PARTIE 3. LIMITES ET
RECOMMANDATIONS
3.1 LIMITES
Dans toute production, scientifique ou non, un auteur est
confronté à certaines limites. Pour ce travail, je
soulèverais trois limites.
La première limite concerne la méthode
employée pour ce mémoire. J'ai choisi d'utiliser les entretiens
semi-directifs pour mon étude terrain. Pour mener ces entretiens, j'ai
contacté certains de mes collègues, des personnes de mon
réseau et mis des annonces sur des groupes de discussions Viadeo et
LinkedIn sur le télétravail. Au final, je n'ai pu mener que huit
entretiens dont deux ont été « perdus »
(problème d'enregistrement). Sur les six entretiens retenus, cinq des
personnes interrogées sont (ou ont été) en
télétravail à plein temps et seule une personne est en
télétravail à temps partiel. Il m'a donc été
difficile de faire la comparaison entre télétravail à
plein temps et à temps partiel, ce qui aurait pourtant été
très intéressant notamment sur les questions d'isolement.
De plus, on peut penser que six entretiens est un terrain
d'étude assez petit pour soulever tous les problèmes liés
au management du télétravail. En effet, avec une dizaine
d'entretiens de personnes exerçant le télétravail de
manière différente (grandes entreprises avec processus
très formalisés, petites PME, plein temps, un à deux jours
par semaine, pratique occasionnelle, pays différents...) j'aurais pu
avoir un regard plus large sur le vécu des
télétravailleurs et des managers d'équipe en
télétravail.
La deuxième limite réside dans le fait
qu'étant moi-même en télétravail, et ayant donc pu
soulever des problèmes et des interrogations par rapport à mon
propre travail et mon propre environnement, mon regard est assez subjectif et
mon champ d'étude s'est porté sur des questions que je me suis
moi-même posées. Or, selon les organisations, les problèmes
ou interrogations soulevés par le télétravail ne sont pas
les mêmes.
La troisième limite se situe dans la partie
théorique. En effet, le développement théorique est
limité par les lectures que j'ai choisies. Il aurait pu être
différent selon les auteurs sélectionnés.
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J'ai cité des auteurs soit connus pour leurs
écrits sur le domaine, soit trouvés au hasard de mes recherches
sur le management du télétravail.
Enfin, ayant voulu traiter le management du
télétravail de manière très large en abordant tous
les problèmes et difficultés liés à celui-ci, mes
recommandations concerne donc tous les aspects à améliorer, sans
pour autant entrer dans le détail de chacun d'entre eux.
3.2 RECOMMANDATIONS CONCERNANT LE MANAGEMENT DU
TELETRAVAIL 3.2.1 La sélection et la formation du
télétravailleur
Dans une entreprise où certains employés
télétravaillent et d'autres non, un accord collectif pour
l'accessibilité au télétravail devrait être mis en
place, ou à défaut, élaborer une charte avec les
modalités du télétravail et les conditions à
respecter. Il est également important de justifier un refus de recours
au travail à distance par une justification objective.
Pour mettre en place le télétravail, l'employeur
devra s'interroger sur :
- la surcharge de travail que le télétravail peut
générer
- l'isolement
- l'autonomie du salarié
- la mise en place des équipements nécessaires et
leurs coûts
- la protection de la vie privée du salarié (moyens
de surveillance du salarié non
excessifs)
- Le type du contrat de travail du salarié.
Nous avons vu que pour la majorité des
interviewés, le recrutement n'a pas forcément était
adapté au télétravail. Pourtant, il est important de
vérifier l'autonomie de la personne et surtout l'informer de ce que va
être le télétravail si c'est un recrutement directement en
télétravail. Si cela est possible, il vaut mieux le mettre en
place progressivement, en commençant par une journée de
télétravail par semaine, en discutant avec le salarié des
effets négatifs et positifs et en proposant des axes
d'amélioration si cela est nécessaire.
Nous avons également vu que le fait de ne pas avoir
suivi de formation ne mène pas forcément à l'échec,
cependant, les salariés sont en demande et regrettent le manque de
formation et de prise en charge au début. De plus, notons l'importance
encore plus grande en
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télétravail d'être formé aux
produits ou services car il peut être plus difficile de les comprendre
quand on n'est pas dans les locaux. La formation peut aussi être un moyen
de créer des liens avec les collègues. Il peut également
être intéressant d'organiser des teams buildings dans ce
même but.
