3.2.3 Les verbes subjectifs
Selon C. Kerbrat-Orecchioni, l'analyse des verbes subjectifs
distingue trois catégories. Dans la première catégorie
nous nous demandons qui porte le jugement évaluatif, cela peut
être le locuteur et l'actant du procès. Dans le premier cas il
s'agit des verbes subjectifs proprement dits, du type « revendiquer
», « exiger ». Dans le deuxième cas l'actant du
procès ou encore l'agent peut coïncider avec le sujet
d'énonciation et dans cette mesure, les verbes du type «
désirer » doivent être intégrer dans la classe des
verbes subjectifs. Dans la deuxième catégorie nous nous
interrogeons sur quoi porte l'évaluation. Cela peut être le
procès lui-même et donc les verbes de ce type sont tous
intrinsèquement subjectifs. L'évaluation porte parfois sur
l'objet du procès, qui peut être une chose ou un individu mais
également un fait, exprimé par une proposition
enchâssée. Dans la troisième catégorie nous nous
questionnons sur la nature du jugement évaluatif et il se formule
principalement en termes de : fort/faible - donc c'est le domaine de
l'axiologie ; exact/inexact/probable - donc c'est le problème de la
modalisation.
3.2.3.1 Les verbes occasionnellement
subjectifs
Ce sont tous les verbes impliquant une évaluation : de
l'objet du procès, par l'agent du procès, en termes de
fort/faible, ou de exact/inexact. Ces verbes sont
63
appelés parfois : verbes de modalités exprimant
l'attitude d'un sujet vis-à-vis d'une représentation virtuelle,
verbes évaluatifs d'attitude propositionnelle - ils énoncent une
certaine disposition d'un agent vis-à-vis d'un objet. (Orecchioni 2006 :
114).
Exemple 28 « Face à cela, au
djihadisme, à l'islamisme radical, à cette contestation totale de
ce qui fait notre humanité, la France ne doit à aucun moment
baisser la garde. Faiblir serait faillir. Notre
responsabilité à tous est donc immense. Nous sommes entrés
dans une nouvelle époque. Nous avons changé de monde
».28
Le sujet d'énonciation déclare que l'ennemi est
toujours présent et que les Français doivent rester attentifs et
prudents. Tout d'abord nous avons souligné le verbe baisser.
Celui-ci fait partie de l'expression « baisser la garde ». Ce
verbe est employé dans une phrase négative afin que l'orateur
puisse affirmer que la France ne doit pas arrêter d'être vigilante.
Le moindre manque d'attention pourrait coûter cher et causer des
dégâts irréparables. En tenant ces propos le locuteur
exprime son attitude vis-à-vis de la situation de crise, sans
précédent, que le pays traverse. Ensuite nous avons relevé
les verbes faiblir et faillir. Le deuxième serait la
conséquence et le résultat du premier. Donc en utilisant le verbe
faiblir le sujet parlant s'adresse à ses compatriotes dans le
but de leur rappeler qu'ils ne doivent pas perdre de leur force, de leur
vigueur et de leur intensité. Au jour d'aujourd'hui rester forts est la
seule solution possible. Le verbe faillir contient en soi le risque et
l'erreur. Ainsi être sur le point de commettre une erreur peut
entraîner des effets désastreux donc s'avérer fatal pour la
France et son peuple.
28Audition du Premier ministre et du ministre de la
justice devant la commission des lois du Sénat au sujet du projet de loi
constitutionnelle sur la protection de la Nation, au Sénat le 8 mars
2016
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3.2.3.2 Les verbes intrinsèquement
subjectifs
Ces verbes impliquent une évaluation ayant toujours
pour source le sujet d'énonciation. L'évaluation porte d'abord
sur le procès dénoté et celui-ci peut être
considéré comme un élément de la classe
générale des termes péjoratifs. Tout comme les substantifs
et les adjectifs, les verbes ne se marquent nettement péjoratifs que
lorsque la connotation axiologique s'inscrit dans un support signifiant
spécialisé et/ou lorsque existe dans le lexique une série
de parasynonymes qui ne s'opposent que sur cet axe.
Exemple 29 « L'ennemi, ce sont ceux
qui pillent, violent, tuent, réduisent en esclavage ; ceux qui,
là-bas, commettent des attentats et en planifient d'autres sur notre
sol. L'ennemi, ce sont aussi ces individus embrigadés, ces cellules plus
ou moins autonomes, plus ou moins organisées, qui peuvent agir ici, en
France, au coeur de notre société ».29
Nous avons relevé trois verbes impliquant une
évaluation et se caractérisant par une subjectivité
émotionnelle. Ces verbes font partie du champ lexical de la guerre. Le
verbe piller nous fait comprendre que l'ennemi, se trouvant sur le sol
français, veut détruire le pays et provoquer d'importants
dégâts. Donc nous pouvons affirmer qu'il s'agit d'une destruction
intérieure. Celle-ci est la pire des destructions car elle ruine le pays
à petit feu. Elle ne prévient pas et parfois, nous ne nous en
rendons pas compte que quand c'est trop tard. Le verbe violer
caractérise les actions de cet ennemi dit inhumain. Ce verbe nous
fait ouvrir les
29Discussion du projet de loi constitutionnelle,
adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation, au
Sénat le 16 mars 2016
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yeux pour mieux comprendre que la France doit affronter un
adversaire féroce. Ce dernier est prêt à mourir dans
l'intention d'accomplir sa mission. Le verbe tuer possède un
degré supérieur par rapport aux deux autres. Provoquer la mort
des gens innocents est considéré comme un acte de barbarie, mais
à vrai dire ce sont des fanatiques qui servent leur cause, qui ne
connaissent aucune limite, et qui pensent que rien ne pourrait les
arrêter. Donc ce verbe exprime d'une certaine manière l'objectif
principal des militaires lors d'une guerre : éliminer l'adversaire.
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