CHAPITRE I : CONSOMMATION SOCIALE
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Chapitre I : Consommation sociale
Chapitre I : Consommation sociale
Introduction
Dans le cadre de ce chapitre et pour pouvoir examiner
l'influence du mimétisme dans la société tunisienne nous
avons jugé important de rappeler brièvement le processus
décisionnel du consommateur pour pourvoir différencier entre
l'achat logique basé sur un processus décisionnel
constitué de cinq étapes selon le modèle d'Engel, Kollat
et Blackwell (1968), et l'achat illogique reposant sur le choix des autres.
Dans une deuxième section nous verrons les effets de la consommation
sociale sur la prise de décision des individus et dans une
troisième section nous rappellerons les types d'achat et voir s'ils ont
un lien étroit avec le mimétisme.
Section 1 : Processus décisionnel et types
d'achat
Pour faire son choix et réaliser l'acte d'achat, le
consommateur doit passer par un processus décisionnel complexe
comportant trois phases : étape de pré-achat, étape de
rencontre avec les biens / services et l'étape post-achat.
A. Processus décisionnel
Dans le modèle d'Engel, Kollat et Blackwell (1968), le
consommateur passe par trois étapes ; la première étape
concerne la reconnaissance du besoin, la recherche d'informations pour se faire
une idée cognitive et résoudre ce problème, après
s'être fait une idée sur le produit ou services, dès lors
une évaluation des solutions possibles commence, la deuxième
étape et la rencontre avec le produit ou le service, ici le consommateur
a la possibilité de choisir un produit parmi la multitude des solutions
trouvées, et finalement l'étape du verdict où le
consommateur évalue le produit sur plusieurs critères.
Chapitre I : Consommation sociale
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Reconnaissance du problème
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Etape pré-achat
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Recherche d'information
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Evaluation des solutions possibles
Etape rencontre avec les biens/services
Etape post-achat
Choix (achat)
Résultats
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Source : Le modèle d'Engel, Kollat et Blackwell (1968)
Figure 1: Processus décisionnel en 5 étapes
1) La reconnaissance du problème
C'est la première étape du processus
décisionnel, le consommateur prend conscience du manque qu'il a, c'est
ainsi qu'un besoin va se créer et la quête pour la
réalisation de ce besoin commence afin de compenser ce manque.
Dans certains cas la prise de conscience du problème
peut être due à un besoin dont la motivation est liée
à l'influence sociale. C'est-à-dire qu'un besoin nait (ou un
problème se crée) par le simple fait que l'autre l'a
exprimé, des sentiments « d?envie, de jalousie et de
rivalité 1» seront par la suite la cause du
ressentiment.
La représentation la plus connue en termes de
classification des besoins reste à ce jour la pyramide des besoins de
Maslow (1943), elle stipule qu'un individu ne cherchera à
réaliser un besoin dit supérieur que lorsqu'il satisfait un
besoin hiérarchiquement inférieur de la pyramide,
«l'être humain est un animal frustré, rarement satisfait
au-delà d'une courte période. Lorsqu'il a assouvi un
désir, il lui en vient un autre. Quand il est comblé, un
autre
1 Max Scheler est un philosophe et sociologue
allemand
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Chapitre I : Consommation sociale
surgit à sa place, puis un autre encore. L'état
de désir permanent est caractéristique du genre humain
» Maslow (1970).
Cela n'empêche pas que cette pyramide soit beaucoup
critiquée du fait qu'un individu peut commencer par une étape
hiérarchiquement supérieure et par la suite réaliser les
étapes inférieures.
2) Recherche d'information
Une fois le besoin identifié, commence alors la
quête d'informations. L'ampleur de la recherche dépendra du
degré d'implication du consommateur (exemple : l'achat d'un paquet de
cigarettes nécessite moins d'implication que l'achat d'un vélo).
Généralement il existe deux sources d'information : interne
(liée à l'expérience de l'individu, son éducation,
ses connaissances, à la mémoire, son opinion...) et externe (la
famille, les amis, la communication médias et hors média, les
vendeurs...)
Le consommateur fait recours aux sources internes lorsqu'il
s'agit d'achat routinier, familier et de faible implication, autrement, il
optera pour une recherche de données externes afin de se créer
une opinion et aboutir à une décision d'achat.
3) Evaluation des solutions possibles
Après avoir fait une recherche d'information, le
consommateur a certainement dû trouver plusieurs produits/services
compatibles avec ses préférences, c'est maintenant l'étape
d'évaluation des alternatives qui se présentent à lui.
L'individu peut procéder à l'évaluation des
produis/services selon leurs degrés d'importance et les attributs qu'ils
offrent.
Concernant les services, leurs immatérialités
les rendent difficiles à évaluer d'où l'existence des 3
attributs essentiels pour faciliter cette évaluation :
o Attributs d'examen (de recherche) : avant de se procurer un
produit le client a la possibilité de l'évaluer avec ses sens, ce
qui n'est pas possible avec les services.
o Attributs d'expérience : lors de la consommation du
service le client évalue le service.
o Attributs de croyance (de confiance) : le client se fie aux
compétences, formations du personnel en contact.
