INTRODUCTION
Le monde du football professionnel est devenu
incontestablement depuis quelques années le nouveau terrain de jeu des
investisseurs. Alors que certains, à la recherche de pouvoir et de
reconnaissance mondiale, ont choisi d'investir dans des clubs (PSG, Monaco,
Manchester City, Chelsea) d'autres, plus discrets, ont décidé de
miser sur les joueurs directement. Et cela, grâce au mécanisme de
la tierce propriété (ou « third party ownership
» TPO). Une pratique née en Amérique du Sud à la fin
des années 80, qui s'est développée après les
années 2000 et qui a fait du football un nouvel instrument financier
pour les investisseurs privés.
Pour être toujours plus compétitifs les clubs de
football sont prêts à tout, comme louer des joueurs qui
appartiennent à des sociétés d'investissement.
Si les entreprises traditionnelles évoluent à
l'heure actuelle dans un environnement économique difficile, les clubs
de football eux ne connaissent pas vraiment la crise et tout est mis en place
pour que ces derniers soient toujours les plus compétitifs possible. Au
sein d'un système où les sources de revenus des clubs reposent
sur 4 rentrées d'argent : les droits TV, la billetterie, les sponsors et
le merchandising, l'heure est aujourd'hui à la recherche d'argent par
des tiers.
En effet ces 4 sources de revenues suffisent à peine
à payer les salaires des joueurs donc il ne reste plus grand chose pour
pouvoir s'offrir de nouveaux joueurs.
C'est ainsi que de plus en plus de clubs choisissent de faire
appel à la tierce propriété pour acquérir de
nouveaux joueurs. En faisant appel aux TPO, les clubs n'ont plus besoin de
dépenser leur argent pour acheter des joueurs, c'est une
société d'investissement qui achète le joueur qui est
ensuite « loué » au club en question.
Cette étude a pour objet de s'intéresser
à une nouvelle pratique concernant les transferts de joueurs de football
professionnels (TPO), notamment de mettre en en avant les bienfaits et les
dérives de cette dernière.
Cette pratique peu connue en France, du fait de son
interdiction tout comme en Angleterre est très présente en
Amérique du Sud et tend à se répandre dans certains pays
européens comme au Portugal ou l'Espagne.
Comment cela fonctionne ?
Le postulat de départ est le suivant : un joueur
professionnel est une valeur économique, dont les droits peuvent
être cédés. Une tierce personne, en général
un fonds d'investissement, décide alors d'acquérir tout ou une
partie des droits économiques du joueur, et donc d'en devenir
propriétaire. C'est une société privée et
indépendante du joueur et du club auquel celui-ci appartient. Son
objectif est ainsi de réaliser à court ou moyen terme une
plus-value lors de la vente du joueur, c'est-à-dire en cas de transfert.
En effet, étant propriétaire d'une partie des droits, il est
normal qu'une part de l'indemnité de transfert lui revienne. Par
conséquent, la tierce propriété n'a de sens que si les
droits économiques du joueur viennent à prendre de la valeur.
Les risques sont élevés car dans le sport on
n'est jamais à l'abri d'une blessure ou d'un problème
extérieur influent sur le rendement du joueur, mais les gains le sont
également.
En 2007 le transfert de Carlos Tevez dans le club anglais de West
Ham avait fait polémique. Avant 2008 la règle qui s'appliquait
pour la Premier League stipulait qu'aucun club n'était autorisé
à conclure un contrat qui permettrait à un tiers
«d'acquérir la capacité d'influer sur
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ses politiques ou la performance de ses
équipes».
Sur cette base West Ham avait transgressé la
règle et était condamné à une
pénalité de £5.5 million par la Premier League.
En effet le contrat de Tevez contenait une clause
cédant aux tiers MSI et Just Sports le droit exclusif de négocier
le transfert du joueur, sans que West Ham possède un droit de
véto. Mais à partir de la saison 2008/2009 la Premier League
décide de mettre en place une interdiction totale, jugeant que la TPO :
« Soulevait trop de questions sur l'intégrité de la
compétition, le développement de jeunes joueurs et pouvait
altérer la structure pyramidale du football. Ó
Les administrateurs du football anglais ont adapté une
position radicale : personne ne peut avoir un intérêt
économique pour tout joueur enregistré en Angleterre pour lequel
des investisseurs détiennent des droits. Sous une législation
étrangère, la propriété des droits
économiques du joueur doit changer de statut, c'est à dire
liquider les droits économiques détenus en cas de transfert vers
l'Angleterre.