Lorsque l'on est dans le cas où tous les collaborateurs
d'une entreprise ne pratiquent pas le télétravail, il faut, dans
la mesure du possible, former également ceux qui ne sont pas en
télétravail afin qu'ils comprennent bien en quoi cela consiste et
les enjeux afin d'éviter qu'ils pensent que leurs collaborateurs ne
travaillent pas ou, au contraire, qu'ils sont disponibles à toute heure
pour travailler.
Enfin, il faut former les managers qui seront amenés
à manager des personnes en télétravail, qu'ils soient
eux-mêmes en télétravail ou non.
Dans le cas d'un passage en télétravail de
salariés travaillant dans les locaux, il vaut mieux choisir des
salariés ayant de bons résultats et comprenant bien les enjeux,
les produits ou services et la culture de l'entreprise.
Dans le cas d'un recrutement directement en
télétravail, comme nous l'avons vu précédemment,
une période dans les locaux même courte est
préférable. Si ce n'est pas possible car l'entreprise n'a pas de
locaux par exemple, il est préférable de mettre en place de
outils de mesure des résultats.
3.2.2 Le contrôle et l'autonomie
Le contrôle des managers est visiblement un des freins
au télétravail. Il peut être vécu par les
salariés en télétravail, très autonomes, comme une
intrusion dans leur travail. Il peut même être une perte de temps
pour le manager.
Il faut aller vers des formes de contrôle «
numériques » car de toutes façons, le contrôle en
présentiel n'est pas possible... Il est d'ailleurs
préférable de ne pas utiliser d'outils de contrôle de
présence.
En effet, le contrôle doit être centré sur
le travail et non le comportement ou les horaires. On peut imaginer comme
c'était le cas dans l'entreprise de l'interviewée 6, un outil de
type CRM où l'on rentre tous les rendez-vous clients et leurs comptes
rendus. On peut également mettre en place un planning
prévisionnel et des points réguliers sur l'état
d'avancement des projets.
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Tout cela dans le but à la fois de garder une forme de
contrôle sur l'activité des salariés tout en leur laissant
l'autonomie que requiert le télétravail et dont ils ont
besoin.
Il est également important de prévoir des plages
horaires durant lesquelles le télétravailleur peut être
contacté et de les respecter.
3.2.3 La communication et les relations en
télétravail
Pour éviter l'isolement du salarié, il faut
organiser des rencontres aussi régulières que possible, et entre
ces rencontres, privilégier le téléphone aux emails, et
organiser des conférences téléphoniques. Cette
recommandation est surtout valable pour le télétravail à
temps plein, le télétravail à temps partiel est
forcément moins touché par ces questions car il y a des retours
dans les locaux de l'entreprise. De plus, le télétravail à
temps partiel peut résulter d'une volonté de s'isoler pour
travailler sur certains dossiers par exemple et donc dans ce cas, mieux vaut
privilégier l'écrit à l'oral pour les demandes non
urgentes.
Toujours dans le but d'éviter l'isolement et de
créer des liens entre les collaborateurs, il faut privilégier des
temps de formation, séminaires ou teams building.
Les contacts informels n'existant que très peu, il faut
planifier ou provoquer ces moments. Par exemple, prévoir des moments
d'échanges en équipe ou entre le manager et le collaborateur pour
discuter du télétravail, de savoir comment le salarié le
vit, s'il ne se sent pas isolé, s'il a des difficultés
matérielles, etc...
Il peut aussi être intéressant lorsque
l'environnement le permet, de favoriser le travail dans des tiers-lieux comme
des centres d'affaires, espaces de coworking ou télécentres dans
lesquels les télétravailleurs pourront voir d'autres personnes ou
se rencontrer entre salariés d'une même entreprise s'ils sont dans
la même zone géographique.
Enfin, lorsque cela est possible, il faut privilégier
le travail d'équipe. Même à distance, le travail en
équipe va permettre de renforcer les liens entre les collaborateurs et
favoriser les idées et l'innovation.
3.2.4 Adapter son style de management
Taskin et Tremblay (2010) montraient la
nécessité de passer d'un rôle de gestionnaire à un
rôle de coach. Il est, en effet, important d'accompagner les
salariés en télétravail,
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principalement dans les débuts (le passage des locaux
au télétravail ou le recrutement directement en
télétravail).
Pour cela, comme nous l'avons vu précédemment il
faut organiser des formations mais aussi veiller à informer les
salariés sur ce mode de travail en prévoyant des moments
d'échanges pour répondre aux questions et interrogations des
télétravailleurs, discuter des effets positifs et négatifs
et envisager ensemble des axes d'amélioration si nécessaires.
