Section deuxième : Les incidents liés
à l'exécution du contrat
Dans la pratique, les opérations de crédit
suscitent de multiples incidents pouvant mener à une inexécution
du contrat de crédit. Ces incidents peuvent être liés, soit
au comportement de la clientèle soit à celui des
établissements de crédit.
Vu que les incidents liés au comportement des
établissements de crédits sont principalement du fait de la
responsabilité du banquier traitée plus haut, nous allons nous
contenter d'analyser la défaillance du débiteur (sous-section
première) et la situation du banquier vis-à-vis de l'entreprise
en difficulté (sous section deuxième).
49 Articles 1150,1151 et 1160 du
DOC.
Sous-section première : La
défaillance de l'emprunteur
Le temps, la promesse et la confiance qui sous-tendent l'acte
de crédit « couvent » un risque majeur : le risque de non
remboursement, appelé également risque d'insolvabilité de
l'emprunteur.50 Ce risque est inhérent à toute
opération de crédit et le banquier doit nécessairement
l'évaluer avant de décider de la suite à donner à
la demande de financement.
La loi n°31-08 édictant des mesures de protection
du consommateur, considère comme défaillant l'emprunteur qui n'a
pas payé trois mensualités successives après leur
échéance et qui n'a pas répondu à la mise en
demeure qui lui a été adressée.
C'est dans ce cadre que le banquier peut exiger le
remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des
intérêts échus mais non payés, ce remboursement peut
être cependant accompagné par le paiement d'indemnités de
retard. Par ailleurs, l'article 110 de la loi 31-08, autorise le
créancier de réclamer le remboursement sur justification, des
frais dû qui lui auront été occasionnés par cette
défaillance, à l'exclusion de tout remboursement forfaitaire des
frais de recouvrement. Cependant la déchéance du terme ne peut
être déclarée acquise pour le créancier sans la
délivrance d'une mise en demeure, qui précise le délai
dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
Les actions liées à cette dite demande de
paiement doivent être engagées devant le tribunal dont
relève le domicile ou le lieu de résidence de l'emprunteur dans
les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance
à peine de forclusion du droit de réclamer des
intérêts de retard. Cependant Si le défaut de paiement des
échéances résulte d'un licenciement ou d'une situation
sociale imprévisible, l'action en paiement ne peut être
formée qu'après opération de médiation.
C'est dans ce cadre que la jurisprudence marocaine
considère la situation de surendettement des particuliers qui est
caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le dit
débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes
non professionnelles exigibles et à échoir. C'est dans ce sens
que l'article 149 de la loi consumériste51, et 243 du
DOC52 permettent au juge de prendre des mesures en faveur des
débiteurs qui ont des difficultés financières. Ce dernier
peut en effet, compte tenu de la situation du débiteur et
considération des besoins financiers suspendre le paiement des
mensualités. Cette ordonnance peut décider que, durant le
délai de grâce, les sommes dues ne produiront point
d'intérêts.
La décision du juge, qui peut subordonner ces mesures
à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à
faciliter ou à garantir le paiement de la dette, suspend les
procédures.
Cependant, le législateur n'a pas omis de
protéger le professionnel, en effet et en plus du droit de
résolution, celui-ci dispose du droit de rétention et celui de
revendication et ce notamment en matière de vente à
crédit.
Le droit de rétention fait l'objet de nombreuses
dispositions du DOC : articles 291 et suivants et articles 504 et suivants. Aux
termes de l'alinéa deuxième de l'article 504, « Le
vendeur qui
50 Sabathier Sophie, Droit du crédit,
édition Ellipses 2007
51 Article 149 de la loi n°31-08
: «[...] l'exécution des obligations du débiteur peut
être, notamment en cas de licenciement ou de situation social
imprévisible, suspendue par ordonnance du président du tribunal
compétent. L'ordonnance peut décider que, durant le délai
de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt [...]
