Défis et enjeux des TICE dans l'animation de la communauté scolaire

CHAPITRE II :

REVUE DE LA LITTERATURE

I. REVUE DE LA LITTERATURE

L'animation d'un groupe consiste à fournir de l'énergie, de la vitalité susceptible d'apporter un changement positif au sein de ce groupe et de satisfaire les besoins de ses membres. C'est pourquoi, tout animateur doit connaitre et comprendre les besoins du groupe qu'il anime.

Dans le contexte scolaire, ces besoins sont présents chez les apprenants sous forme de problèmes (personnels, familiaux, affectifs, cognitifs, sociaux) à résoudre pour s'intégrer et pour performer. Ce qui peut donc motiver ou démotiver un élève à s'intéresser à une discipline, à des activités socio-culturelles ou socio-éducatives, ce sont les possibilités de satisfaction de ses besoins qu'il y trouve. Or, comme le reconnait Rolland Viau dans un article intitulé "12 questions sur l'état de la recherche scientifique sur l'impact des TIC sur la motivation à apprendre", les enfants et les adolescents éprouvent de l'engouement à l'égard des TIC. Et même s'il émet des réserves quant à la capacité des TICE à pérenniser la motivation chez les apprenants, il note toutefois que la technologie comme outils pédagogique, peut la déclencher.

Dans un document produit par l'UNESCO, en collaboration avec UNICEF, UNFPA, PNUD, ONU Femme et UNHCR, intitulé "Éducation 2030, Déclaration d'Incheon : Vers une éducation inclusive et équitable de qualité et un apprentissage tout au long de la vie pour tous", 2015, les représentants des gouvernements et des institutions internationales ont réaffirmé ce qui avait été proclamé depuis Jomtien en 1990. Il s'agit d'une déclaration qui précise les nouvelles orientations internationales en matière d'éducation et de formation : «Assurer une éducation inclusive et équitable de qualité et promouvoir des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie pour tous» pour réaliser les Objectifs de Développement Durable (ODD). L'éducation doit donc être inclusive et équitable, c'est-à-dire que tous doivent y être intégrés et personne ne doit en être exclu. Pour ce faire l'un des points importants dans les axes stratégiques, c'est d'inclure l'innovation et la technologie dans les méthodes éducatives : « L'innovation et les TIC doivent être exploitées afin de renforcer les systèmes éducatifs, diffuser les connaissances, permettre l'accès à l'information et encourager l'efficacité et la qualité de l'apprentissage, et assurer une prestation de services plus performante. ». Ainsi, l'un des moyens les plus sûrs pour rendre effectif le projet de l'éducation pour tous, est sans doute l'intégration des TICE dans les systèmes éducatifs.

Le "Décret N^o 2012-894 du 19 septembre 2012 portant introduction dans l'enseignement d'une discipline dénommée Technologies de l'Information et de la Communication, en abrégé TICE, et fixant les conditions d'accès aux fonctions de professeur de Lycée et Collège de TICE" officialise l'entrée des TICEdans le système éducatif ivoirien, avec l'élaboration de "Programmes éducatifs et guides d'exécution" en TICE (2014) pour tous les cycles, depuis le préscolaire jusqu'au second degré l'enseignement secondaire par le Ministère de l'Education Nationale (MEN). Cette officialisation donne un cadre légal à l'insertion des TICE qui traduit la vision de l'éducation pour tous.

Dans L'être et l'écran : Comment le numérique change la perception, Stéphane Vial (2013) montre que le développement des TIC a radicalement changé « notre relation au monde et notre façon de percevoir. » Comme dans L'être et l'étant où Heidegger montre comment la technique a modifié la relation et la perception de l'homme vis-à-vis de la nature, ainsi L'être et l'écran nous renvoie notre propre image face au monde nouveau, à l'épreuve des TIC.

Vu ces bouleversements engendrés par les TIC, et le rythme accéléré avec lequel elles progressent, Thierry Karsenti (2007), dans un cours intitulé "TICE et Education : Quels défis pour l'Afrique", insiste sur la nécessité pour les pays africains d'intégrer les TIC dans leurs systèmes éducatifs afin d'éviterd'être en déphasage avec les mutations actuelles en matière de savoir et de savoir-faire. Pour lui donc, au-delà de leur enseignement comme savoir, les TIC doivent être appropriées par les élèves et toute la communauté scolaire comme savoir-faire, comme outil éducatif et pédagogique.

L'utilisation des TIC à des fins éducatives a beaucoup progressé en Côte d'Ivoire, au rythme du développement et de la diversification des services de télécommunication proposés (Mian Bi, 2011). Sous sa forme internet, les TIC représentent un réel atout pour les apprenants ivoiriens, car elles permettent l'accès plus facile et plus actif à l'information.

