédente a permis de toucher du doigt les croyances et les
valeurs qui orientent leur perception de la chose publique. Dans celle-ci, nous
envisageons voir ce que cela donne en relation avec le concept de
participation. C'est ainsi qu'à partir des considérations sur la
socialisation, nous mettrons en exergue qui s'y rattache (I), afin d'en
déduire la forme de participation vers laquelle ils penchent le plus
(II).
3-2-1- La place de la socialisation politique dans la
conception de la
participation politique dans la populace.
Aborder le domaine de la socialisation politique, c'est
rechercher comment se forme l'identité politique des individus ; dans le
cas d'espèce, c'est celui des habitants des bidonvilles. Mais d'abord,
qu'est-ce que la socialisation ?
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3-2-1-1- Qu'est-ce que la socialisation politique ?
Dans une approche déterministe et fonctionnaliste, la
socialisation politique renvoie au processus d'inculcation des croyances et
représentation relatives au pouvoir (dimension verticale) et aux groupes
d'appartenance (dimension horizontale). Selon cette approche, il n'y a pas en
effet de société politique viable sans intériorisation
d'un minimum de convictions communes concernant la nécessité des
allégeances à la communauté et la légitimité
du gouvernement qui les régit. Peu importe que ces convictions soient
fondées ou non en raison ; il suffit qu'elles emportent
l'adhésion77.
Aussi, ce processus répond à deux exigences :
Au niveau des gouvernants, ils ont besoin d'imposer des
croyances qui justifient l'exercice de leur pouvoir et renforcent la
cohésion de la société qu'ils dirigent ; afin de faciliter
l'obéissance aux lois, la régression de la contrainte directe au
sens de Norbert Elias 78(1939), et le processus de mobilisation d'un
soutien, non plus passif mais actif.
Au niveau des gouvernés, une socialisation politique
efficace facilite psychologiquement l'acceptation des contraintes. Au fait,
elle place devant un dilemme : se rebeller avec le risque de devoir en
supporter lourdement le prix si sa résistance est brisée ou
s'incliner devant la force79.
Les déterministes et les fonctionnalistes
conçoivent la socialisation politique comme tributaire de deux concepts
: l'idéologie et la culture politique. En tant qu'ils apportent les
valeurs, les références et les croyances qui contribuent à
constituer l'identité politique de l'individu.
En fait, l'idéologie permet de définir son offre
politique, sa vision de l'organisation de la société en mettant
l'accent sur les valeurs et les représentations qui doivent orienter nos
attitudes politique. La culture politique pour sa part, permet aux citoyens,
à partir d'un ensemble de savoirs, de perceptions, d'évaluations,
d'attitudes et de dispositions, d'ordonner et d'interpréter les
institutions et processus politiques ainsi que leurs propres relations avec ces
institutions et processus80. Bref elle met l'accent sur les
représentations que les individus se font de leur rapport à la
société et relève trois aspects à
savoir81 :
77Braud (Philippe), Sociologie Politique,
6ed, 2002, p.233
78 Elias (norbert), La Dynamique de l'Occident
(1939),trad.Calman-Lévy, Réed Agora,1990,p.195 et 196
79Braud (philippe), op.cit. p.234
80 Almond (gabriel), Verba (sidney), The Civic
Culture Revisited, Boston, Little Brown, 1980, p.340
81Nkoyock (Jacqueline), « Histoire des
Idées et des Institutions Politiques », Cours Magistrale,
NiveauII, année 2009-2010
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La dimension cognitive qui renvoie à l'ensemble des
connaissances dont le sujet est capable de faire état sur les acteurs et
les règles de fonctionnement de système de gouvernement ;
La dimension affective en tant que les perceptions
colorées émotionnellement, dépendamment de
l'environnement, des évènements et de l'histoire personnelle ;
Et la dimension évaluative relative à la
capacité de porter les jugements de valeur sur ce qui s'y
déroule.
Ainsi, la culture politique est un ensemble de valeurs et de
connaissances en relation avec la gestion de la cité.
On ne saurait parler de processus sans évoquer les
agents et milieux de socialisation ; en tant que communauté sociale
structurée, au sein de laquelle s'opère l'activité
d'inculcation. Au rang des milieux, nous avons la famille, les pairs (amis,
voisins), l'école, les médias. Au plan spécifique, les
milieux qui ne concernent pas toute la population sont : l'appartenance
religieuse, l'appartenance à des organisations politiques, syndicales,
professionnelles, culturelles et sportives. Pour les agents de socialisations,
nous avons à l'école « les instituteurs », dans la
famille « les parents » et les groupes de pairs « les voisins et
amis ».
Retenons donc que l'approche fonctionnaliste et
déterministe conçoit la socialisation politique comme un
mécanisme de régulation qui par transmission de la culture,
permet une reproduction du système politique, le maintien de la paix
dans la société civile (Almond, Verba et Powel) et la
reproduction de l'ordre de domination déjà établi. Elle
agit comme substitut efficace de la violence physique, en légitimant aux
yeux des gouvernés des systèmes de représentation,
d'opinions, d'attitudes politiques conformes aux exigences des gouvernants
(Bourdieu pierre (2000)82. Cependant, ce n'est pas la seule approche
de la socialisation politique.
