Section 2 : Résultats des Observations
L'observation a été effectuée sur 31
personnes (19 hommes et 12 femmes), la retranscription des données a
été faite sur un tableau Excel et l'interprétation des
vidéos a été effectuée avec l'aide d'un expert dans
le comportement et la communication non verbale.
Tableau 8: Caractéristique de
l'échantillon
N°
|
Genre
|
Age approximatif
|
Seul / accompagné
|
Temps passé dans l'allée
|
1
|
Homme
|
40aine
|
Accompagné
|
0 :45 s
|
2
|
Femme
|
50aine
|
Seule
|
0 :48 s
|
3
|
Homme
|
40aine
|
Seul
|
0 :59 s
|
4
|
Femme
|
20aine
|
Accompagnée
|
1 :02 s
|
5
|
Homme
|
30aine
|
Seul
|
1 :13 s
|
6
|
Femme
|
50aine
|
Seule
|
1 :01 s
|
7
|
Homme
|
20aine
|
Seul
|
1 :32 s
|
8
|
Homme
|
40aine
|
Seul
|
1 :02 s
|
9
|
Femme
|
50aine
|
Seule
|
1 :20 s
|
10
|
Homme
|
60aine
|
Seul
|
0 :46 s
|
11
|
Homme
|
40aine
|
Seul
|
2 :02 s
|
12
|
Homme
|
40aine
|
Seul
|
2 :54 s
|
13
|
Homme
|
30aine
|
Seul
|
0 :40 s
|
14
|
Homme
|
50aine
|
Seul
|
4 :58 s
|
15
|
Homme
|
30aine
|
Seul
|
1 :10 s
|
64
Chapitre IV : Résultats de la recherche
16
|
Homme
|
50aine
|
Seul
|
1 :55 s
|
17
|
Femme
|
40aine
|
Seule
|
1 :20 s
|
18
|
Femme
|
30aine
|
Accompagnée
|
0 :49 s
|
19
|
Homme
|
20aine
|
Seul
|
1 :02 s
|
20
|
Homme
|
40aine
|
Seul
|
1 :43 s
|
21
|
Femme
|
20aine
|
Accompagnée
|
1 :09 s
|
22
|
Homme
|
30aine
|
Seul
|
1 :17 s
|
23
|
Femme
|
30aine
|
Seule
|
1 :10 s
|
24
|
Femme
|
20aine
|
Accompagnée
|
0 :52 s
|
25
|
Homme
|
30aine
|
Seul
|
1 :20 s
|
26
|
Femme
|
50aine
|
Seule
|
1 :20 s
|
27
|
Femme
|
30aine
|
Seule
|
2 :08 s
|
28
|
Femme
|
40aine
|
Seule
|
1 :07 s
|
29
|
Homme
|
40aine
|
Seul
|
1 :55 s
|
30
|
Homme
|
50aine
|
Seul
|
0 :35 s
|
31
|
Homme
|
50aine
|
Accompagné
|
0 :42 s
|
Temps moyen passé dans l'allée
|
70 s
|
1) Le profil de l'observé
Les individus observés étaient de
différents âges (entre 20 ans et 60 ans), de différents
genres (homme/femme), de différentes catégories sociales (ceci a
été constaté à travers leurs apparences physiques),
de différents statuts sociaux (certains étaient
accompagnés de leurs enfants).
2) Accompagné/seul et le temps passé dans
l'allée
La majorité des individus qui ont mimé les
autres étaient seuls (25 personnes seules contre 6 personnes
accompagnées), on peut dire que la solitude a un impact sur la
décision d'achat finale des consommateurs. En effet, les individus seuls
dans le magasin exprimaient de l'hésitation quant au choix du produit
à prendre (on peut le remarquer à travers leurs postures,
expressions faciales, gestuelles... voir le comportement non verbal des
individus plus bas).
La majorité des rayons à long métrage
(tels que le rayon ultra frais qui dispose de 8 m75 cm ou le rayon
épicerie sucré 7 m 75 cm cas de notre magasin d'observation) sont
source de perturbation pour les individus du fait de la multitude de familles
et de variétés qui existent
65
Chapitre IV : Résultats de la recherche
dans le rayon (produit de santé, nature,
aromatisé, brassé, yaourt aux fruits, jus à base de lait,
crème dessert, lait gélifié, etc...).
