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INTRODUCTION GENERALE 0.1. PROBLEMATIQUE
En ce XXIe siècle, plusieurs villes Africaines se
trouvent confrontées aux problèmes de la croissance urbaine et
par ricochet aux conséquences de l'explosion urbaine.
Avec ses dix millions d'habitants actuellement, Kinshasa est
soumis simultanément à la pression démographique et
à l'exode rural accéléré par les mutations
économiques et sociales. Selon une étude menée par le PNUD
en 2010, la ville de Kinshasa connait chaque année environ 450 000
personnes de plus.
Au premier rang des problèmes engendrés par
cette explosion urbaine se trouve la question de la planification urbaine
notamment en termes de transport et d'aménagement. Sa croissance
démographique et spatiale est caractérisée principalement
par l'urbanisation informelle. L'absence de planification de nouvelles zones
urbaines et la rénovation de celles existantes n'a pas permis d'endiguer
les tendances à l'étalement et les conséquences qui en
découlent.
Trois phénomènes caractérisent donc cette
croissance urbaine. D'une part on observe une sur-densification des anciennes
et nouvelles cités. D'autre part, la croissance démographique
significative de la population dans l'Est de la ville, de l'autre
côté de la rivière Ndjili (Masina, Ndjili, Kimbanseke,
Nsele) et en même temps l'étalement urbain qui éloigne plus
loin le centre-ville. Cette situation provoque un déséquilibre
spatial et économique entre la structure mono centrée de la
capitale focalisée sur la Gombe et la densité
démographique de plus en plus forte de l'agglomération Est qui
est en voie de dépasser celle de la Ville-centre sans pour autant
bénéficier de pôles d'emploi suffisants. Par ailleurs, une
troisième tendance s'observe au Sud de la ville, sur les collines de
Mont-Ngafula, sous forme de périurbanisation diffuse et informelle sur
des terrains impropres à l'urbanisation puisque leur
déclivité entraîne régulièrement des
inondations et de nombreux dégâts1.
1 Etude du plan de mobilité de la ville de
Kinshasa, p5
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Certes, la ville s'est étalée mais tout en
gardant un seul centre dans lequel plus de 70% d'activités
socio-économiques sont concentrées. Kinshasa se présente
par ce fait comme une ville mono polaire dont l'unique pôle est la Gombe.
Ce pôle où se concentrent les activités politiques et
économiques. D'ailleurs dans le langage courant, on dit «
Na kei ville » pour désigner ce pôle
prolifique où la majeure partie de la population se dirige le matin pour
le quitter dans la soirée.
Et cette occupation de la ville a une incidence sur la
performance du réseau de transport. On assiste à une polarisation
de transport par l'hyper centre de la Gombe créant des embouteillages
dans tous les sens, l'insuffisance d'aires de stationnement, la confusion entre
l'espace piéton et celui des automobiles à certains endroits
entrainant ainsi la perte de temps, des accidents, des vols,... en un mot la
congestion de la commune de la Gombe.
Face à cela, l'administration est faible et n'arrive
pas à répondre aux besoins et aspirations de la population
urbaine en ce qui concerne le transport, la sécurité urbaine,
l'organisation et la gestion spatiale. Elle semble ne pas tenir compte de la
dépendance de la qualité de la vie à l'organisation voire
à l'aménagement de la ville.
C'est sous cet angle que notre étude va
s'intéresser à l'intégration de la mobilité dans
l'aménagement de l'hyper centre de Kinshasa et les stratégies de
réduction de la forte centralité.
De ce qui précède, on pourrait se poser les
questions suivantes :
? Qu'est-ce qui explique la polarisation du transport par le
centre des affaires ?
? Que faire pour remédier à cette polarisation
et à la congestion du centre des affaires ?
? Comment organiser la forte piétonisation du site ?
0.2. HYPOTHESE
La polarisation du transport par le centre des affaires de
Kinshasa serait due à la concentration des activités qui obligent
la population à converger vers la Gombe.
