Déterminants des disparités régionales en matière de scolarisation des enfants au Tchad( Télécharger le fichier original )par Hervé NOUBADIGNIM Ronelyambaye Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) /Université de Yaoundé II - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie (DESSD) 2005 |
Conclusion partielleCe chapitre a permis de préciser la base théorique de l'étude. Le cadre conceptuel retenu a été inspiré de la revue de la littérature qui nous a conduit à examiner un certain nombre de facteurs évoqués par la plupart des auteurs ayant traité de la scolarisation. Une revue thématique de la littérature nous a permis de formuler des hypothèses en tenant compte des variables disponibles par rapport à notre fichier d'analyse. CHAPITRE IIICADRE D'ANALYSE ET ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES Ce chapitre présente le cadre d'analyse et la méthodologie de l'étude. Nous allons dans un premier temps présenter la source des données qui nous permettront de tester nos hypothèses. Ensuite, après avoir apporté quelques éclaircissements par rapport à nos variables, nous allons évaluer la qualité de nos données avant d'expliciter nos modèles statistiques. 1) DONNÉES UTILISÉES Les sources classiques des données utilisées pour l'étude de la scolarisation sont : les statistiques scolaires, les recensements et les enquêtes. Mais avant de les utiliser, il faut tenir compte des limites et des avantages relatifs à chacune d'elles. Les statistiques scolaires : de part leur nature, les statistiques scolaires s'avèrent bien limitées pour ce type d'approche. Mis à part l'âge et le sexe des enfants, elles sont quasiment muettes sur les caractéristiques individuelles et familiales des enfants : âge, statut familial, lieu de naissance, co-résidence ou non des enfants avec leurs parents, ethnie, religion, caractéristiques démographiques et socio-économiques du chef de ménage, structure du ménage, conditions d'habitat, etc. (Pilon, 1995 :698). Les recensements et enquêtes : utilisant le ménage comme unité de collecte, ils comportent généralement quelques informations relatives à l'éducation. Des analyses déjà effectuées à partir de ces sources de données ont mis en évidence des différences de scolarisation selon le statut familial des enfants, la structure démographique des ménages, les conditions d'habitat, etc. Ces données offrent de grandes possibilités d'analyse, pouvant répondre, entre autres, à certains aspects de la problématique du genre (Pilon, 1995 : 27). Une enquête spécifique avec un volet qualitatif serait nécessaire pour bien comprendre et expliquer le phénomène de la non-scolarisation des enfants selon les régions au Tchad. Mais cette étude se basera plutôt sur l'exploitation des données existantes et disponibles même si elles ne sont pas très récentes et ne tiennent pas compte du nouveau découpage administratif du pays. Nous aurons recours aux données de L'Enquête Démographique et de Santé du Tchad de 1996/ 1997 (EDST). Les données de l'EDS (volet ménage) sont un peu riches et pourraient nous permettre d'avancer considérablement dans la recherche des facteurs explicatifs de la non-scolarisation différentielle des enfants selon les régions au Tchad et permettre ultérieurement de mieux orienter les enquêtes spécifiques éventuelles qu'on pourrait mener sur le sujet. *Description de la nature de l'enquête L' EDST de 1996/1997 s'inscrit dans le cadre des efforts menés par le gouvernement tchadien pour assurer une meilleure connaissance socio-économique, sanitaire et démographique du pays. Ses résultats permettent l'évaluation et la mise en oeuvre des programmes de santé et de la politique de population. Grâce à cette enquête, on connaît les niveaux réels de la fécondité, de la connaissance et de l'utilisation de la contraception, de la couverture