Les interviewés 4 et 5 nous parlaient de l'importance
de se montrer disponible à 100% lors des moments prévus. C'est en
effet un bon moyen d'éviter l'isolement et d'impliquer le
télétravailleur.
De plus, parmi les personnes interrogées, tous sont en
demande de feedbacks plus réguliers. Des feedbacks plus réguliers
permettent à la fois d'éviter l'isolement, de renforcer la
culture et le sentiment d'appartenance à l'entreprise. L'idéal
est de prévoir des feedbacks au moins une fois par semaine ou le plus
régulièrement possible. Ces retours doivent également
être plus précis que dans une forme de travail en
présentiel. Les retours positifs sont souvent oubliés en
entreprise, pourtant, des encouragements et retours positifs vont permettre de
redonner confiance et motivation au télétravailleur.
En outre, il faut faire attention à ne pas abuser de la
disponibilité du télétravailleur (qui vit à
l'endroit où il travaille) en se disant que la personne travaille chez
elle et donc, qu'elle a ce qu'il faut à sa disposition pour travailler
n'importe quand.
D'une autre manière, comme nous l'expliquait
l'interviewée 6, c'est une bonne chose d'impliquer ses collaborateurs
dans les objectifs de l'entreprise, dans la stratégie, de les faire
participer au processus de décision.
Concernant l'évaluation du salarié, nous avons
vu que le meilleur moyen de manager des personnes en télétravail,
est de donner des objectifs. Cependant, cela n'est pas toujours possible. Dans
tous les cas, le télétravail nécessite une
évaluation régulière même si elle n'est pas sous
forme d'objectifs à atteindre, car cela aide le salarié à
ne pas se sentir isolé et démotivé. Il est important que
le salarié voie les résultats de son travail.
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Enfin, il faut pratiquer un mode de management basé sur
l'A.C.C.O.R.D, l'Autonomie, la Compétence, la Confiance, l'Organisation,
la Responsabilité, et la Distance10
3.2.5 Les process écrits
Le télétravail demandant plus d'organisation,
l'utilisation de process écrits est importante pour donner une base et
une structure. Il faut également communiquer dessus de sorte à ce
que le télétravailleur, seul, puisse rapidement trouver
l'information dont il a besoin sans nécessiter d'aide extérieure.
Mais attention à trouver un juste milieu, la mise en place de processus
ne doit pas brider l'autonomie du travailleur à distance.
Imposer des réunions obligatoires tous les vendredis
avec un retour du salarié sur ses activités de la semaine et un
feedback sur son travail de la part du manager par exemple, pourrait faire
partie des process très utiles en télétravail.
Notons que ces process sont surtout important pour les
collaborateurs démarrant un contrat en télétravail, qui
mettra un certain temps à trouver son rythme et aura certainement
beaucoup de questions.
3.2.6 Le temps de travail
D'après les retours des télétravailleurs
interrogés, une base horaire semble la meilleure chose pour organiser le
temps de travail. Cela laisserait au travailleur à distance, l'autonomie
dont il a besoin tout en ayant une plage horaire où tout le monde serait
joignable. Il est important dans ce mode de travail de ne pas être dans
le contrôle du temps de travail mais plutôt du travail
effectué.
Avec une tranche horaire imposée de 10h-12h/14h-16h par
exemple, on peut dans une certaine mesure, éviter d'avoir des
salariés qui travaillent à des heures complétement
différentes les uns des autres. Même si ce genre de chose doit
être vu au cas par cas on remarque que les horaires stricts semblent
poser problème dans le télétravail qui est à priori
flexible.
Le « surtravail » étant aussi un
problème soulevé par certains des interviewés, on pourrait
imaginer un système permettant de bloquer le serveur les weekends et le
soir après 21h, par exemple.
10 Pierre Morel à l'Huissier et Nicole
Turbé-Suetens, Le télétravail en France, les
salariés sont prêts ! (2010)
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Enfin, au regard de la littérature
étudiée et des commentaires des interviewés, il semblerait
que le télétravail, lorsqu'il est pratiqué à plein
temps et avec peu de « sorties professionnelles » (rendez-vous
commerciaux, retours à l'entreprise, séminaires, etc...)
présente un certain nombre d'effets négatifs sur le long terme
(isolement, baisse de la motivation, besoin de changement, etc...). Partant de
ce constat, il est préférable, lorsque cela est possible, de
pratiquer un télétravail à temps partiel,
n'excédant pas trois jours par semaine. En revanche il peut être
très positif de pratiquer le télétravail à plein
temps lorsque cela correspond à une certaine période (handicap,
maladie, choix personnels...).
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