Concernant le temps passé dans les allées, il a
été observé que les individus qui ont mimé les
autres sont restés en moyenne 70 secondes dans l'allée pour un
achat à faible implication (chocolat, biscuit, yaourt, lait, oeufs,
pâte, pain de mie, chips, javel...), alors qu'il a été
démontré par Hoyer (1984) que les consommateurs prennent une
moyenne de 13 secondes à partir du moment où ils entrent dans
l'allée pour compléter leur décision d'achat (le cas
étudié par Hoyer (1984) est l'achat de détergent à
lessive qui est un achat à faible implication et que les tactiques
employées par les clients sont simples : « parce que ça
marche bien, je l'aime bien, ce n'est pas cher ... »), une autre
étude inspirée de l'étude de Hoyer et Brown (1990) faite
par Macdonald et Sharp (2000) a montré que les consommateurs prennent
une moyenne de 9.8 secondes lorsque le produit est connu contre 15.1 secondes
quand le produit est peu connu pour réaliser un achat de faible
implication, le produit choisi par Macdonal et Sharp (2000) est une boisson
à base d'orange non alcoolisée.
3) Comportement verbal des individus
On a demandé à nos complices de prendre les
produits à faible implication devant les personnes dans les
allées du magasin et par la même occasion écouter ce qui se
dit, les résultats sont pertinents du fait que les individus
(accompagnés) qui ont mimé notre complice ont soit
chuchoté à leurs pairs des remarques ou dit spontanément
des phrases tandis que d'autres (seuls) ont préféré
s'abstenir et s'écarter ou tourner la tête pour plus tard revenir
vers le produit élu par nos deux complices.
L'individu 18 (femme accompagnée de son mari, dans la
30aine), ils étaient dans l'allée des rayons des pâtes,
notre complice passe et choisit des lasagnes, la femme se tourne directement
vers le produit toute excitée et chuchote à son mari : «
ah des lasagnes! » son mari lui réplique d'en acheter elle
aussi mais elle lui répondit un peu désespérée:
ce n'est pas fait pour nous. On peut dire ici que notre complice
(jeune femme de 22 ans) a véhiculé une image d'une autre classe
sociale (cette image ne reflète pas l'image des jeunes mariés).
Le geste de notre complice a éveillé l'intrigue et le rappel
alors que le produit a suscité l'intérêt des jeunes
mariés mais la différence des classes a fait qu'ils ont
abandonné l'achat.
L'individu 21 (jeune femme accompagnée de ses deux
amies dans la 20aine), elles voulaient choisir du chocolat, les trois filles
regardaient le rayon pour voir ce qu'elles allaient choisir,
66
Chapitre IV : Résultats de la recherche
notre confédérée passe et choisit un
chocolat noir, l'une des filles est directement allée pour prendre le
même produit, quand elle remarque que c'est du chocolat noir elle dit:
« ah non dommage ! C?est du chocolat noir, je ne mange pas ça
».
L'individu 24 (jeune femme accompagnée de son amie,
dans la 20aine), elles faisaient leur course munie d'une liste, elles
choisissaient de la mayonnaise c'est alors que notre complice s'approche et
prend une bouteille de ketchup, l'une des filles, bien attentive, dis à
son amie : « c'est tout, il n'y a rien d'autre dans la liste
», son amie lui répond: « c'est bon on a fini
», c'est alors que la fille se dirige vers les bouteilles de ketchup
et prend une de la même marque
que notre complice avait pris, puis la met dans le panier.
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Figure 6: Observation de l'autre
L'individu 31 (homme accompagné de sa femme, dans la
50aine), il a vu notre complice prendre un yaourt à boire, il a
directement regardé sa femme pour lui suggérer d'en prendre lui
aussi, il dit : « je veux un yaourt à boire », sa
femme lui dit: « vas y prends en un toi aussi » et il se
dirige vers le rayon pour prendre le même yaourt à boire.
On a remarqué que l'acte mimétique est suivi
d'un comportement verbal dans le cas où l'individu est
accompagné, ce qui lui donne l'occasion d'interagir avec son partenaire
et d'autre cas d'un comportement non verbal.
