Le régime juridique de l'insurrection : une étude à partir des cas libyen et syrien( Télécharger le fichier original )par Joseph Marcel II MBAHEA Université de Yaoundé II - Master II Droit public international et communautaire 2013 |
D - INTERET DE L'ETUDEL'étude sur la recherche d'un régime juridique de l'insurrection en Droit international n'est pas dénuée d'intérêts. Celle-ci revêt un double intérêt théorique (1) et pratique (2). 1- INTERET THEORIQUE« Sous prétexte de ne rien faire qui pût légitimer l'insurrection ou la rébellion, les États ont trop longtemps refusé d'adopter des règles en vue de limiter la violence de la guerre civile et d'en protéger les victimes »32(*). Depuis que le droit de résistance à l'oppression a été introduit dans les droits de l'homme, tant les instances nationales de la plupart des pays, que les institutions internationales, ont évité avec soin de définir les différentes formes que la tyrannie peut prendre, et comment caractériser la légitimité d'une résistance qui peut parfois prendre des détours très sanglants .Aujourd'hui encore, les règles qui s'appliquent à ces conflits demeurent rudimentaires et répondent limitativement aux besoins de protection qu'engendre toute guerre interne. « Le principe de non-ingérence, un des corollaires de la souveraineté de l'État, a été le fondement juridique de l'inertie et de l'indifférence de la communauté internationale »33(*). La montée en puissance des soulèvements, révoltes et autres rébellions dans les Etats, la multiplication des groupes armés et des mouvements insurrectionnels donnent matière à réflexion et de sérieuses raisons de s'inquiéter. On peut citer l'insurrection touareg au Mali, des séléka en RCA, ou les conflits actuels en Ukraine, en Irak. Dans le même ordre, les cas éloquents des insurgés libyens, syriens tunisiens, et égyptiens en 2011. C'est ce que l'on a appelé « le printemps arabe » L'intérêt de cette recherche qui entreprend ici, de faire l'état des lieux des éléments qui est permettent de qualifier un évènement d'insurrection, la sécurité juridique autour de cette notion pour le grand bénéfice des sujets principaux du Droit international que sont les Etats. La réflexion sur la recherche de l'insurrection en droit international à la lumière des cas libyen et syrien est intéressante à plus d'un titre. Pour ce qui est du cas libyen, il « constitue un exemple de rébellion arabe appuyée par une intervention militaire soutenue (...) par la communauté internationale, qui aboutit à un changement de régime. L'insurrection libyenne reste à ce titre un cas d'école, d'autant plus que la guerre civile syrienne qui a débuté pratiquement en même temps en constitue un contre-exemple, montrant chaque jour un peu plus les blocages et les paradoxes du système international en l'absence de consensus »34(*) . Le cas syrien revêt aussi un intérêt. Il prend à rebours le cas libyen. En effet, le régime de Bashar El Assaad semble user de violence sur son peuple, sous l'inaction de la « communauté internationale ». Pourtant, cette même « communauté internationale » s'était montrée vivement touchée par la détresse des insurgés libyens, avait évoqué et mis en oeuvre la Responsabilité de protéger. Tous ces conflits d'origine interne sont susceptibles de constituer des menaces à la paix et à la sécurité internationale. Cette situation d'insécurité créée par les conflits armés non internationaux, interpelle vivement le Droit international afin de régulariser. Mais malheureusement, ce souci de régularisation se heurte à quelques difficultés majeures. Premièrement, comment concilier l'impératif de sauvegarde de la paix et de la sécurité internationale et le respect de la souveraineté de l'Etat victime d'une insurrection ? Deuxièmement, comment discerner, mieux cerner du point de vue juridique ce genre de conflit qui oscille entre internisation et internationalisation ? Troisièmement, quelles sont les parties en conflit et comment les qualifier ? Quant on sait que celles -ci n'ont ni la même importance, ni le même poids sur la balance du Droit international. C'est à juste titre que le Docteur ZAKARIA DABONE s'interrogeait à l'effet de savoir « comment situer les groupes armés non étatiques au sein du Droit international Public un système conçu pour et par les Etats ? »35(*) Et que l'insurrection comme conflit armé non international, « est un contexte où se font concurrence le droit interne et le droit international. Il est une situation domestique à laquelle s'applique le droit interne, alors que le droit international entend régenter la majeure partie de cette situation ».36(*) L'abondante littérature sur les conflits armés non internationaux ne traite pas suffisamment ou du moins spécifiquement des problèmes que soulève la qualification des conflits internes.. Cette étude se propose donc de poser une nouvelle pierre à l'édifice, de déblayer davantage cette notion, et de faire toute la lumière sur ce type de conflit armé qu'est l'insurrection qui semble encore à certains égards un terrain en friche dans l'espaces du droit des conflits armés. Que dire de l'intérêt pratique du sujet ? * 32 BUGNION (F),jus ad bellum, jus in bello et conflits armés non internationaux » Yearbook of International Humanitarian Law», T. M. C. Asser Press, vol. VI, 2003, p.2. * 33 KOKOROKO (D), « souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », R.Q.D.I, vol16, no1, 2003, p.40. * 34 RAZOUX (P) (dir), réflexions «sur la crise libyenne, Etudes de l'IRSEM, Paris, no 27, 2013, p.5. * 35 ZAKARIA (D), « les groupés dans un système de droit international centré sur l'Etat », RICR, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit., p.85. * 36 ZAKARIA (D), « les groupés dans un système de droit international centré sur l'Etat », R.I.C.R, vol93, Genève, No 882, juin 2011, op.cit. p.106. |
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