vaccinale, de la mortalité infantile, juvénile et maternelle et de la connaissance des maladies sexuellement transmissibles (MST) et du SIDA. De plus, elle fournit les informations sur la disponibilité et l'accessibilité des services socio-économiques et sanitaires. L'ensemble des données collectées constitue une base des données qui facilitera le suivi et l'évaluation à long terme des programmes de Santé Maternelle et Infantile et du Bien-Être Familial au Tchad (SMI/BEF). PRÉSENTATION SOMMAIRE DU PLAN DE SONDAGE L'échantillonnage L'EDS a adopté un sondage en grappes à deux degrés de tirages. Premier degré : tirage des Zones de Dénombrement (ZD) proportionnellement à leur taille en termes de ménages recensés dans la ZD au dernier recensement (RGPH de 1993). Deuxième degré : des ménages ont été tirés à partir de la liste des ménages établie lors de l'opération de dénombrement. Les ménages ont été sélectionnés par tirage systématique simple correspondant ainsi à un sondage à probabilité égale. Pour les besoins de l'enquête, l'EDS a considéré deux échantillons : un échantillon des femmes éligibles et un échantillon des hommes (hommes âgés de 15 à 59 ans). Toutes les femmes âgées de 15 à 49 ans dénombrés dans les ménages retenus dans l'échantillon étaient enquêtées. L'enquête homme a porté sur un tiers des ménages sélectionnés pour l'enquête principale des femmes. Le tirage des ménages pour l'enquête homme a été effectué au même moment que le tirage des ménages pour l'enquête femme, de façon systématique et avec une probabilité égale à un sur trois. L'EDST a utilisé en gros 4 types de questionnaires : - le questionnaire ménage ; - le questionnaire individuel femme ; - le questionnaire individuel homme ; - et le questionnaire communautaire sur la disponibilité des services. * Domaines d'études Trois grands domaines d'études ont été définis pour des analyses. Domaine 1 : N'djaména. Domaine 2 : autres centres urbains. Domaine 3 : milieu rural. L'échantillon reste auto-pondéré au sein de chaque domaine, c'est-à-dire qu'on applique un même taux de sondage à l'intérieur de chaque domaine d'étude. L'enquête ménage qui nous intéresse ici a fourni les résultats suivants : 6840 ménages ont été effectivement enquêtés dont 78% dirigés par les hommes et 22% par les femmes. Sur 35400 personnes dénombrées, 52% étaient de sexe féminin contre 48% de sexe masculin. 76% des personnes recensées vivent en milieu rural contre 24% en milieu urbain et les enfants de 6 à 14 ans représentent 28,1% (Ouagadjio et al., 1998). 2) VARIABLES ET INDICATEURS Nous présentons dans cette partie les variables et indicateurs relatifs à quelques concepts définis précédemment. * Variable dépendante La fréquentation scolaire est notre variable dépendante. La question relative à la fréquentation scolaire actuelle permettra donc de cerner notre variable expliquée. Notre population cible sera celle âgée de 6 à 14 ans. La variable fréquentation scolaire comprend les modalités "oui" pour les enfants qui fréquentent et "non" pour ceux qui ne fréquentent pas. * Variables indépendantes Les variables indépendantes sont constituées - au niveau des caractéristiques contextuelles . le milieu de résidence Deux modalités sont à considérer ici : le milieu urbain et le milieu rural . la région de résidence Cette variable est mesurée par la préfecture de résidence déclarée. La variable région de résidence qui compte 15 modalités (Batha, Biltine, BET, Mayo-kebbi, Moyen Chari, Salamat, Logone occidental, Logone oriental, Tandjilé, Lac, Kanem, N'djaména, Guéra, Ouaddaï, Chari Baguirmi) a été regroupée en trois principales régions (nord, centre et sud) pour deux raisons. D'abord ce regroupement est opéré sur la base des similitudes du point de vue des pratiques religieuses, coutumières, linguistiques et historiques, elles peuvent