Section deuxième : La finance islamique face au
Riba
La religion musulmane englobe tous les aspects de la vie
spirituelle comme de la vie sociale du croyant, instituant des principes aussi
bien pour le rapport de l'homme avec Dieu qu'en ce qui concerne ses rapports
sociaux et notamment les transactions commerciales.
Dans ce domaine, si le principe fondateur est celui de
l'équité et de la transparence, Dieu a prescrit ou interdit dans
le Coran certaines pratiques. C'est notamment le cas de l'interdiction du
prêt à intérêt.
En effet, la position de l'islam vis-à-vis de l'usure
est très claire : le prêt usuraire ou riba est
strictement interdit et doit être réprimé : « ï
croyants ! Craignez Dieu et renoncez au reliquat de l'intérêt
usuraire si vous êtes croyants. Et si vous ne le faites pas alors,
recevez l'annonce d'une guerre de la part de Dieu et de Son messager. Et si
vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne,
et vous ne serez point lésés »114.
Cependant et si la constitution marocaine affirme que L'Islam
est la religion de l'Etat115 , comment se fait-il que les banques
classiques qui pratiquent de l'usure sont autorisées à exercer
sur son territoire ? La jurisprudence marocaine a répondu à cette
question en disant que l'islam prohibe le riba entre deux personnes
physiques musulmanes alors que les banques sont des personnes morales
dépourvues de religion. Cependant une question se pose : comment
pouvons-nous accepter cette conception alors que le législateur a
attribué à une personne morale de droit publique qui est l'Etat
la religion musulmane ? Cette question reste à l'heure actuelle sans
réponse.
114 Coran, Sourate II- LA VACHE (Baghara), versets 278 et 279.
115 Article 3 de la constitution marocaine de
2011 : « L'Islam est la religion de l'Etat, qui garantit a tous le libre
exercice des cultes. »
A l'heure où la honte s'abat sur la finance
globalisée, il en est une qui sort, elle, la tête haute de la
tempête financière qui sévit : la finance
islamique.116 Celle-ci gagne du terrain, le nombre de banque
islamique augmente d'une année à l'autre et leur actif se
diversifie et devient de plus en plus important ; leurs activités se
multiplient et s'étendent à l'ensemble du globe y compris aux
pays non musulmans.
C'est dans cette optique que le législateur Marocain a
introduit et cherche à promouvoir les banques dites participatives en
leur consacrant tout un titre117 dans sa dernière
réforme de la loi relative aux établissements de crédit et
organismes assimilés. Cependant les obstacles sont nombreux et les
défis relevés sont lourds et risquent de compromettre cet essor
ou du moins de l'affaiblir.
Sous-section première : La
finance islamique
La finance islamique a pour objet de développer des
services bancaires et des produits financiers compatibles avec les
prescriptions de la loi coranique. Elle se distingue de la finance
conventionnelle par le fait qu'elle ne se cantonne pas dans le rôle du
préteur : elle agit en véritable partenaire financier du porteur
de projet avec un système de partage des risques de la
responsabilité et des revenus.
Cependant, les obstacles faisant face à sa
mondialisation sont nombreux et les défis relevés sont lourds et
risquent de compromettre cet essor ou du moins de l'affaiblir.
I- Les défis :
Certains défis sont d'ordre général et
touchent l'ensemble du système financier islamique, d'autres sont
plutôt d'ordre juridique et internes au système de la finance
islamique.
1- D'ordres généraux :
Recherche de profit et conformité avec la Chariaa :
La finance islamique a pour objectif la mobilisation de
ressources et leurs allocations entre les différents projets
d'investissements. Cependant celle-ci doit s'organiser autour de
mécanismes, d'institutions et de produits qui doivent respecter
l'ensemble des principes fondamentaux édictés par la charia a
savoir : l'interdiction de la Riba, la condamnation de la
spéculation, le fait que toute transaction doit être
adossée sur un actif tangible, le respect des interdiction quant a
l'investissement jugé nuisible a l'être humain tel l'industrie des
jeux d'argent...
L'identification d'un cadre institutionnel :
La promotion financière islamique suppose
l'amélioration nécessaire du cadre institutionnel dans lequel
opèrent ces institutions. Ces dites institutions ont besoin de cadre
tant spécifique qu'homogène avec les autres institutions
traditionnelles, en effet la plupart des instruments financiers islamiques ont
une contrepartie dans la finance classique, bien qu'ils ne s'imbriquent pas
parfaitement dans les régimes réglementaires existants.
116 Bouayad Amine Nabil, le développement de la finance
islamique au Maroc : quelles adaptations du cadre législatif et
réglementaire ? Colloque sous le nom de la finance islamique et les
défis du développement
117 Titre 3 de la loi n°103-12
Développement de la formation :
Des compétences doubles sont exigées des cadres
des institutions financières islamiques : des connaissances approfondies
dans le domaine financier, mais également dans le domaine de la chariaa
d'où la nécessité d'organiser des cycles de formations
adaptés.
2- D'ordres juridiques :
La finance islamique propose le mariage de l'économie,
du droit et de la chariaa, ce qui l'expose à des difficultés
techniques dues aux contraintes que la morale islamique lui impose.
Les défis sont de plusieurs ordres :
L'insécurité juridique, le droit islamique se
superpose aux droits nationaux qui sont souvent d'inspirations doctrinales
différentes ;
Dans la pratique, apparaissent des difficultés de mise
en oeuvre de certaines règles juridiques islamiques
spécifiques.
L'évaluation et l'appréciation que doivent
apporter les déposants et investisseurs doivent se baser sur des
données générales et comptables souvent non
homogènes, les empêchant de juger de la performance de ces
institutions.
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