Ce fut le premier cas de TPO connu du grand public, mais cette
pratique ne date pas de 2007. En effet, fin des années 1980,
début des années 1990, le club français du Brest Armorique
avait utilisé cette pratique pour l'achat de plusieurs joueurs dont
l'argentin Daniel Tapia et le colombien Roberto Cabanas. Le transfert de Daniel
Tapia vers le Brest Armorique fut pris en charge par une société
qui n'avait rien à voir avec le football. La formule à
l'époque était simple : fédérer les chefs
d'entreprise locaux dans une même société
créée pour réunir les fonds indispensables à
financer les transferts des joueurs mis à la disposition du club.
Certains chefs d'entreprises étaient hésitants car ils se
demandaient si c'était de l'argent perdu. Non, puisque le club
garantissait le remboursement et même une plus-value éventuelle
sur les futurs transferts des joueurs concernés. La moitié des
investisseurs étaient des amoureux du football, l'autre moitié
était appâtée par les substantiels bénéfices
qu'on leur faisait miroiter.
Quelques années plus tard, le club dépose le
bilan et le Brest Armorique n'existe plus, en partie notamment à cause
de ce système qui peut mettre en péril l'économie d'un
club si les dirigeants ne savent pas bien gérer.
En Europe, le FC Porto est le champion incontesté de la
tierce propriété, ce club vend et achète des parts de
joueurs comme des actifs financiers.
Mais ce n'est pas le seul, de plus en plus de clubs s'emparent
de ce mode de financement pour faire vivre le club. Pour autant cette pratique
n'est pas connue par tout le monde et très peu de recherches ou
d'études ont été réalisées sur ce sujet.
Ce qui nous intéresse sur ce sujet est de savoir si ce
type de financement est un financement viable et durable pour les clubs de
football. Le mémoire portera sur ce nouveau mode de financement dans le
football avec l'achat et la vente de « morceaux de joueurs ».
La première interrogation est de penser que ce
financement par des tiers est le financement de demain car il s'agit d'acheter
des jeunes joueurs plutôt talentueux sans pour autant risquer l'argent du
club si jamais le joueur ne progresse pas comme prévu.
En effet, le club pourra bénéficier de bons
joueurs pendant quelques années et donc sera plutôt
compétitif sur la scène européenne sans avoir
dépensé la moindre somme.
La deuxième interrogation principale de ce travail
s'interroge sur la dangerosité de cette pratique dans le monde du
football professionnel. En effet, on peut penser que le joueur
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n'est plus libre de son destin et que ce sont les dirigeants
des sociétés d'investissement qui décident où le
joueur doit jouer dans l'unique but de faire une plus grande plus-value. Ainsi
le fait que les clubs ne possèdent plus les joueurs met en péril
sa situation financière sur le long terme car en cas de besoin d'argent
les clubs traditionnels vendent leurs joueurs et gardent la liquidité
mais dans le cas des TPO si le club vend un joueur détenu par une tierce
partie, l'argent ne reviendra pas au club ou pas totalement.
Est-ce un mode de financement viable et durable pour les clubs
? En quoi les TPO peuvent-ils être un financement alternatif pour ces
clubs ? Faut-il interdire cette pratique ? Quelles sont les dérives ?
Autant de questions qui demandent une réflexion sur ce
sujet et que nous allons essayer de répondre tout au long de ce
mémoire.
La première partie de ce travail apportera un cadrage
théorique sur trois sujets relatifs à cette étude. Tout
d'abord quelques notions sur les TPO en général, la montée
de ce système de tierce propriété au cours de ces
dernières années suivie d'un éclairage global sur cette
pratique dans le monde pour finir par un cas d'étude sur le joueur de
football Éliaquim Mangala, international français
transféré du Standard de liège à Manchester City en
passant par le FC Porto. Suite à cela, les trois hypothèses
principales seront exposées ainsi que la méthodologie
employée.
Dans la deuxième partie, une présentation des
meilleures ventes et achats des deux clubs professionnels étudiés
sera réalisée ainsi qu'un retour sur chacune des trois
hypothèses avec comme objectif la validation ou non de chacune d'entre
elles. Les dérives que cela entraîne seront mises en
évidence tandis que la législation autour de cette pratique qui
fait énormément parler sera humblement exposée. Suite
à cela, des aménagements seront faites autour des
hypothèses principales.
![](La-multipropriete-des-joueurs-de-football-professionnel2.png)
Les TPO, un nouveau système de
financement pour les clubs
professionnels
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![](La-multipropriete-des-joueurs-de-football-professionnel3.png)
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1. Cadrage théorique
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