constituer un "proxi" de l'ethnie mais aussi de la religion. De ce fait, elles sont le reflet d'une expression culturelle donnée et d'un mode de vie particulier. Ensuite, les régions n'ont presque jamais le même niveau de développement (notamment en infrastructures scolaires). La variation de la fréquentation scolaire des enfants sera donc ainsi aisément appréhendée. Pour Diallo (2003), les variations des niveaux de scolarisation peuvent être le résultat de l'imbrication des facteurs socioculturels dont la région est souvent l'un des "proxi". Il faut également relever que l'offre scolaire sera approchée par le milieu d'habitat. - au niveau des caractéristiques des chefs de ménage . le sexe du chef de ménage Ses modalités sont : masculin et féminin. . le niveau d'instruction du chef de ménage Il sera résumé en distinguant trois modalités à savoir : sans niveau, primaire et secondaire ou plus. Celles-ci permettent de saisir le niveau d'instruction déclaré au moment de l'enquête. - au niveau des caractéristiques des ménages . le niveau de vie du ménage Il est saisi (faute de mieux) par les biens possédés par les ménages et la qualité de l'habitat. Il s'agit en réalité d'une variable construite en vue d'appréhender le niveau de confort du ménage. - au niveau des caractéristiques des enfants . le sexe de l'enfant Il s'agit du sexe déclaré de l'enfant à scolariser. Ses modalités sont : masculin et féminin. . l'âge de l'enfant L'indicateur ici, c'est l'âge déclaré des enfants. Toutefois nous regrouperons l'âge en deux modalités : 6 à 9 ans et 10 à 14 ans. * Variables de contrôle . le statut familial de l'enfant Il s'agit d'une variable construite à partir du croisement entre le statut d'orphelin (survie des parents) et le statut de confiage (présence des parents dans le ménage). Elle a neuf modalités : les deux parents vivent dans le ménage, les deux parents sont décédés, père en vie et mère seulement dans le ménage, mère en vie et père seulement dans le ménage, père décédé et mère vivant dans le ménage, mère décédée et père vivant dans le ménage, père décédé et mère vivante mais hors du ménage, mère décédée et père vivant mais hors du ménage, les deux parents vivent hors du ménage. . la taille du ménage
Nous allons retenir les modalités suivantes : petite taille (1 à 5 personnes), taille moyenne (6 à 12 personnes) et grande taille (plus de 12 personnes). . le nombre d'enfants de moins de 5 ans dans le ménage Les modalités de cette variable sont : aucun enfant de moins de 5 ans, au moins un enfant de moins 5 ans. . l'âge du chef de ménage Son indicateur de mesure est l'âge déclaré au moment de l'enquête. Il varie de 13 à 95. Nous avons effectué des regroupements pour constituer trois modalités : Les jeunes (13 à 29 ans) les adultes (30 à 64 ans) et les vieux (65 à 95 ans). Nous avons effectué de tels regroupements parce que nous pensons d'une part que les attitudes des uns et des autres à l'égard de la valeur accordée à la scolarisation des enfants varient avec l'âge et d'autre part que les moyens (surtout financiers) ne sont pas les mêmes chez les personnes ayant atteint l'âge de la retraite ou chez les jeunes que chez les personnes d'âge de pleine activité. 3) CADRE ANALYTIQUE Le sexe, l'âge et le statut familial de l'enfant, la région et le milieu de résidence, l'âge, le sexe et le niveau d'instruction du chef de ménage, le niveau de vie et la taille du ménage ainsi que le nombre d'enfants de bas âge du ménage sont autant de variables qui déterminent la fréquentation scolaire différentielle des enfants selon leur région de résidence. Les caractéristiques environnementales influencent celles des chefs de ménage et des ménages qui on le sait déterminent les disparités scolaires entre les différentes régions. Le schéma ci-dessous représente le schéma d'analyse de notre étude.