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La forte centralité du centre des affaires de Kinshasa
prendrait de l'importance sur toute l'agglomération étant
donné la crise des aménagements volontaristes des centres
secondaires à la périphérie de la ville.
De ce fait, la décongestion du centre des affaires
pourrait passer par la délocalisation de certaines activités et
un aménagement approprié respectant tous les usagers de la
plate-forme en étude.
Aussi, la création des voies piétonnes et
l'aménagement des aires de stationnements et gares routières dans
cette partie de la Gombe devraient améliorer les conditions de
circulation sur le site.
0.3. ETAT DE LA QUESTION
La première démarche de tout chercheur,
écrit JOLY F. « consiste à faire un inventaire complet des
connaissances déjà réunies sur le sujet et sur l'espace
à étudier pour éviter en effet de refaire un travail
déjà accompli par d'autres. Pourtant cet inventaire se doit
d'être critique : certains ouvrages sont insuffisants ou
dépassés (...). Il peut même aboutir à un constat de
carence ».
Le problème débattu dans ce travail n'est pas
neuf. Antérieurement, certaines études s'étaient
déjà intéressées au problème de transport et
de l'aménagement dans la ville de Kinshasa et de l'organisation spatiale
de l'hyper centre. Au nombre de ces études, nous citerons :
- Les études menées par PAIN M. (1978) sur
l'organisation des activités
dans la ville nous donnent une vision de la structuration des
activités commerciales exercées dans la ville de Kinshasa.
- PAIN M. (1984), dans « Kinshasa, la ville et la
cité » nous dit que la juxtaposition incontrôlée d'un
centre colonial et d'une ville Africaine post coloniale en croissance rapide
pose le problème du centre. En parlant de l'organisation urbaine de
Kinshasa, il démontre le déséquilibre qui s'installe dans
la répartition des équipements socio-économiques entre
l'ancien noyau et ce qu'il appelle les cités africaines. Et aujourd'hui,
les problèmes nés d'une centralisation excessive sont clairement
perçus dans le fonctionnement de Kinshasa.
- NZUZI L. (1989), dans « Urbanisme et aménagement
en Afrique noire
», nous présente un essai méthodologique
d'aménagement urbain. Cette méthodologie permet de comprendre
les besoins jugés prioritaires
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par la population et la façon dont les habitants
perçoivent leur ville et souhaitent l'aménager.
- BACHREL C. et HENNION R. (1991), dans le manuel d'urbanisme
pour les pays en développement, en son volume 4 traitant sur les
transports urbains, nous trouvons des réflexions sur les transports
urbains et sur la planification dans les villes des pays en
développement. Ce manuel suscite une prise de conscience des
particularités des problèmes des transports urbains dans les pays
en voie de développement dont la RD Congo. Il donne les
références techniques nécessaires au dialogue entre
l'aménageur et le spécialiste des transports urbains.
- MPURU M.B. (1991), dans son travail sur «la congestion
de la circulation à l'hyper centre de Kinshasa (Zaïre) :
Diagnostics et propositions d'actions», soulève le problème
de traitement de la congestion de circulation à l'hyper centre de
Kinshasa. L'auteur démontre les contraintes techniques voire pratiques
que pose la circulation à l'hyper centre. Il propose un renforcement sur
la politique de la gestion des équipements de circulation urbaine dans
leurs singularités fonctionnelles, tel qu'ils se confirment dans leur
évolution propre et dans la redynamisation qu'ils apportent à
l'ensemble de la ville et plus particulièrement à l'hyper centre.
Il dégage enfin quelques propositions d'aménagement spatial pour
permettre une circulation aisée à l'hyper centre de Kinshasa.