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Chapitre I : Consommation sociale Pour optimiser sa
décision, le consommateur procédera à une analyse des
attributs de chaque produits/services, il existe deux catégories du
modèle « multi attributs » : le modèle compensatoire et
le modèle non compensatoire.
4) Choix
Place maintenant à la décision d'achat,
l'individu, idée en place, va procéder à l'acte d'achat.
Cette étape est la concrétisation des étapes
précédentes. Toutefois, l'acte d'achat peut subir des changements
inattendus, ou peut ne pas dépendre des étapes
précédentes (cas d'achat mimétique : qui repose sur les
préférences et décision d'autrui concernant le choix du
produit / services). Cette improvisation est toute naturelle, car si l'individu
peut planifier son plan d'achat, il n'a certainement aucun contrôle sur
l'acte mimétique qu'il commet à chaque croisement de désir
partagé avec l'Autre.
D'autres types d'achats ont brisé cette règle
de la logique d'achat, nous prenons à titre d'exemple : l'achat impulsif
(Stern, 1962, Rook, 1987, Beatty et Elizabeth Ferrell, 1998, Cova et Cova,
2001, Guiraud, 2001,2002, 2003), l'atmosphère (Kotler 1973-1974), la
procrastination (Lay, 1986, Ferrari et al, 1995), l'achat compulsif (Faber,
O'Guinn et Krych, 1987)....
5) Résultat
Résultat ou évaluation post-achat, est
l'étape dans laquelle le consommateur, après avoir utilisé
/ bénéficié du produit/service, va procéder
à l'évaluation des performances du produit ou la prestation de
service en rapport avec ses attentes. Si l'écart est faible ou nul, il y
a satisfaction. Dans le cas contraire le consommateur aura un sentiment
négatif envers la marque, le produit, le magasin, le vendeur ... une
dissonance cognitive découlera de ce résultat.
B. Les types d'achat
Plusieurs chercheurs, exerçant dans le domaine de la
psychologie et du comportement du consommateur, à l'instar de Cova et
Cova (2001), Lay (1986), Ferrari (1993), Guiraud (2001, 2002), Faber, O'Guinn
et Krych (1987), se sont intéressés aux types d'achat, à
leurs spécificités et à ce qu'ils peuvent apporter de
nouveaux pour pallier le manque de recherche existant dans ce domaine.
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Chapitre I : Consommation sociale
1) Achat réfléchi (planifié,
rationnel)
Appelé aussi l'achat anomal, il est
caractérisé par son aspect rationnel et non courant.
Généralement ce type d'achat est précédé par
une période de réflexion plus ou moins longue dans laquelle
l'individu fera une recherche d'information en vue d'acquérir un bien
à forte valeur monétaire ou émotionnelle.
La marge d'erreur pour ce type d'achat est minime, car
l'acheteur procédera à une recherche approfondie, une analyse des
différents scénarii et une comparaison des offres existantes ce
qui aura une répercussion positive sur le résultat final et le
degré de satisfaction ressenti.
Exemple de produit nécessitant un achat
réfléchi : l'achat d'une maison, voiture,
télévision, appareil photo, meuble, cadeaux ...
généralement les produits de ce type d'achat nécessitent
beaucoup d'implication et ont un prix élevé et une longue
durée de vie d'où la nécessité de faire le bon
choix pour éviter ce sentiment qu'on redoute tous : le regret.
2) L'achat habituel
L'achat habituel est le contraire de l'achat planifié
par son aspect non rationnel, à faible valeur émotionnelle et
routinière. Les produits de grande consommation (PGC) sont les plus
susceptibles d'appartenir à ce type d'achat. Ce type d'achat ne
nécessite pas un temps de réflexion important et est à
courte durée.
Le comportement de l'acheteur devient mécanique
d'où la notion de l'achat corvée car il est obligatoire, de
nécessité et associé à la valeur utilitaire.
3) L'achat impulsif
L'achat impulsif est considéré comme un
« coup de coeur » (Giraud 2001) par le consommateur, il
s'incarne sous forme de caprice qu'on s'offre à soi et qu'on aime
partager avec les autres, c'est aussi « une envie soudaine, souvent
puissante et persistante pour acheter quelque chose immédiatement
» Rook (1987) cité dans Belk et al. (2003). Contrairement
à ce qu'on pense, cette impulsion peut être rationnelle et bien
fondée parfois c'est le cas par exemple de l'impulsivité «
fonctionnelle » (Dickman, 1990) qui est la réaction
propice d'un individu dans une situation optimale, contrairement à
l'impulsivité dysfonctionnelle qui consiste à agir plus
rapidement sans pour autant être optimale dans ses choix, ce qui causera
souvent la non satisfaction et la dissonance cognitive. Alors quelles sont les
causes de cette
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Chapitre I : Consommation sociale
impulsivité dysfonctionnelle ? Et pourquoi un individu
se retrouve t-il parfois dans des situations de choix et décisions non
satisfaisantes ? Le mimétisme peut être une réponse parmi
d'autres car un individu est incapable de se désigner lui-même un
objet de désir, il faut qu'une tierce personne lui ouvre la voie et
montre le chemin, ce qui facilitera le choix de la décision d'achat sans
pour autant prendre le temps et réfléchir si ses besoins et ceux
de la tierce personne sont conformes. Et souvent, on ne se rend pas compte de
nos actions, ce n'est qu'après action faite qu'on se rend compte de
l'acte mimétique que l'on vient de commettre.