Fréquentation scolaire différentielle des enfants selon leur région de résidence Figure 3.1 : schéma d'analyse des déterminants des disparités régionales en matière de scolarisation des enfants. CONSTRUCTION DE L'INDICATEUR DE NIVEAU DE VIE Notre indicateur de niveau de vie est construit à partir des informations relatives aux matériaux de construction des murs, du plancher et du toit, à la possession de certains biens (électricité, radio, télévision, réfrigérateur, bicyclette, motocyclette, téléphone, chameaux, chevaux, pirogue, voiture) au mode d'approvisionnement en eau et au type d'aisance. Tableau 3.1 : Informations et pondération utilisées pour la construction de l'indicateur du niveau de vie des ménages
Source : traitement des données de l' EDS Tchad 1996/1997. NB : Le niveau de vie = nature des matériaux des murs + nature des matériaux du toit + nature des matériaux du sol + source d'approvisionnement en eau de boisson + type de toilettes + biens disponibles (radio, cheval ou chameau, vélo, électricité, télévision, réfrigérateur, moto, voiture). Nous nous sommes inspiré de la méthodologie utilisée par Marcoux (1994) qui a travaillé sur le Mali. Ainsi nous avons attribué des points à chacun des ménages en fonction de la grille d'évaluation que l'on retrouve dans le tableau 3.1 ci-dessus. Nous avons donc calculé un indicateur global pour chacun des ménages de façon à retenir 3 groupes distincts. Le groupe de niveau de vie élevé se compose des ménages qui totalisent au moins 6 points. Les ménages de niveau de vie moyen sont ceux qui ont cumulé entre 3 et 6 points. Ceux de faible niveau de vie ont un total de points inférieur à 3.
La répartition des enfants selon les niveaux de vie des ménages auxquels ils appartiennent est la suivante : 65,1% des enfants sont issus des ménages de niveau de vie faible, 29,1% résident dans des ménages de niveau de vie moyen et 5,8% dans les ménages de niveau de vie élevé.
4) ÉVALUATIONS DE LA QUALITÉ DES DONNÉES L'utilisation des données de mauvaise qualité peut introduire des biais dans les résultats d'une étude. Pour éviter qu'une telle situation ne se produise, nous évaluons la qualité des données en testant la vraisemblance des déclarations sur l'âge. Car ces déclarations constituent les sources d'erreurs les plus couramment rencontrées lors d'une opération de collecte. La répartition de la population enquêtée par année d'âge selon le sexe nous aidera à déceler ces erreurs. Nous examinerons aussi les taux de non-réponses pour chacune des variables de l'étude. a) L'évaluation numérique Nous donnerons dans les lignes qui suivent la taille et la couverture de l'échantillon ainsi que les taux de réponses selon les variables retenues. * Taille et couverture de l'échantillon Le tableau suivant donne les résultats de l'échantillonnage. Tableau 3.2 : Effectifs des ménages, des femmes et des hommes sélectionnés, identifiés et enquêtés et taux de réponse selon le milieu de résidence.
Source : Rapport EDS Tchad 1996/1997. Exception faite de l'enquête individuelle homme au niveau de la capitale, toutes les enquêtes enregistrent des taux de réponses de plus de 90%. Cela peut être un indicateur de la bonne qualité des données. * taux de réponses selon les variables retenues Plusieurs de nos variables enregistrent des pourcentages de réponses valides de 100%. Aucune valeur manquante n'atteint 2%. Ce qui nous permet d'affirmer que la couverture a été relativement bonne. Tableau 3.3 : Taux de réponses selon les variables retenues
Source : traitement des données de l' EDS- Tchad 1996/1997. b) L'évaluation graphique * distribution par année d'âge de la population scolarisable Elle consiste à porter sur l'axe des abscisses les âges des individus et sur l'axe des ordonnées les effectifs. Cette distribution par année d'âge des enfants permet d'apprécier en partie, la qualité des données recueillies. La courbe de répartition de ces effectifs devait en principe décroître régulièrement au fur et à mesure que l'âge augmente. Figure 3.2.1 Répartition des enfants scolarisables selon l'âge Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Figure 3.2.2 Répartition