- MWANZA WA MWANZA (1991), dans son article sur le «
Transport et implantation des équipements socio-collectifs dans les
métropoles d'Afrique tropicale. Exemple de Kinshasa (Zaïre) »,
analyse le transport dans le cadre général de
l'aménagement urbain. Il démontre la faible intégration
des réseaux scolaires, des services de santé, des services
administratifs, des activités commerciales, etc. entrainant ainsi une
forte proportion de déplacements scolaires. Ceci l'a conduit à
préconiser la décentralisation des réseaux scolaires pour
atténuer la centralité actuelle et renforcer
l'accessibilité des services scolaires dans les différents
quartiers.
- MAWETE N. (2004), dans son mémoire intitulé
« la crise des réseaux, mobilité de transport et initiatives
populaires à Kinshasa-Est », met un accent sur les
différents problèmes engendrés par la croissance rapide de
la ville de Kinshasa et plus spécialement ceux qui cadrent avec le
transport interurbain dans la partie de Kin-Est. Il propose
l'implantation des équipements socio-économiques à l'Est
(écoles, marché de liberté,...) et le
décongestionnement du boulevard Lumumba par des axes parallèles
pour réduire la longue affluence sur le boulevard Lumumba d'une part et
pour assurer une meilleure mobilité à Kin-Est d'autre part.
- MPURU M.B. et MBULUKU N. (2007), dans « La crise de la
planification de la métropole congolaise : Kinshasa » font des
constats significatifs sur le développement de Kinshasa. Ils
démontrent qu'avant 1960, l'année de l'indépendance, la
croissance de Kinshasa était contrôlée par l'administration
belge. Cependant, la croissance spatiale après 1960 sera assurée
par les chefs coutumiers en lieu et place de l'Etat devant surmonter les
multiples crises politiques. Actuellement, les banlieux de Kinshasa connaissent
un fort dynamisme démographique mais ces espaces sont confrontés
au manque d'équipements collectifs et la centralité devient ainsi
forte. Ils concluent en disant que l'impact qui découle d'un tel
développement urbain sans planification nécessite qu'on revisite
la question du schéma de planification spatiale de Kinshasa.
- En 2011, le rapport sur « l'étude du plan de
mobilité de Kinshasa » réalisé en groupement par les
sociétés Transurb, Technirail et AEC pour le compte du
gouvernement provincial de Kinshasa, nous trouvons l'identification des mesures
de nature à améliorer la mobilité des personnes et des
biens à Kinshasa en perspective de la croissance démographique et
spatiale de la ville. On y développe des orientations réalistes
en matière de mobilité urbaine durable, à la fois
soutenables financièrement et qui participent au développement
d'activités qui soit socialement adaptées à la
métropole Kinoise. Cette étude nous renseigne qu'il est
indispensable d'accompagner une politique de transport urbain de mesures
d'accompagnement en matière d'urbanisme, relayées dans le plan
général d'aménagement parce que la dépendance
économique de zones dortoirs éloignées vis-à-vis
d'un seul pôle économique métropolitain peut créer
des effets pervers très néfastes sur l'exploitation d'un
réseau de transport public aussi performant qu'il soit.
- Lundula L. (2012), dans son mémoire intitulé
»le centre des affaires de Kinshasa:impacts du commerce sur la
mobilité et stratégies de réduction
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de la forte centralité urbaine», démontre
que les principales activités attractives du centre des affaires sont
à la base de l'afflux excessif vers cet espace. Il propose pour ce fait
la délocalisation du marché central vers l'aéroport de
Ndolo pour tenter de décongestionner l'hypercentre.
Certes, le problème de la mobilité urbaine et de
l'aménagement urbain a été traité par divers
auteurs. Ci-haut, nous avons démontré l'approche qui a
été développé par les contemporains où ils
ont fustigé la manière dont la ville de Kinshasa connait son
étalement avec les conséquences qui en découlent.
Ils ont par la suite donné quelques suggestions qui
conduiraient à une bonne organisation et un bon fonctionnement de la
ville.
Par ailleurs, de façon approfondie, nous allons nous
atteler à intégrer la mobilité urbaine dans
l'aménagement de l'hyper centre afin de décongestionner tant soit
peu le centre-ville en prônant la création d'autres pôles de
développement pour essayer de réduire la forte centralité
urbaine de la commune de la Gombe.