Dans une recherche faite dans plusieurs établissements scolaires en Côte d'Ivoire, Azoh, J. F., Koutou N'Guessan, C., Bosoma N'Dede, F., (2012) montrent que même en l'absence d'un cadre institutionnel et d'une formation des enseignants en TICE, des établissements ont réussi à intégrer les technologies dans leur gestion, et cela a été un succès.^7(*) L'autre problème relevé en matière de TICE en Côte d'Ivoire, c'est l'inexistence de salle informatique dans les écoles. Or, il serait difficile de réaliser un tel projet sans le matériel adéquat. Comme solutions, ils proposent l'institutionnalisation des TICE, la réduction du « coût du matériel par la défiscalisation » et proposent à l'Etat l'utilisation du « fond national des télécommunications pour l'équipement des établissements afin de donner une formation complète à sa jeunesse ».

En somme, nous voyons que pour l'animation de la communauté scolaire, l'Educateur, en tant qu'animateur principal de cette communauté, doit en connaitre les besoins afin que les solutions apportées à l'école ne soient pas en déphasage avec les besoins éducatifs actuels. Pourtant la nouvelle vision mondiale et les progrès technologiques sont tels que les TIC sont une nécessité pour tout système qui se veut performant, attrayant et en conformité avec les normes internationales. La marche officielle récente de la Côte d'Ivoire vers l'innovation technologique de l'école est ralentie par des obstacles d'ordres économique, pédagogique et politique. Mais, puisque les TICE nous présentent d'énormes avantages pour le système éducatif ivoirien et pour la société ivoirienne en construction, des efforts politiques plus osés doivent être fournis par les décideurs.

Notre étude s'inscrit dans la théorie connectiviste comme théorie de l'apprentissage la mieux adaptée à l'explication des processus d'apprentissage à l'ère de la technologie. Les théories behavioriste, cognitiviste, constructiviste et socio-constructiviste ont permis, tout au long du XXe siècle, de comprendre la façon dont les individus apprennent (individuellement ou socialement). Quant au Connectivisme, il met l'accent sur le type de savoir que l'élève doit acquérir et les compétences à développer pour cette acquisition. Le connectivisme est en effet une théorie de l'apprentissage qui « interroge le processus de l'apprentissage à l'ère du numérique et dans un monde connecté en réseaux en s'appuyant sur les limites du behaviorisme, du cognitivisme, du constructivisme et du socio-constructivisme (Siemens, 2005).Dans "Connectivism : A learningtheory for the digital age"^8(*), Siemens (2005), dit comment le Connectivisme permet d'expliquer les effets de la technologie sur la façon dont les gens vivent, communiquent et apprennent. Pour lui, « l'apprentissage est un processus qui se produit dans des environnements flous composés d'éléments de base changeants, et qui n'est pas entièrement sous le contrôle de l'individu ». De cette façon, c'est dans la capacité à entrer en connexion avec les sources de l'information que l'on apprend. La source de l'information peut résider hors de l'individu : « L'apprentissage peut résider en dehors de l'individu (au sein d'une organisation ou une base de données), et se concentre sur la connexion d'ensembles d'informations spécialisées. » Ainsi, la capacité d'apprentissage de l'individu se trouve dans sa « capacité d'établir des distinctions entre l'information importante et sans importance. ». Cette façon de voir les processus d'apprentissage est reprochéeau Connectivisme par des chercheurs comme Plon Verhagen qui remet en cause la scientificité du Connectivisme. Toutefois, la conception de l'apprentissage comme un processus de recherche de l'information par une sorte d'interception au milieu d'une foule de données en connexion, nous parait mieux rendre compte des avantages des TICE dans la gestion de la communauté scolaire.

Cependant tous ces écrits émanent en général d'universitaires, de chercheurs, qui travaillent certes en Sciences de l'éducation, en TICE, en technologie ;ce qui fait que leurs points de vue, bien que pertinents et objectifs car venant de personnes extérieures à la vie des établissements,sont tout de même limités car le plus souvent loin de la réalité du terrain. Ainsi, en tant qu'Educateur, et avec le regard d'un Educateur, nous voudrons contribuer par cette étude à la réussite des TICE en Côte d'Ivoire, par leur généralisation à toute la vie scolaire au-delà du seul cadre de l'enseignement.

Par ailleurs, même si un décret existe sur l'intégration des TIC en éducation en Côte d'Ivoire, et que des guides-programmes existent, le constat c'est qu'il y a un écart entre la théorie et la pratique en matière de TICE dans les établissements ; car depuis trois ans, hormis quelques établissements d'Abidjan, il est rare de trouver une école publique où existe un réel projet TICE. Concernant la généralisation des technologies à toute la vie scolaire, il est pratiquement impossible de trouver un établissement où cela existe. Comme nous le voyons, les défis sont énormes pour la réalisation du projet TICE en Côte d'Ivoire.

* ⁷(Karsenti, Collin, & Harper-Merrett, 2012), Intégration pédagogique des TIC : Succès et défis de 100+ écoles africaines. Ottawa, ON : IDRC.

* ⁸Rapporté par Mohammed Chekour, Mohammed Laafou, Rachid Janati Idrissi, "L'évolution des théories de l'apprentissage à l'ère du numérique", http://creativecommons.org/licenses/bynd/2.0/fr/ , 2015, consulté le 08/02/2016