des effectifs des garçons par âge Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Figure 3.2.3 Répartition des effectifs des filles par âge Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Les figures ci-dessus présentent des courbes aux allures irrégulières indiquant quelques problèmes de mauvaise déclaration des âges des enfants par les femmes (figures 3.2.1, 3.2.2 et 3.2.3). L'examen des pics montre qu'il y a des attractions au niveau des âges pairs notamment chez les filles où cela apparaît clairement. Par contre, les creux font état de la répulsion pour les âges impairs. Le niveau d'analphabétisme relativement élevé (78% chez les femmes) pourrait expliquer cette mauvaise déclaration des âges des enfants par les enquêtés. Cependant, le biais lié à ces mauvaises déclarations des âges sera minimisé dans la mesure où nous utiliserons les groupes d'âges 6-9 ans et 10-14 ans dans nos analyses. * distribution des taux de scolarisation par âge La distribution des taux de scolarisation par âge des enfants de 6 à 14 ans permet de rendre compte de la non-scolarisation des enfants par âge. On constate que le taux de scolarisation augmente avec l'âge malgré une légère baisse constatée entre 12 et 13 ans. Figure 3.2.4 Taux de scolarisation par âge des enfants de 6 à 14 ans Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Compte tenu du fait que nous allons par la suite intégrer les âges des chefs de ménage dans les modèles multivariés, il s'avère nécessaire d'évaluer l'ampleur des biais liés à cette variable. Certains indices permettent de mesurer le degré d'exactitude des données sur la déclaration des âges des autres membres des ménages au moment de l'enquête. Nous calculerons à cet effet les indices de Myers et de Whipple. Indice de Myers Il permet de mesurer le degré d'attraction et de répulsion de chacun des chiffres compris entre 0 et 9. Précisons que cette méthode se limite à la tranche d'âges allant de 10 à 89 ans. L'indice de Myers présente également l'avantage d'éliminer, au moins en partie, la diminution des effectifs entre les âges en se servant des effectifs pondérés. L'indice varie de 0 à 90. Plus il est proche de 0, meilleure est la déclaration des âges. Pour chaque chiffre, le signe négatif du coefficient indique une répulsion tandis que le signe positif traduit une attraction. La valeur absolue du coefficient renseigne sur l'ampleur de la préférence. Le calcul des indices a donné les résultats ci-après consignés dans le tableau 3.4 Tableau 3.4 Indices de Myers
Source : traitement des données EDST de 1996/1997. Les différentes valeurs montrent qu'il y a une préférence pour certains chiffres. Comparativement aux personnes de sexe masculin (18,32), celles de sexe féminin (20,49) ont un peu plus de préférence pour certains chiffres. Indice de Whipple Il mesure le degré de préférence pour les âges se terminant par 0 ou 5. Le calcul de cet indice consiste à prendre l'effectif des personnes âgées de 23 à 62 ans, et à calculer la somme des effectifs des individus de cet intervalle dont les âges se terminent par les chiffres 0, 5,0 et 5. Puis, on rapporte cette dernière somme au 1/10 de l'effectif total pour les âges se terminant par 0 ou 5 et au 1/5 pour les âges se terminant par 0 et 5. L'indice ainsi obtenu varie entre 0 et 5. Lorsque sa valeur est égale à 1, il n'y a pas de préférence. Par contre, pour une valeur inférieure à 1, il y a une répulsion tandis que pour une valeur comprise entre 1 et 5, il y a une attraction. On a ainsi : Iw=0, répulsion totale des chiffres 0 et 5. Iw=5, tous les âges enregistrés se terminent par 0 ou 5. 1<Iw<5, attraction autant plus forte que Iw est voisin de 5. Tableau 3.5 Indices de Whipple
Source : traitement des données EDST de 1996/1997. Le tableau 3.5 ci-dessus montre qu'il y a attraction pour les chiffres se terminant par 0,5, 0 et 5. Les personnes de sexe féminin comparativement à celles de sexe masculin ont un peu plus de préférence pour certains chiffres puisque dans tous les cas elles ont l'indice le plus élevé. On peut donc dire que beaucoup de personnes ont relativement mal déclaré leurs âges au moment de l'enquête.
