Section 3 : Discussion des résultats
Après avoir présenté les résultats
de notre recherche, il convient maintenant de discuter les résultats de
nos deux méthodes.
1) L'entretien individuel
Dans les entretiens individuels on a remarqué que
l'acte d'achat par mimétisme ou encore par l'imitation inconsciente des
comportements d'achats des autres dans un magasin se trouve à la
quatrième place, mais après approfondissement ce même acte
d'achat passe à la deuxième place, ce qui prouve le
côté inconscient du phénomène, nos résultats
sont donc soutenus par ceux de Dijksterhuis et al. (2005) qui précisent
que la plupart des achats que nous faisons dans un supermarché sont
inconscients ou en étant distraits et que les gens ajustent leurs
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Chapitre IV : Résultats de la recherche
comportements en fonction de l'environnement social dans
lequel ils sont, sans même être conscients de leurs actions. On est
entouré de stimuli qui nous incitent, provisoirement, à changer
notre comportement pour satisfaire un besoin momentané ; seul un nombre
limité de nos choix est basé sur un processus informationnel
conscient.
Notre recherche a aussi montré que les consommateurs
n'ont aucun problème entre eux, et que le fait d'être mimé
par un autre consommateur instaure une confiance et un bien être chez
l'individu mimé, nos résultats sont donc soutenus par ceux de
Tanner et al. (2007) qui ont trouvé que mimer automatiquement le
comportement de consommation de l'autre peut influencer le choix des produits,
la préférence des produits et les sentiments envers l'autre
personne.
2) L`observation
2.1. Le profil de l'observé
Parmi nos 31 individus observés on trouve 19 hommes qui
ont procédé par mimétisme dans leurs actes d'achat, on
peut supposer que les hommes sont plus automatiques et spontanés dans
leurs décisions que les femmes qui cachaient leurs réactions face
aux autres individus et qui attendaient le départ du client pour se
diriger vers le produit et le prendre.
2.2. Accompagné/seul et le temps passé dans
l'allée
La recherche a montré que lorsque l'individu est seul,
il a tendance à s'aligner avec les autres et choisir ce qu'ils
choisissent, ceci peut être dû au fait que l'individu n'a aucun
repère vers qui se tourner et qu'il se sent perdu et abandonné
lors de son passage dans une surface de vente remplie de nouvelle rencontre
pour lui.
On a remarqué que les individus ont passé une
moyenne de 70 seconde dans l'allée avant d'aboutir à une
décision d'achat basée sur le choix des autres, alors que pour
Hoyer (1984) un individu seul passera en moyenne 13 seconde dans l'allée
avant d'aboutir à une décision d'achat. De ce récit, il
résulte que les individus seuls et qui passent plus que la moitié
du temps moyen dans une allée, sont hésitants et sont plus
susceptibles de mimer l'autre pour une décision d'achat.
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Chapitre IV : Résultats de la recherche
2.3. Comportement verbal des individus
On remarque que les individus qui avaient adopté un
comportement verbal étaient accompagnés donc ils avaient la
possibilité d'interagir avec leur pairs, cependant, certains à
l'instar de l'individu 21 (F, 20aine et accompagnée) qui avait
parlé spontanément après s'être rendu compte que le
chocolat était noir et qu'il ne fait pas partie de ses
préférences en terme de goût, on peut conclure ici que la
fluidité du geste de notre complice et sa fermeté ont fait que la
personne derrière elle est directement allée prendre le
même produit d'une façon automatique sans même
réfléchir.
L'individu 24 (F, 20aine et accompagnée), malgré
qu'elle ait une liste et que le produit choisi par notre complice ne faisait
pas partie de sa liste, elle le prend quand même. Notre complice qui est
le modèle a séduit le client qui est le sujet et a crée
l'envie de prendre l'objet de séduction. On rejoint l'idée de
Girard (1961) qui stipule que le désir est triangulaire et
nécessite l'interaction de trois acteurs (le modèle, le sujet et
l'objet).
L'individu 31 (IT, 50aine et accompagné), en voyant
notre complice prendre un yaourt à boire, a demandé à sa
femme s'il pouvait en prendre lui aussi, ce geste est instantané et sans
réflexion au préalable, le geste de notre complice a crée
un désir instantané chez le client.
A travers ces exemples on peut conclure, conformément
aux travaux de Tanner et al. (2007), que le mimétisme semble être
un acte automatique et inconscient. C'est ce que Chartrand et Bargh (1999)
appellent « the chameleon effect » l?effet
caméléon.
2.4. Comportement non verbal
La plupart des individus observés avaient adopté
un comportement méfiant en regardant ce que l'autre fait ou en reculant
pour mieux observer, et à chaque fois notre complice avait
suscité l'intérêt du produit pris. On peut remarquer dans
la figure 6 l'arrêt instantané des deux individus pour observer
notre complice et la mimer. On peut conclure que le rôle des autres est
de guider, conseiller inconsciemment et instaurer la confiance dans le choix
des autres.
