A. La compagnie théâtrale française
Art dans le Jardin : le théâtre, outil d'émancipation.
Créée en 1998 à Montreuil, la compagnie
Art dans le Jardin est une association à but non lucratif
destinée à la création, la diffusion et l'action
culturelle. Elle conçoit des créations spectaculaires et
évènementielles mêlant le plus souvent des professionnels
du spectacle aux non professionnels. Plaçant l'humain au coeur de son
travail, elle va à la rencontre d'un milieu et d'un public très
large. Pour ce faire, elle mène des projets
intergénérationnels dans des quartiers, avec des publics de tout
âge dans des centres de détention, dans des centres
d'hébergements et à l'étranger.
1. Volonté d'émancipation et
réinterprétation de la demande
Selon la directrice et metteure en scène de la
compagnie Art dans le Jardin, « l'enjeu principal de cette action
culturelle menée auprès des jeunes filles marocaines est de les
émanciper. Notre présence à Tiznit et les outils mis en
place auront pour but central de leur permettre de sortir d'une situation
d'enclavement ».16
Avant de commenter cette déclaration, il semble
nécessaire de définir ce que recouvre la notion
d'émancipation. « L'expression émancipation sociale
désigne la construction idéologique conjuguée à
l'effort historique de libération de communautés politiques ou de
groupes sociaux. S'émanciper signifie s'affranchir du pouvoir
exercé par les autres, tout en conquérant la pleine
capacité civile et citoyenne dans l'Etat démocratique de droit.
S'émanciper signifie accéder à la majorité de
conscience ; entendons, par-là, la capacité de connaître et
de reconnaître les normes sociales et morales indépendamment de
critères externes imposés ou présentés à
tort comme naturels. Le concept d'émancipation social est lié
à celui de l'autonomie. » 17
Le rôle du théâtre serait donc d'apporter
de l'autonomie à ses participants, dans le cas présent, aux
jeunes filles résidantes du pensionnat créé et
géré par l'ONG Bani de la
16 Nathalie Guisset, entretien réalisé
le 15 avril 2014 dans les locaux de la compagnie à Montreuil, France
17 Jean-Louis Laville, Dictionnaire de l'autre
économie, Gallimard, 2006, p.326
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commune rurale marocaine de Tiznit. Ce désir
d'émancipation de la part des membres de la compagnie
théâtrale s'inscrit dans une démarche militante
lancée par l'ONG Bani qui a créé le pensionnat
après avoir constaté que les filles villageoises étaient
déscolarisées dès l'entrée au collège
à cause de la distance entre les établissements scolaires et les
villages. Leur apporter, via ce projet, les outils numériques
nécessaires à leur apprentissage et à leur potentielle
insertion dans le monde professionnel, étaient les deux axes de la
commande crée initialement. Aucune trace d'émancipation,
l'enclavement de ces jeunes filles semblant ainsi ne résider qu'en leur
situation géographique. Pourtant c'est bien dans cette optique que la
compagnie a mis en place son action culturelle, en choisissant pour
thème central « l'émancipation et l'image de soi ».
Selon la directrice d'Art dans le jardin, « le thème central
autour de l'émancipation et l'image de soi s'est imposé de
lui-même. Ses jeunes filles sont voilées, n'osent pas bouger leur
corps dans l'espace, parlent doucement pendant que les garçons
pensionnaires crient et se bagarrent, il y a une vraie nécessité
à lutter contre ces situations d'inégalités
».
Bien que la demande initiale ait été
modifiée par la volonté d'agir contre ce que la compagnie
théâtrale considère être une injustice, le fait que
les autres partenaires en aient accepté les conditions semble être
une preuve du bien-fondé de cette action.
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