5) MÉTHODES D'ANALYSE Le choix d'un modèle d'analyse dépend de la nature des informations utilisées. Compte tenu de nos objectifs et de nos hypothèses, nous procéderons à deux types d'analyses : une analyse descriptive et une analyse explicative. * L'analyse descriptive Nous procéderons à une analyse univariée. Elle vise à décrire les modalités de chaque variable à partir des distributions des tableaux de fréquences simples. L'étude des distributions des fréquences nous permettra d'identifier les valeurs aberrantes et variables à recoder. * L'analyse explicative Nous ferons une analyse bivariée suivie d'une analyse multivariée. - L'analyse bivariée L'analyse bivariée consistera en la mesure du degré d'association entre chaque variable indépendante et la variable dépendante à l'aide du test de khi-deux. Ceci nous permettra de rejeter ou non l'hypothèse selon laquelle les deux variables sont indépendantes par rapport au seuil de significativité retenu (1%, 5% voire 10%) afin de décrire la variation de la variable indépendante sur la variable dépendante. L'avantage de cette étape est de voir laquelle des différentes variables indépendantes contribue le plus à la variation du phénomène étudié (la fréquentation scolaire). Pour mieux appréhender les disparités régionales, nous calculerons l'Indice de Parité des Taux IPT(r/i) qui est le rapport logistique entre la proportion d'enfants non scolarisés de la région de référence sur chacune des autres régions. La formule de calcul est la suivante :
IPT (r/i) = TRr * 100- TRi TRi 100-TRr où TRr désigne la proportion d'enfants non scolarisés dans la région de référence ; TRi(2(*)) la proportion d'enfants non scolarisés dans la région i. Un IPT (r/i)>1 indique une sous- scolarisation de la région de référence par rapport à la région i. Un IPT (r/i) <1 indique le contraire. Par contre un IPT=1 signifie qu'il y a égalité de chances entre les enfants des deux régions de ne pas être scolarisé. De plus nous construirons un indicateur de mesure de l'inégalité sexuelle en matière de scolarisation qui sera le rapport logistique des taux de scolarisation. Si nous choisissons le sexe féminin comme modalité de référence, nous noterons cet Indice de Parité de Taux : IPT (g/f). Et il sera calculé grâce à la formule suivante : IPT (g/f) = Tg * 100- Tf Tf 100-Tg où Tg et Tf désignent respectivement les taux de scolarisation des garçons et des filles en %. Lorsque la valeur de l'IPT (g/f) est inférieure à 1, cela est synonyme de l'existence des inégalités en matière de scolarisation en faveur des filles. Quand la valeur de l'IPT (g/f) est égale à 1, il y a une égalité de chance entre les enfants sans distinction de sexe. Par contre lorsque l'indice de parité des taux est supérieur à 1, nous retomberons dans la situation des inégalités en faveur d'un sexe en occurrence masculin. Nous calculerons également pour des besoins de comparaison plus simple le rapport de féminité des taux de scolarisation (Rf) qui est le rapport entre les taux féminins (Tf) et masculins (Tm) de scolarisation. Ce dernier permet de mesurer le nombre de filles scolarisées pour 100 garçons scolarisés. On a Rf = (Tf/Tm)*100. Les relations éventuellement observées peuvent être fallacieuses car ne prenant pas en compte les effets des autres variables qui peuvent perturber celles-ci. C'est pourquoi dans la deuxième étape nous allons recourir à une analyse multidimensionnelle explicative intégrant les variables de contrôle retenues. - L'analyse multivariée Elle prend en compte toutes les variables dans le but de voir l'effet net de chaque variable indépendante sur la variable dépendante et d'expliquer la variation de celle-ci. Compte tenu de la nature dichotomique de la variable dépendante (fréquente, ne fréquente pas) d'une part, et qualitative ou catégorielle des variables explicatives d'autre part, nous choisirons parmi la kyrielle de méthodes d'analyse multivariée qui existe, la méthode de la régression logistique. Principe de la méthode Soit y une variable dépendante et Xk (k=1, 2, ..., n) n variables indépendantes. La nature de la variable y est dichotomique (prend la valeur 1 pour la modalité étudiée et 0 sinon). Soit P la probabilité pour que l'événement y =1 se réalise. P = proba(y=1) et donc 1- P= proba(y=0). Le modèle de régression logistique permet de mettre Z =Log [P/ (1-P)]=logit (P) sous la forme linéaire. L'équation peut se traduire ainsi : 1 P = 1+ e-(ß0 + ß1 X1 +...+ ßn Xn)