«Un achat impulsif est un achat motivé par le
désir de répondre à l'impulsion d'achat. L'achat suit
immédiatement l'impulsion si le consommateur ne souhaite pas ou est
incapable de mettre en oeuvre une évaluation du bien-fondé de
l'achat. En revanche, le consommateur peut tenter d'évaluer les risques
associés à l'achat impulsif et le cas échéant de
résister à son impulsion. L'impulsion peut disparaître
pendant cette évaluation, soit parce qu'elle était liée
à des éléments situationnels, soit parce que le
consommateur prend conscience des conséquences négatives de
l'achat à long terme qui "gâchent" son plaisir. L'attirance peut
aussi être renforcée par une évaluation positive. Elle peut
enfin survivre à une évaluation défavorable. L'achat,
qu'il soit précédé ou non d'une délibération
cognitive, demeurera impulsif tant que la perspective de sa
non-réalisation s'avère frustrante et que le consommateur doit se
contrôler pour quitter le magasin sans acheter le produit. Un achat
impulsif n'est ainsi pas forcément spontané,
irréfléchi ni incontrôlé » (Giraud, 2002,
cité dans Khamassi, 2012).
4) La procrastination
La procrastination est la « tendance pathologique
à différer, à remettre l?action au
lendemain2».
La procrastination se définit par l'action de reporter
une action ou décision d'achat à une période
ultérieure, les raisons de cet ajournement peuvent être
fonctionnelles ou dysfonctionnelles : si on retarde volontairement une
décision à cause d'une comparaison des coûts
présents avec ceux du future (Akerloff, 1991 cité dans Darpy,
2002), ou si l'on retarde occasionnellement un achat à cause
d'éléments environnementaux imprévisibles (Ajzen, 1985 ;
Ajzen et Madden, 1986, cité dans Darpy, 2002) dans ce cas on parle de
« procrastination fonctionnelle » (Ferrari, 1994 cité
dans Darpy, 2002).
2 Dictionnaire Larousse
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Chapitre I : Consommation sociale Mais si l'action
devient habituelle et chronique, dans ce cas on parle de «
procrastination dysfonctionnelle » qui est un trait de
personnalité (Lay, 1986 ; Ferrari et al., 1995 cité dans Darpy,
2002). L'acheteur est dans un état de confusion totale, il reporte ses
décisions à cause d'un problème d'incertitude ou de
paresse.
De la reconnaissance du problème ou de l'éveil
du désir à sa concrétisation (l'acte d'achat) le
consommateur a de multiples occasions de reporter l'achat et de laisser place
à d'autres décisions qu'il considère comme plus
importantes ; le procrastinateur est désorganisé (Lay, 1986
cité dans Darpy, 2002), il oublie souvent et possède un trou de
mémoire appelé « erreurs cognitives » (Lay,
1988, Effert et Ferrari, 1989, Ferrari, 1993, Kuhl et Goschke, 1994 cité
dans Darpy, 2002).
La question est de savoir si on peut considérer l'achat
impulsif de demain comme la procrastination d'hier ? Selon Schouwenburg et Lay,
1995 ; McCown et Johnson, 1995 cité dans Darpy, 2002 ; la «
stabilité À instabilité émotionnelle »
est nettement corrélée à la procrastination et
même que l'impulsivité dysfonctionnelle est une conséquence
de la procrastination (Ferrari, 1993).
5) L'achat compulsif
Faber, O'Guinn et Krych (1987), considère la
consommation compulsive comme un « type inapproprié de
comportement de consommation, excessif en soi, et manifestement perturbateur
pour l'existence des individus qui paraissent être impulsivement enclins
à consommer » (p. 132).
Le consommateur fait figure d'un achat non
réfléchi pour assouvir une assuétude non
contrôlée et non planifiée, pour ce genre de consommateurs
il existe des associations qui offrent des séances thérapeutiques
afin de les aider à contrôler leurs achats compulsifs, tels que
l'association « Spender Menders » de Sandi Gostin.
Le but de l'acquisition d'un bien matériel dans l'achat
compulsif n'est sans doute pas à des fins matérielles mais
plutôt pour des fins immatérielles (Bauer et Greyser, 1968
cité dans D'Astous et al., 1988) telles l'autosatisfaction temporelle ou
l'accomplissement de soi, cette émotion envoutante cause, certes, des
problèmes à la personne qui la possède ainsi qu'à
son entourage, qui ne fait que subir les caprices irrationnels de son
possesseur.
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