»
52 Article 243 du DOC : « [...]
Les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du
débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve,
accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir
à l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en
état. »
n'a pas accordé de terme pour le paiement n'est pas
tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'offre d'en payer le prix
contre la remise de la chose ». Non tenu de délivrer, il peut
donc retenir.53 Mais à la condition qu'il n'ait pas «
accordé de terme pour le paiement », c'est-à-dire qu'il ait
vendu au comptant. Si bien que la vente à crédit se traduit par
une perte du droit de rétention. Cependant il existe des exceptions
énumérées par l'article 50754, à savoir
: la faillite, la déconfiture de l'acheteur ou la diminution des
suretés qu'il avait données pour le paiement.
La revendication quant à elle est le pouvoir du vendeur
impayé, bien que s'étant dépouillé de la chose
vendue, dispose du moyen de la récupérer en la réclamant
par voie de justice, cependant ce droit est limité par les dispositions
de l'article 582 du DOC.55
Donc force est de constaté que le droit de
résolution est le droit le plus usé par les professionnels en cas
de défaillance de l'acheteur, en effet le vendeur impayé peut par
voie judiciaire demander la résolution du contrat et la restitution de
son bien.
Ce droit a et à plusieurs reprises été
confirmé par les juridictions du royaume qui arrêtent a chaque
fois que la défaillance de l'emprunteur entraine la résolution du
contrat, la restitution du bien et enfin sa vente aux enchères
publiques.56
Sous-section deuxième: la
situation du banquier vis-à-vis de l'entreprise en
difficulté
La défaillance d'un débiteur peut avoir de
fâcheuses conséquences sur l'équilibre financier de la
banque prêteuse. Pour poursuivre ses activités, elle doit en effet
reconstituer ses liquidités en recourant à un endettement
supplémentaire par le biais du marché monétaire ou du
découvert auprès de Bank Al-Maghreb à un taux souvent
supérieur au taux du crédit initialement consenti.
C'est dans ce cadre que le législateur marocain a
essayé de mettre en place une procédure équilibrée
qui puisse garantir les droits corollaires des débiteurs et des
créanciers des entreprises en difficultés. En effet, c'est dans
cette optique que le code de commerce57 prévoit pour les
entreprises qui connaissent des difficultés une série de
procédures tant au niveau amiables que collectives.
Nous allons donc succinctement analyser la procédure de
règlement amiable (I) et celle de redressement et de liquidation
judiciaire (II) sans pour autant nous éloigner des effets que ces dites
procédures engendrent à l'égard des créanciers.
53 Mekouar Mohammed Ali, la vente à
crédit des véhicules automobiles, Dar el Kitab
54 Article 507 du DOC :
Le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose vendue, quand
même il aurait accordé un délai pour le paiement : 1°
Si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en déconfiture ;
2° S'il était déjà en faillite au moment de la vente
à l'insu du vendeur ; 3° S'il a diminué les
sûretés qu'il avait données pour le paiement, de
manière que le vendeur se trouve en danger de perdre le prix.
55 Article 582 du DOC :
Le vendeur qui n'a pas accordé de délai peut aussi,
à défaut de paiement du prix, revendiquer les choses
mobilières qui se trouvent au pouvoir de l'acheteur, ou en arrêter
la vente. L'action en revendication n'est pas recevable après quinze
jours, à partir de la remise de la chose à l'acheteur. La
revendication a lieu même si la chose vendue a été
incorporée à une chose immobilière, et à l'encontre
de tous tiers ayant des droits sur l'immeuble. La revendication en cas de
faillite est régie par les dispositions spéciales à la
faillite.
56 Arrêts : tribunal de commerce de
Marrakech, dossier n° 119/1/2002, ordre n° 169 ; tribunal de commerce
de Fès, dossier n°227/2000/3, ordre n° 251/200/3
57 Livre 5 de la loi n°15-95 formant code de
commerce.