0.4. CHOIX DU SUJET ET INTERET DE L'ETUDE
Plusieurs motivations nous ont conduits au choix de ce sujet,
à savoir :
? Ayant participé à l'étude de plan de
mobilité de la ville de Kinshasa, en tant que technicien urbaniste, nous
nous étions senti interpellés par le constat qui a
été fait après l'étude en 2011.
? Les mouvements de masse qui se dirigent à la Gombe le
matin et y sortent le soir expliquent la présence des
cités-dortoirs. Le trafic se dirige dans un même sens tous les
matins et dans le sens inverse pendant la soirée. Cette polarisation de
transport compromet inévitablement la circulation au centre des
affaires.
Une telle étude vient à point nommé car
les transports urbains constituent incontestablement un enjeu majeur pour le
bon fonctionnement des villes.
Elle apporte une réponse appropriée à la
prise en compte de la mobilité dans l'aménagement urbain tout en
contribuant à l'intégration spatiale et à la
qualité de la vie.
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Sur le plan scientifique, ce travail s'ajoute à tant
d'autres réalisés dans la poursuite de l'organisation, de la
gestion rationnelle de l'espace de la ville de Kinshasa en
général et l'amélioration du transport en particulier.
0.5. OBJECTIFS DU TRAVAIL
De façon spécifique, ce travail vise à :
- démontrer le contexte dans lequel le transport
s'organise au centre des affaires de Kinshasa;
- analyser l'organisation du commerce et la polarisation du
transport à l'hyper centre de Kinshasa;
- proposer des pistes de solution pour remédier
à cette situation chaotique qui s'aggrave chaque jour davantage ; Ceci
afin de contribuer aux efforts qui tendent à décongestionner
l'hyper centre et lui redorer l'image d'un central business district
moderne.
- Bien plus, proposer la création d'autres pôles
en faisant appel à un aménagement rationnel de la ville
touchée par un mouvement d'urbanisation non contrôlée afin
d'améliorer tant soit peu la mobilité urbaine de
l'agglomération.
0.6. DELIMITATION DE L'ETUDE
Pour éviter beaucoup de spéculations sur les
considérations théoriques, il nous faut limiter notre travail
dans le temps et dans l'espace. Pour faire preuve de pragmatisme, notre
étude se focalise sur la ville de Kinshasa, précisément
dans la commune de la Gombe. Signalons que nous accordons beaucoup plus
d'attention au centre des affaires ou hyper centre tout en survolant le reste
de l'agglomération.
Nous nous conviendrons avec MPURU M.B (1991) qui dit que
« Le Centre des Affaires de Kinshasa est compris dans la zone urbaine de
la Gombe. Il est limité au nord par le fleuve Congo (zone industrielle),
au sud par l'ensemble formé des zones urbaines de Barumbu et de Kinshasa
ou mieux l'avenue Rwakadingi. Les avenues Ngongo-Lutete et des Huileries
forment la frontière ouest, et l'avenue des Sénégalais
limite le site à l'Est. Le centre des affaires est donc situé
à l'extrême nord de Kinshasa, dans sa partie la plus stable et la
mieux urbanisée de l'agglomération.»
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Par rapport au temps, nous ferons une évolution
chronologique des faits relatifs à notre aire d'étude depuis la
création de la commune de la Gombe jusqu'à nos jours.
0.7. METHODOLOGIE DU TRAVAIL
Tout travail scientifique doit répondre à des
démarches rationnelles qui lui permettent d'atteindre son but. Ces
démarches ne sont rien d'autre que la méthodologie. Par
méthodologie, nous entendons l'ensemble des méthodes et
techniques utilisées pour la réalisation du travail.
7.1. Méthodes
Nous avons utilisé plusieurs méthodes dans la
réalisation de ce travail. Celles auxquelles nous avons recouru sont les
suivantes :
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