où, dans le cas qui nous intéresse : P est la probabilité d'un enfant de fréquenter l'école; ßo est la constante du modèle indiquant le niveau moyen de Z pour toutes les valeurs de Xk; ßk est le coefficient du modèle pour la variable Xk. Cette équation peut être transformée de la façon suivante : Log [P/ (1-P)] = ß0+ ß1 X1 +...+ ßn Xn = Z. Les coefficients ßk sont estimés par la méthode du maximum de vraisemblance. Et compte tenu de la non linéarité du modèle, ces paramètres sont estimés par itération. L'interprétation des résultats peut se faire par rapport aux coefficients ßk qui permettent d'obtenir les odds. Mais le plus souvent, elle se base sur les "odds ratio" ou rapports de chances (eß). Ainsi, dans les analyses qui suivent, les coefficients eß <1 (ß négatifs) indiqueront que les variables de ces coefficients ont pour effet de diminuer les probabilités de fréquenter l'école. Les coefficients eß >1 (ß positifs) indiqueront l'effet inverse, c'est-à-dire que l'on est en présence des variables qui augmentent la probabilité de fréquenter l'école. Le test de signification des paramètres se fait à partir de la probabilité critique associée. Le modèle sera significatif si cette probabilité est inférieure au seuil de signification (1%, 5%, 10%). Quant au test d'adéquation du modèle c'est - à - dire la vérification du pouvoir prédictif du modèle, on le fait à l'aide d'un pseudo R2 . Ce dernier a la même signification que R2 (coefficient de détermination dans le cas d'une régression linéaire) et varie entre 0 et 1. Plus il se rapproche de 1 plus le modèle est adéquat. Les variables seront introduites de façon cumulative et successive. Ainsi plusieurs modèles ont été générés à l'aide du logiciel SPSS sous Windows à partir de nos variables indépendantes et de contrôle sur la scolarisation des enfants. Nous aurons ainsi les effets bruts et nets de l'ensemble des variables indépendantes sur la scolarisation des enfants. Les effets bruts correspondent aux contributions de chaque variable indépendante ou de contrôle, prise isolément, sur la variable dépendante (modèle M0). Par contre, les effets nets correspondent aux différentes contributions des variables indépendantes sur la variable dépendante (modèles Mi avec i = 1). Conclusion partielle L'objet de ce chapitre était de présenter la source des données, les variables, les modèles statistiques et d'évaluer la qualité des données. L'élément essentiel à relever ici est que bien que les âges ne soient pas parfaitement déclarés, les données de l'EDST de 1996/1997 sont dans l'ensemble acceptables pour se prêter à des analyses statistiques adéquates surtout que les taux de réponses sont très élevés. Ainsi grâce à des analyses descriptives et explicatives, nous allons essayer de tester la validité de nos hypothèses et répondre aux questions qui ont suscitées la réalisation de cette étude scientifique.
CHAPITRE IV LES INÉGALITÉS RÉGIONALES EN MATIÈRE DE SCOLARISATION AU TCHAD Ce chapitre vise non seulement la mise en évidence de la répartition des enfants ciblés par cette étude selon les régions mais il permet aussi d'avoir une idée sur les variations des taux de scolarisation des enfants en fonction de certaines caractéristiques selon les régions avec un accent particulier sur les différences Nord/Sud. 1) VARIATIONS DE LA SCOLARISATION SELON LA RÉGION DE RÉSIDENCE 1.1) RÉPARTITION DES ENFANTS DE 6-14 ANS SELON LA RÉGION DE RÉSIDENCE La variable région de résidence comprend trois modalités : le Nord (6 préfectures), le Centre (3 préfectures) et le Sud (5 préfectures). La grande majorité des enfants de 6 à 14 ans (47,3%) résident au Sud du Tchad. On les trouve 24,3% au Nord, 19,4% au Centre (sans N'djaména) et 9,0% à N'djaména (tableau 4. 1.1). Tableau 4.1.1 : Répartition des enfants de 6 à 14 ans selon la région de résidence
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 NB : N'djaména la capitale fait partie de la préfecture du Chari Baguirmi donc de la région du Centre.