I- le règlement amiable :
Le règlement amiable est un dispositif souple et
confidentiel qui est justifié par l'impératif de ne pas ruiner le
crédit de l'entreprise et ne pas inquiéter ces partenaires en
officialisant ces difficultés. Son objectif réside dans la
volonté de rechercher un acte entre l'entreprise et ses principaux
créanciers avant l'ouverture de la procédure de redressement ou
de liquidation judiciaire. Par ailleurs, il est a noter a titre indicatif que
l'appellation de règlement amiable a été substituer en
France par celle de conciliation a travers la loi du 26 juillet 2005 qui a sans
doute voulu donner un signe de rupture avec l'idée de «
règlement des dettes ». L'avant projet de reforme du livre V du
code de commerce va dans ce sens en substituant à la notion de
règlement amiable celle de conciliation.
La procédure de règlement amiable58
ou de conciliation en France conduit à la conclusion d'un accord entre
le débiteur et ses créanciers. Seuls ceux qui le souhaitent y
participent et seront tenus par cet accord.
En conséquence, le banquier est libre d'y participer ou
non. S'il n'y participe pas, l'accord ne porte pas atteinte à ses
droits. C'est d'ailleurs la une condition de son homologation par le
juge59. En revanche, s'il y participe (cette
participation n'est pas sans conséquence puisque, l'accord
homologué suspend pendant la durée de son exécution, toute
action en justice, toute poursuite individuelle tant sur les meubles que sur
les immeubles du débiteur dans le but d'obtenir le paiement des
créances qui en font l'objet et suspend les délais impartis
aux
créanciers à peine de déchéance ou
de résolution des droits afférents à ces
créanciers)60 il peut accorder des
délais de paiement ou des remises de dettes. Ces mesures doivent
permettre de régler les difficultés de l'entreprise.
Cependant dans la pratique marocaine, cette procédure
est très peu usitée. En effet, à la consultation du
registre du bureau de l'ordre de paiement du tribunal de commerce de Casablanca
qui relate le nombre de dossiers ayant été soumis au
président du tribunal pour l'ouverture d'une procédure de
règlement amiable, le nombre de dossiers ayant été
réglé par un accord amiable et le nombre de dossiers qui ont
nécessités l'intervention de la chambre de conseil, on remarque
un nombre très réduit des affaires ayant
bénéficiés de cette procédure. L'échec de
déclenchement de cette procédure est expliqué par le
président du dit bureau par un retard de la notification de la situation
de l'entreprise au président du tribunal, qui selon lui plus de 70% des
sociétés sont déjà en cessation de paiement au
moment de sa mise en information ce qui n'est pas conforme aux conditions
requises par l'article 550 du code de commerce.
C'est dans ce cadre que nous allons vous exposer un petit
tableau étalant les statistiques de recours a la dite procédure
61:
58 Article 550 du code de commerce
59 Article 556 du code de commerce :
« Lorsqu'un accord est conclu avec tous les créanciers, il est
homologué par le président du tribunal et déposé au
greffe. Si un accord est conclu avec les principaux créanciers, le
président du tribunal peut également l'homologuer et accorder au
débiteur les délais de paiement prévus par les textes en
vigueur pour les créances non incluses dans l'accord. ».
60 Article 558 du code de commerce
61 Statistiques relevées directement du
registre établit au près du tribunal de commerce de Casablanca
Années Nombre de dossiers Nombre
réglés a Nombre soumis à la
l'amiable chambre du conseil
2009
|
03
|
00
|
03
|
2010
|
02
|
2 Arrangements internes62
|
00
|
2011
|
06
|
1 Arrangements internes
|
01
|
2012
|
07
|
00
|
07
|
2013
|
02
|
00
|
02
|
2014
|
00
|
00
|
00
|
2015
|
16
|
4 (Alliance) +
|
11
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1 (Marina d'or)
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Par ailleurs, la question se pose de savoir si le banquier
pourra être tenu responsable de soutien abusif du débiteur en cas
de redressement ou de liquidation judiciaire ?
La réponse est en principe négative, en effet,
les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des
préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude,
d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si
les garanties prises en contrepartie de ces concours sont
disproportionnées à ceux-ci.
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