La critique de la conjugalisation
- Un certain nombre d'auteurs critiquent ce mouvement historique. Ainsi,
pour Richard Sennett, reprenant la thèse de Philippe Ariès sur la
« famille et la ville », cette transformation sépare
le couple non seulement de ses familles d'origine, mais aussi de la
communauté de la rue et du voisinage, et contribue ainsi à
imposer les tyrannies, de l'intimité, des rôles sociaux (dont
celui de « fils de », de « fille de »)
sont mis à distance pour laisser la place à la psychologisation
des identités.
- Pour Christopher Lasch, la conjugalisation des années 1950 dans les
banlieues moyennes et populaires constitue non l'extension de la famille
bourgeoise, mais une forme nouvelle. La distance entre les familles d'origine
sert de support à une individualisation, mais elle a un coût
élevé, notamment pour les femmes. La femme du foyer, pour les
milieux dits supérieurs, avait des activités extérieures,
de bonnes oeuvres aux oeuvres culturelles. Avec la seconde version du
modèle de la femme au foyer, surviennent l'enfermement dans la maison
par les enfants, un oubli des solidarités de voisinage. Le
« nous » conjugal a tué les formes de
« nous ».
- Tout ce passage a considéré la famille comme étant le
meilleur cadre de vie et de socialisation et d'intégration sociale.
- Il n'en est pas ainsi à travers toute l'humanité. Les
féministes estiment que la famille dénature l'individu, enfreint
sur ses droits et ses libertés et crée même des
inégalités sociales. Les relations verticales et rarement
horizontales qu'on retrouve dans les familles évitent à l'homme,
à la femme et même à l'enfant de s'épanouir
valablement. Il se développe même dans les familles des relations
de dépendance plutôt que d'autonomie. Si les choses peuvent ainsi
paraître chez les féministes tels que Simone de Beauvoir, il n'est
pas ainsi pour nos familles de Ngweshe.
- Dans ce milieu, l'on ne se réalise qu'à travers la famille.
Il y a un respect particulier et une considération particulière
qu'on accorde à quelqu'un qui a fondé famille alors que toute
personne dite non mariée est qualifiée de personne non
intégrée. C'est cette considération qui accorde un statut
plus respectueux aux mariés qui justifie la multiplicité et
même la précocité des mariages au sein de l'entité.
- En outre, un ancien paradigme portait à considération que
les enfants nés et encadrés en familles étaient plus
équilibrés que ceux n'étant pas sous le joug des parents.
A ce jour, il est démontré qu'on retrouve des délinquants
aussi bien parmi les enfants sous la protection des parents que parmi ceux
n'ayant pas de parents. Une certaine opinion estime que l'esprit de
responsabilité serait même plus élevée chez les
enfants ayant grandi seuls que chez ceux ayant tout le temps été
sous la protection de leurs parents.
- Nous retiendrons cependant que l'émergence des enfants relève
de la formation et la préparation familiale, bien que certains enfants
ne saisissent pas à temps cette opportunité. Nous avons
trouvé, pour le cas d'espèce, qu'au sein de la chefferie de
Ngweshe, les enfants des enseignants, uniques cadres avant et juste
après l'indépendance, n'avaient pas émergé
maximalement comme on pouvait s'y attendre. Il en est de même des enfants
des nobles chefs coutumiers. Leur émergence s'évalue moyennant
presque en ordre équivalent avec les enfants issus des familles pauvres
ou moyennes de l'époque. Une des raisons avancées paraissant plus
plausible est que ces parents, à travers ces deux catégories
(riches et nobles) n'étaient pas en contacts permanents avec leurs
enfants. Ils les laissaient plus à la disposition de leurs mères
qui, pourtant, vaquaient à beaucoup d'activités
champêtres et ménagères. Il s'avère donc que la
famille, dans son programme de socialisation, doit développer les
contacts entre ses membres, et ce en dépit des difficultés
auxquelles elle est confrontée.
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