3.1.3 La localisation temporelle
C. Kerbrat-Orecchioni énonce qu'exprimer le temps
demande une localisation d'un événement sur l'axe de la
durée, par rapport à un moment T pris comme
référence. Selon le cas, ce T peut correspondre à :
- une date particulière prise comme
référence du fait de son importance historique
- moment inscrit dans le contexte verbal : il est question
alors de référence contextuelle
l'Assemblée nationale le 12 mai 2016
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- moment de l'instance énonciative :
référence déictique
La localisation temporelle s'effectue grâce au double
jeu des formes temporelles de la conjugaison verbale, et des adverbes et
locutions adverbiales. De ces deux procédés, le premier exploite
le système de repérage déictique, cependant que les
adverbes temporels se répartissent à peu près
également entre la classe des déictiques et celle des
relationnels.
3.1.3.1 Les désinences verbales
C. Kerbrat-Orecchioni (2006 : 52) affirme que le choix d'une
forme de passé/présent/futur est de nature déictique : l a
référence est « nynégocentrique ». « La
subjectivation nynégocentrique, telle que la définissent J.
Damourette et E. Pichon, est une « libération du sémantisme
» du coverbe par rapport à son sujet grammatical qui a pour effet
de rendre la signification de l'auxiliaire qui résulte de cette «
libération » consubstantielle au moi-ici-maintenant
énonciatif. » (Mellet et Vuillaume, 2003 : 244). Ceux que nous
appelons souvent les « temps absolus » sont en réalité
des temps déictiques. A l'intérieur de chacune des sphères
de présent/passé/futur, le choix se fait selon différents
axes aspectuels qui sont à verser au compte de ce que plus largement
nous appelons la subjectivité langagière, car ils mettent en jeu
la façon dont le locuteur envisage le procès. Celui-ci peut
être dilaté ou ponctualisé, considéré dans
son déroulement ou dans son achèvement, « enfoui dans le
passé » ou au contraire relié à l'activité
présente. Il faut donc noter que le report en style indirect constitue
en français le seul cas d'emploi des temps où nous ayons
incontestablement affaire à de la référence contextuelle,
et non déictique.
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Exemple 19 « Et j'appelle à
ne pas souffler sur les braises. Car refuser de condamner cette violence, c'est
mettre en cause la République. Je veux saluer ici, une
nouvelle fois, l'engagement de nos forces de sécurité, policiers
et gendarmes, dont certains oublient l'esprit de sacrifice et la
responsabilité qui pèse actuellement sur elles. Gouverner,
mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas craindre le
débat. »19
L'exemple que nous avons choisi répond au schéma
moi-ici-maintenant, car le sujet parlant est relié à
l'activité présente. Le locuteur se sert des verbes
conjugués au présent de l'indicatif et d'infinitifs pour exprimer
sa position concernant la situation actuelle. Il essaie d'ouvrir les yeux de
certains députés pour qu'ils voient la réalité
telle qu'elle est et pour qu'ils puissent avoir une vision impartiale de la
République et ses valeurs. L'orateur tient à saluer de nouveau le
professionnalisme, le dévouement et la loyauté des forces de
l'ordre. L'adverbe « ici » indique où se trouve le sujet
d'énonciation au moment où il tient ce discours. Donc il
décide d'affirmer publiquement, à l'Assemblée nationale,
qu'au lieu de mettre de l'huile sur le feu, les députés doivent
plutôt exprimer leur reconnaissance envers l'ensemble des institutions
dont le travail est de veiller à l'ordre public et au respect de la
loi.
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