4) Comportement non verbal
Avec l'aide d'un expert dans le domaine du comportement nous
avons pu remarquer que la majorité des individus étaient non
accompagnés (seuls) et qu'ils montraient des signes
d'anxiété et d'hésitation (prendre le produit, le
remettre, la discrétion du regard, passer
67
Chapitre IV : Résultats de la recherche
beaucoup de temps devant un rayon à regarder les
produits), l'intervention de notre complice a suscité un vif
intérêt chez ces consommateurs qui se sont dirigés
directement vers le produit élu par notre
confédérée après que cette dernière se soit
éloignée.
L'individu 1 (homme dans la 40aine accompagné de son
fils) était dans l'allée du rayon des détergents pour
choisir une bouteille d'eau de Javel parmi 3 marques, 6 parfums et 5
quantités différentes (160g, 1,5L, 3L, 4,75L, 5L), il a pris et
remis l'un des produits deux fois c'est alors que notre complice s'est
dirigée vers ce même produit et l'a mis dans son panier.
Tout de suite après le client a repris ce même
produit et hoché de la tête comme pour confirmer son choix qui a
été appuyé par notre complice.
On remarque que les individus 3 et 12 (tous deux des hommes
seuls et dans la 40aine) ont adopté la position des mains cachées
derrière le dos, cette posture signifie que « l?activité
cérébrale fonctionne a minima : pas de réflexion
structurée mais une attitude mentale passive» Messinger
(2009), car la main droite représente le cerveau cognitif et la main
gauche le cerveau affectif, réunis ensemble derrière le dos le
cerveau fonctionnera à son minimum pour regarder et observer ce qui
l'entoure sans prendre aucune initiative. Mettre les mains longtemps
derrière le dos est aussi un comportement qui véhicule un manque
d'assurance13.

Figure 7: Mains cachées derrière le
dos
13
http://conseils-carriere.monster.ch/vie-en-entreprise/conseils-pratiques/serie-langage-corporel-le-gestuel-81984/article.aspx
Chapitre IV : Résultats de la recherche
Les individus 14 et 20 (hommes et seuls) ont mis leurs mains
sur la bouche puis sur le menton après avoir regardé longuement
le rayon, ce geste « est un signal d'attention...il est l'un des
gestes phare du doute » Messinger (2009), ces clients ont donc senti
qu'ils étaient dans un état d'hésitation et de doute.

68
Source :Messinger (2009), Le Langage
des gestes pour les Nuls, Éditions First-Gründ.
Figure 8: Main sur le menton
Le regard perdu réfère à la recherche
d'informations, et à un appel à l'aide inconscient pour voir plus
clair et sortir de cette situation inconfortable, la présence d'un autre
individu réconforte la première personne qui essayera
d'éliminer l'anxiété, l'hésitation et la peur de ne
pas être à la hauteur des attentes des autres, donc grâce au
mimétisme il trouve la conviction chez les autres.
Les individus 19 et 14 ont touché leur cou en faisant
des gestes de frottement délicats et au ralenti, ce geste est typique de
l'angoisse qui monte et signifie que la personne est en difficulté,
Messinger (2009).
Chapitre IV : Résultats de la recherche
L'individu 16 (homme seul dans la 50aine) a adopté une
autre position celle des bras croisés et est resté à
observer les clients autour de lui, ce geste est caractérisé par
le manque d'assurance, la forte tension et le repli sur
soi-même14.

69
Source :Messinger (2009), Le Langage
des gestes pour les Nuls, Éditions
First-Gründ.
Figure 9: Bras croisés
D'autres personnes à l'instar des individus 6 et 26
sont restées figées et observaient avec attention les faits et
gestes des autres en attendant qu'ils libèrent la place pour se diriger
vers le produit même et le saisir tout en l'examinant.
On dirait que chaque individu a sa technique personnelle pour
duper l'autre, les individus 5 et 15 faisaient semblant de toucher les produits
tout en regardant discrètement l'autre, puis, dès que l'espace se
libère, ils se dirigent vers le produit désigné par autrui
et le prennent dans leurs mains, le regardent puis se décident à
le prendre ou le remettre à sa place.
5) Espace personnel
L'anthropologue américain Hall (1966) a défini
quatre zones de relation. Toutefois ces zones changent d'une culture à
une autre, voici les grandes lignes :
14
http://conseils-carriere.monster.ch/vie-en-entreprise/conseils-pratiques/serie-langage-corporel-le-gestuel-81984/article.aspx
70
Chapitre IV : Résultats de la recherche
Tableau 9: Les distances chez l'homme
|
Modes
|
Perceptions
|
Distances
|
Intime
Distance réservée au contact intime avec son
partenaire amoureux et ses enfants.
