Les charmes et les dangers du repli de la famille sur
elle-même.
- Ce processus du repli de la famille conjugale sur elle-même,
écrit François de Singly51(*), plus tardif dans les familles dont le patrimoine
était économique s'est déclenché dans le salariat
dès la fin de la guerre de 1939-1945, sans doute parce que l'absence
d'héritage économique entre les générations
facilitait la mise à distance entre les parents et les enfants
adultes.
- Trois principaux éléments décrivent ces charmes et
les dangers du repli familial : il s'agit de : la conjugalisation de
la banlieue, le repli familial et la compétition social et, enfin, la
critique de la conjugalisation.
- a. La conjugalisation et la banlieue
- Le modèle idéal est, par rapport aux parents, de vivre non
pas avec eux mais près d'eux. Plus des deux tiers, hommes et femmes,
sont à moins de cinq kilomètres de leurs parents. Assez
souvent, la distance entre le couple et les parents est beaucoup plus petite.
Un grand nombre de femmes mariées vivent dans le même appartement,
dans le même immeuble ou dans la même rue avec leurs parents.
- Dans le cadre de cette étude, les enfants mariés ne sont
nullement loin de leurs parents. Le père a, dès l'âge
adulte de son fils, donné un lopin de terre à son fils où
ce dernier érige une maison dans laquelle il cohabitera avec son
épouse. Le père s'entoure donc de tous ces garçons
mariés et cela lui confère force et honneur dans son
environnement social. Des tensions peuvent, parfois, éclater entre les
brus et les belles mères, mais elles sont, le plus souvent
anéanties par l'implication des membres de la famille. Il est, cependant
à noter que le mariage déstabilise peu les liens entre les
enfants mariés et leurs parents, surtout ceux entre la fille et sa
mère. Plus de la moitié des femmes mariées entretiennent
des contacts quotidiens avec leurs mères et cela ne se passe pas souvent
sans heurts.
Le repli de la famille et la compétition sociale
- L'accès à un chez-soi se prolonge en un « chacun
chez - soi ». Les voisins sont maintenus à distance pour ne
pas avoir des histoires. Chacun investit sur ses proches, matériellement
dans sa maison. Chaque famille entre en compétition pour être au
moins au niveau des autres. « Les voisins ont mis de jolis
rideaux. Et nous ? Ils ont planté des troènes et du gazon
nouveau dans le jardin. Et nous ? Ils ont une tondeuse et une belle
poussette. Et nous ? ».
- Les rideaux peuvent être pris comme un signe de transformation de la
famille populaire. Ils servent à protéger la vie privée du
regard d'autrui, à respecter la clôture ; et en même
temps, ils révèlent le niveau de vie de chaque famille. La faible
densité des réseaux de proximité fait que les gens se
repèrent sur des critères, de plus en plus sociaux.
L'individualisme engendre des formes du social, et non leur disparition. La
fermeture relative du cercle domestique est associée à un
accroissement des jugements extérieurs en termes de
propriété, de richesse et de consommation. Auparavant, le
crédit social auprès des autres ne dépendait pas tant du
« succès que des subtilités de comportement qu'on peut
avoir dans les nombreux face à face ». Aujourd'hui, l'individu
ou la famille n'est pas loin d'être jugé sur un seul
critère : ses biens.
- A la privatisation de la vie privée, correspondent des formes
particulières des luttes sociales. Les familles se trouvent au coeur
des luttes de classement. C'est un paradoxe des sociétés dites
individualistes que d'avoir dévalué des critères non
seulement de la lignée mais aussi des biens personnels pour les
remplacer par des estimations en fonction du niveau de consommation. A ces
deux niveaux, par des habits et des résultats scolaires, l'enfant est un
point de repère central de la valeur de la famille contemporaine. C'est
une preuve du lien entre privatisation et socialisation de la vie
privée et de la famille.
* 51 F. DE SINGLY,
Sociologie de la famille contemporaine, 3ème
édition refondue, Paris, Armand Colin, 2007,
pp.32-37.
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