1.1. L'arrivée des TPO dans le football
professionnel
Une définition donnée par Ariel N. Reck et
Daniel Geey:
« On parle de TPO quand la future valeur de transfert
d'un joueur est vendue à un tiers. L'entité qui achète la
part croit donc que le joueur a le potentiel d'être
transféré pour une somme plus importante que celle initialement
payée. Le club qui détient le joueur peut ainsi équilibrer
ses comptes et obtenir plus facilement des crédits. Les risques sont
élevés (blessures, joueur décevant), les gains le sont
également. »
En effet, le « Third Party Ownership » est un moyen
de financement pour les clubs né en Amérique du Sud qui se
répand de plus en plus en Europe, notamment au Portugal et en
Espagne.
Des fonds spéculatifs possèdent donc les «
droits économiques » de joueurs et essayent de maximiser leurs
gains à la revente, il s'agit pour eux d'un business très
lucratif où les joueurs sont considérés comme des «
actions », des « marchandises ». Michel Platini parle même
« d'une forme d'esclavagisme ».
Les clubs qui ne peuvent pas se payer de bons joueurs mais qui
veulent quand même briller sur la scène européenne font
appel à cette pratique.
Pourquoi ce système est intéressant pour les
clubs ?
Il est financièrement plus prudent pour un club de
pratiquer une forme de leasing que de mettre tout son capital dans les joueurs.
Le joueur est un investissement très particulier : il est incertain,
personne ne peut savoir s'il va s'améliorer, décevoir ou rester
un élément stable. Certains clubs veulent
bénéficier de l'augmentation de la valeur des joueurs et
réaliser un profit sur le marché de transfert, d'autres quant
à eux préfèrent d'abord voir développer le plein
potentiel du joueur.
La gestion du contrat du joueur déterminera les profits
que le club pourra réaliser à la vente, les facteurs
déterminants étant le salaire et la date d'expiration de son
contrat.
La plupart des clubs ont des moyens financiers très
limités, surtout lorsqu'on sait que les salaires des joueurs
représentent en moyenne 70 à 80% de leur dépense. De plus
il n'est pas certain que l'acquisition d'un joueur « cher » se
traduise par de meilleurs résultats sportifs. D'autant plus que si l'on
achète un joueur cher cela augmentera l'actif (capital) du club. Ainsi
les taux de dépréciation représentent des charges lourdes
pour le club pendant toute la durée du contrat. Tout cela explique
pourquoi beaucoup de clubs sont intéressés par la participation
d'investisseurs dans l'acquisition de joueurs afin de limiter les charges et
les risques financiers.
Dès lors que les droits économiques sont
traités comme une créance qui existe dans le patrimoine d'un
club, il n'y a pas d'obstacle juridique à ce que cette créance
soit commercialisée comme n'importe quel actif. En effet, une
créance est un bien réel. C'est un actif qui peut être
donné en garantie ou qui peut être cédé.
La créance de transfert peu faire l'objet de diverses
opérations juridiques comme n'importe quelle créance. Il existe
en réalité deux cas de figure, celui où le tiers agit en
qualité de prêteur de fonds du club et celui où le tiers
agit en qualité d'investisseur dans le club.
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Le premier n'a pas la prétention d'être
propriétaire des droits économiques d'un joueur. Il est seulement
le créancier d'un club à qui, il consent un prêt. En
garantie du remboursement de ce prêt, le club lui confère un droit
sur les futures créances de transfert dont il est titulaire. Au moment
de la réalisation du transfert, le prêteur de fonds pourra exercer
sa garantie et obtenir le remboursement de son prêt soit auprès du
club emprunteur, soit directement entre les mains du club débiteur de
l'indemnité de transfert (le club « acquéreur »). Ces
conventions de TPO mettent en oeuvre des mécanismes très
classiques du droit des suretés.
L'investisseur est celui qui acquiert auprès d'un club
les droits économiques attachés à un ou plusieurs joueurs.
Lors du transfert, l'investisseur fera valoir ses droits économiques
attachés à ce joueur. Ce paiement peut s'opérer de deux
façons : soit le club « vendeur » encaisse le montant total de
l'indemnité de transfert auprès du club vers qui le joueur est
transféré et reverse au tiers investisseur la part lui revenant.
Soit le club « vendeur » indique au club « acquéreur
» le nom du tiers investisseur et, par une indication de paiement ou par
une délégation de créance, lui ordonne de payer entre ses
mains une partie de l'indemnité de transfert correspondant à la
part qui lui revient.
Cette pratique divise, il y a ceux qui trouvent que ce
système est scandaleux, et qui préfèrent que ce soit
bannie. C'est le cas au Royaume-Uni et en France. La FIFA a d'ailleurs
décidé d'interdire la propriété des droits
économiques d'un joueur par des tiers « afin de protéger
l'intégrité du football et des joueurs. » Ces dispositions
ont été approuvées en décembre dernier et sont
entrées à priori en vigueur le 1er mai 2015. Le
président, Josep Blatter a accordé une période de
transition pour que les clubs puissent entrer dans la norme de manière
progressive. Pour la FIFPro, le système des TPO « porte atteinte
à un droit de l'homme fondamental, celui en vertu duquel les individus
sont libres de se déplacer. »
Puis il y a ceux qui pensent que c'est un bon système
pour les petits clubs avec des moyens limités et qui permettrait de
concurrencer les grands clubs européens. C'est le cas notamment des
ligues espagnoles et portugaises qui ont porté plainte contre cette
interdiction en soulignant que « cette interdiction enfreint les
normes de protection de la concurrence du Traité de fonctionnement de
l'Union européenne, ainsi que les libertés fondamentales
d'établissement, de prestations de service, de travail et de circulation
de capitaux ».
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