Toute autre présence constitue une agression de
l'intégralité individuelle. Même pour les personnes
habilitées, cette zone n'est pas vraiment pratiquée dans les
espaces publics.
|
Proche
Corps à corps, acte sexuel, acte affectif intime
(câlin, baiser,...), bagarre.
Eloignée
Intimité, relations familiales (entre enfants et parents)
et amoureuses. En dehors de ces cas, cette sphère n'est pas
pénétrée dans un espace social public sans stress ou
gêne. Distance du secret.
|
Vision parcellaire et déformée
Olfactive, thermique et musculaire de l'autre Possibilité
de toucher toutes les parties du corps
Visualisation déformée du
visage (à cette distance, on louche) Le contact haptique
(toucher de la main) est limité par la longueur des membres.
Perte du contact thermique,
mais maintien des contacts olfactifs.
|
Contact
15 À 45 cm
|
Personnelle
Zone : limites de non contact physique direct. Elle marque
l'affectivité et la proximité quotidienne des individus dans leur
vie publique.
|
Proche
Contact marquant l'intimité
et l'affectivité des personnes en public.
Distance de la confidence.
Lointaine
C'est la distance des
discussions personnelles entre amis. Quelqu'un hors champ peut
entendre mais en faisant un effort.
|
Limite des contacts
kinesthésiques par extension des membres.
Vision visuelle à sa netteté maximale permettant de
distinguer détails et texture du visage.
Au-delà du toucher bras tendu d'un seul individu jusqu'au
toucher bras tendu entre deux individus.
L'ouïe ne perçoit plus les chuchotements mais les
voix modérées.
Le champ de vision ouvert avec plus ou moins de netteté
sur tout un corps assis.
|
45 À 75 cm
75 À 125 cm
|
71
Chapitre IV : Résultats de la recherche
Sociale
Relations interpersonnelles directes. Au-delà tout contact
physique direct, jusqu'aux limites de portée de la voix sans effort.
|
Proche
Relations interpersonnelles
entre personnes se
connaissant et se côtoyant sur un projet commun (travail,
réunion informelle,...)
Lointaine
Relations interpersonnelles formalisées (entretiens...)
Les positions sont définies par une culture des
règles sociales (rapports hiérarchiques...)
|
Vision de pratiquement tout le corps.
La voix l'emporte et est entendue sans effort.
Il n'y a plus de contact physique direct.
Le contact visuel maintient la permanence du contact
|
1,25 À 2,10 m
2,10 À 3,60m
|
Publique
La prise de parole est
hiérarchisée.
Les intervenants on un statut d'orateur face à un
public.
|
Proche
Le sujet a la possibilité de fuir. Mise en place d'un
discours oratoire avec effet de voix et choix syntaxiques.
Lointaine Distance oratoire Position entre un
orateur et une audience, un public. Forte implication des prises de parole dans
un dispositif fortement hiérarchisé (meeting, distance avec les
grandes personnalités)
|
La voix doit commencer à être soutenue.
Perte de la précision des contacts visuels.
C'est la posture qui commence à témoigner du
lien.
Perte de l'impression de profondeur.
La vision fond le détail dans un décor aplani.
L e corps et la voix ne sont plus perçus par l'auditoire
par exagérations des intonations et des gestes.
Théâtralité des postures et de
l'élocution.
|
3,60 À 7,50 m
Au delà
de 7,50 m
|
Source : Bouckenhove (2011), Edward T. Hall La dimension
cachée Points. Editions Khamsin.
72
Chapitre IV : Résultats de la recherche
On remarque de nos observations que la majorité des
individus ont gardé une distance sociale proche variant de 1,25 m
à 2 m, cette distance nous permet de voir tous les faits et gestes des
autres consommateurs et d'entendre leurs discussions. Par contre certains
individus ont violé la sphère sociale et sont entrés dans
la bulle intime des autres. On prend l'exemple de l'individu 13 (homme dans la
30aine et seul) qui a remarqué une jeune femme en train de choisir du
yaourt, dès que cette dernière avait mis sa main pour prendre
quatre pièces de yaourt, il bondit et met sa main exactement dans le
même endroit pour prendre lui aussi du même produit.

Figure 10: Dépassement d'espace
personnel
|