En effet, l'autre approche est celle des constructivistes en
général et celle d'Annick Percheron (1974) en particulier ;
puisque c'est la sienne qui est d'une importance capitale dans la
compréhension et l'analyse de la participation politique dans les
bidonvilles.
Pour elle, la socialisation politique regroupe les
mécanismes et processus de formation et de transformation des
systèmes individuels de représentations, d'opinions et
d'attitudes politiques. En d'autres termes, elle renvoie à un processus
interactif (non passif des individus) et continu (ne s'arrête pas
à l'adolescence). En prenant pour échantillon les enfants (8-12)
et les préadolescents (16-18), elle relève que l'identité
politique se construit non
82 Bourdieu (Pierre), Propos sur le Champ Politique,
Pul, 2000
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seulement durant l'enfance, mais aussi tout au long de la vie
des individus, en fonction des changements de leurs conditions sociales
(mariage, mobilité sociale, etc.) et des évènements
politiques qu'ils sont amenés à connaitre (guerres,
révolutions, élections etc.).83
Pour analyser la socialisation politique, elle s'appuie sur
certains concepts84.
Le premier c'est la notion de « stade » qu'il oppose
à celle d' « âge », puisqu'exprimant l'idée que
le développement n'est pas une progression continue mais une suite de
construction ou de reconstruction marquée par une structuration
particulière à chaque fois. Partant de ce concept, il
relève que l'univers politique n'est pas appréhendé
spontanément de façon structurée organisée.
Dès lors, parler de socialisation politique chez l'enfant c'est parler
des phénomènes en formation, non stabilisés.
Le second est celui de « milieu » pour relever que
l'enfant est être totalement et primitivement social. Ainsi, les
phénomènes de socialisation politique sont donc le fruit d'une
interaction entre l'enfant et son milieu. Le milieu étant
constitué de l'ensemble des groupes au sein desquels l'enfant
réalise ses expériences, ces groupes agissant les uns par rapport
aux autres.
Le troisième renvoie à « la formation du
moi » et lui permet de mentionner que l'enfant se développe par
identification aux groupes auxquels il appartient ou qu'il s'est choisi (groupe
de référence). Dès lors, la socialisation s'inscrit dans
un système, un environnement, un contexte familial, régional,
national qui présente des caractéristiques particulières.
Aussi, la socialisation n'est pas une aventure individuelle.
Le quatrième et dernier est celui de « savoir
intuitif » permettant à Annick Percheron (1974) de relever que la
socialisation en général et la socialisation politique en
particulier présentent un caractère latent, puisque pouvant
être quelque chose d'apprise sans avoir été
véritablement enseignée. Elle peut également être
non intentionnelle, par conséquent, semblée plus latente que
manifeste.
En définitive, elle souligne que la socialisation ne se
termine pas avec le passage à l'âge adulte. Lorsqu'elle aborde les
agents de socialisation, elle relève d'abord le fait que comme la
sexualité, on ne parle pas de politique aux enfants, même si ces
deux sujets deviennent de moins en moins tabous dans les familles aujourd'hui.
Mais elle retient comme agent de socialisation les parents dans la famille ;
à elle de préciser qu'en matière de transmission des
préférences partisanes ou idéologiques, celle-ci sera
d'autant plus forte que l'intérêt des parents pour la politique
est grand, qu'ils ont un niveau d'instruction élevé, que
83 Précis de Sociologie, Edition 2004, p.137
84 Percheron (Annick), l'Univers Politique des
Enfants, 1974
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les enfants sont capables de situer politiquement leurs
parents, que le milieu familial est homogène sur le plan des
préférences idéologiques85. De manière
générale, cette situation est corrélée à la
socialisation primaire. Rappelons également que le travail de
discrimination du genre est entamé à ce niveau, car c'est dans la
famille que la jeune fille est confinée à un rôle de femme
de foyer et au jeune garçon la quasi-totalité des initiatives.
L'autre agent est l'enseignant s'agissant de l'école, enseignant qu'elle
rapproche aux parents, même si l'influence n'est pas la même chez
les élèves ou les enfants. L'école est donc le lieu
d'acquisition d'une compétence savante (langage, connaissance des faits
et des institutions, formation citoyenne, apprentissage des règles et
pratiques). Acquisition qui présente deux visages :
« L'acquisition d'une compétence savante et
souvent formelle, la familiarisation avec certains mécanismes de
participation pour les enfants des milieux privilégiés et les
élèves en bonne situation scolaire ; l'apprentissage, en revanche
par les enfants des milieux défavorisés en mauvaise situation
scolaire, de situations d'inégalité et de moyens anomiques de
contester un système qui les relègue »86.
Comme dernier agent, elle évoque la nature et la taille
du lieu de résidence, les systèmes culturels régionaux, le
niveau de développement de la commune ou de la région, la
composante sociale de l'environnement et la nature du contexte politique. Tous
ces éléments se rapportant au contexte.
Ainsi, l'identité politique est un construit qui prend
en compte le stade, le milieu, la formation du moi et le savoir intuitif.
Dès lors, comment une analyse de cette dernière dans les
bidonvilles nous permettra de ressortir le sens que les habitants de
bidonvilles ont de la participation politique ?
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