Rares sont ceux qui demandent de l'aide aux autre, sur nos 31
sujets aucun n'a demandé de l'aide malgré leur présence
dans un magasin rempli de personnels et de clients, ils ont
préféré observer, ceci peut être expliqué par
le fait que les individus ne veulent pas montrer leurs faiblesses et ignorances
face aux autres, leur estime de soi et confiance en soi seront touchées,
ainsi qu'ils aimeraient garder une image positive de ce que pense l'autre
d'eux.
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Chapitre IV : Résultats de la recherche
2.5. Espace personnel
La notion d'espace est très importante pour les
individus, la plupart de nos sujets étaient éloignés
suffisamment pour ne pas entrer dans l'espace personnel qui varie entre 45 cm
et 1 m 25 cm, même lorsque notre complice avait pour ordre de violer cet
espace personnel, le sujet se retirait toujours en reculant pour laisser place
à notre complice, on a remarqué qu'en reculant l'individu se
protège et fait semblant qu'il soit occupé par autre chose et
dès que le complice s'en aille, le sujet revient vers le rayon et
commence à examiner ce qu'a choisi notre complice.
3) Témoignage des complices
Après avoir participé à l'étude,
nous avons demandé à nos deux complices de nous écrire un
petit paragraphe dans lequel elles nous feront part de leurs expériences
vécues et de leurs sentiments durant l'observation, dans ce cas on parle
de récit de vie, « le récit de vie consiste, pour un
narrateur, à raconter à une autre personne un épisode de
son expérience vécue (Bertaux, 2003) » cité dans
Burrick (2010). Les résultats sont pertinents du fait que nos deux
complices avaient eux un sentiment de pouvoir et de bien être.
Témoignage complice 1 :
« Faire partie de cette recherche me rend plus
engagée et intéressée par le processus décisionnel
des consommateurs.
De surcroit en observant leurs actes mimétiques
j'ai pu découvrir comment et à quel point les consommateurs sont
paresseux lors de la prise de décision d'achat d'un produit. Je me suis
dit peut être qu'ils miment que lorsque le produit est nouveau dans le
marché ou lorsqu'ils ignorent complètement la marque ou le
goût. En revanche lorsque j'ai suivi les sujets dans cette
expérience je voyais toujours qu'à chaque fois que je prenne
l'initiative de choisir un produit leurs réactions étaient de
prendre immédiatement voir inconsciemment le même produit que j'ai
pris et là j'ai compris que les gens veulent toujours suivre quelqu'un
qui a l'air confiant et qui ne met pas de temps à
réfléchir devant le rayon, on dirait qu'ils attendent tous
quelqu'un pour le mimer.
En réalité, j'ai l'impression que je les ai
manipulés surtout qu'ils sont dans une situation vulnérable. En
quelque sorte c'est un peu méchant mais et on peut dire
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Chapitre IV : Résultats de la recherche
que c'est le contraire si on le prend autrement et
là je veux dire que je les avais aidés à se décider
en un peu de temps et à prendre le produit pour passer à autre
chose.
J'ai eu plus de confiance en moi en me voyant comme
modèle à suivre ou comme une référence pour ces
gens... »
Témoignage complice 2 :
« L'expérience de complice dans cette
étude m'est très bizarre. Je sentais un tas d'émotions :
d'abord en me rappelant des faits j'ai eu énormément pitié
des gens qui m'ont mimé aveuglement et qui ont directement pris le
même produit que j'ai pris avec la même quantité voir plus.
Et là je me suis directement posée la question suivante : «
Pourquoi les gens ne réfléchissent pas avant d'acheter et
pourquoi ils sont si manipulables ? ». En revanche si je
réfléchis au sujet autrement, je trouve qu'au contraire je ne les
avais pas manipulés mais je les avais tout simplement aidés
à sortir de leur hésitation et dépasser leur
indécision vue qu'ils passaient de longs moments à regarder les
produits dans un même rayon sans pouvoir se décider, et une fois
que je me dirige directement vers le rayon adéquat et je prends le
produits avec beaucoup de confiance et sans la moindre hésitation, les
sujets me suivent inconsciemment et là je me suis dit que peut
être ces gens pensent que je suis une habituée du produit et je
suis connaisseuse et que certainement ce produit me plait vue que je l'ai pris
en une fraction de seconde sans trop réfléchir ou sans m'attarder
sur les autres marques.
Finalement je sentais que jétais utile
puisque j'ai aidé ces gens à surmonter leurs hésitations
mais en même temps j'ai senti que je suis manipulatrice parce qu'à
la fin de chaque vacation je remets tout ce que j'ai pris aux
rayons».
Conclusion :
Plus le groupe hésitant est grand et plus on se permet
de faire les mêmes gestes que la personne à notre
côté, et plus le temps de choix augmente ; dès la
présence de l'élément perturbateur qui est le
médiateur, l'individu a tendance à refouler sa peur par un regard
aigu et attentif. Cette nouvelle personne n'appartient pas au groupe du fait
qu'elle n'est pas dans un état d'hésitation ou de confusion, elle
semble être ferme et décisive dans ses choix ce qui
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Chapitre IV : Résultats de la recherche
menace l'autre personne anxieuse d'où les notions de
désir et de rivalité comme l'indique Girard (1961). Quand un
client observe plus d'une personne entrain de prendre le même produit,
une rassurance se crée chez elle et une confiance se forge.
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Conclusion générale
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