1.2) VARIATIONS DES TAUX DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE 6-14 ANS SELON LE DEGRÉ D'URBANISATION ET LA PRÉFECTURE DE RÉSIDENCE Avant d'évaluer les disparités régionales selon le regroupement effectué, il semble intéressant de présenter la situation selon le degré d'urbanisation et la préfecture de résidence (tableaux 4.1.2. a et 4.1.2 .b). Le taux de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans de l'échantillon est 32,6%. Par rapport au degré d'urbanisation, les taux sont supérieurs au taux national à N'djaména et dans les autres centres urbains alors qu'en milieu rural on enregistre un taux équivalent au 4/5 du taux national (tableau 4.1.2.a). Le taux de scolarisation augmente avec le degré d'urbanisation.
Sur les 15 unités administratives (tableau 4.1.2. b), sept présentent des taux de scolarisation supérieurs au taux national (32,6%). Il s'agit du BET au Nord (35,0%), de N'djaména la capitale au Centre (60,8%) et toutes les cinq préfectures du Sud avec des taux avoisinant 40%. Le Lac dans le Nord enregistre le taux le plus bas (1,3%). Tableau 4.1.2.a Taux de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans selon le degré d'urbanisation en 1996/1997
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Tableau 4.1.2.b Taux de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans selon la préfecture de résidence en 1996/1997
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 1.3) EXAMEN DE LA NON-SCOLARISATION DES ENFANTS SELON LES RÉGIONS Dans la suite du chapitre nous effectuerons presque toutes les analyses en faisant ressortir les inégalités régionales en matière de scolarisation selon les caractéristiques contextuelles, des ménages et des chefs de ménage en mettant un accent particulier sur les différences Nord/Sud. Mais avant cela nous vous présentons en préfiguration la situation globale de la non-scolarisation selon les régions du Tchad. Tableau 4.1.3 : Répartition des enfants de 6 à 14 ans par région selon la fréquentation scolaire (avec N'djaména comme région)
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Figure 4.1 Proportions d'enfants non scolarisés par région (avec N'djaména comme région) Source : traitement des données EDST de 1996/1997 La non-scolarisation varie fortement avec la région de résidence. Pendant qu'au Sud, près de 6 enfants sur 10 (56,0%) ne fréquentaient pas en 1997, au Nord 9 enfants sur 10 (90,7%) de 6 à 14 ans étaient non scolarisés. Cette proportion est de 79,1% au Centre* (sans N'djaména) et 39,2% à N'djaména. Les deux extrémités en matière de non-scolarisation des enfants sont constituées de N'djaména et du Nord. Sur le plan national, quand on prend 10 enfants âgés de 6 à 14 ans, 7 sont non scolarisés. Le Nord et le Centre* dépassent largement cette proportion nationale. La statistique de khi-deux montre que la région de résidence est significativement associée à la fréquentation scolaire au seuil de 5%. Le tableau 4.1.3 et la figure 4.1 ci-dessus présentent ces résultats avec les détails nécessaires. En ne considérant que les trois régions, on a les résultats consignés dans le tableau 4.1.4 qui donne une proportion d'enfants non scolarisés de 66,5% au Centre. Ce qui est inférieure à la proportion observée au Centre sans tenir compte de N'djaména (79,1%). Ainsi la situation de N'djaména-milieu uniquement urbain- peut occulter certains déficits au niveau de la scolarisation au Centre du Tchad. Dans tous les cas la variable région de résidence discrimine significativement les ménages en matière de scolarisation au Tchad tant au seuil de 5% que de 1%. Tableau 4.1.4 : Répartition des enfants de 6 à 14 ans dans les trois régions selon la fréquentation scolaire
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Figure 4.2 Proportions d'enfants non scolarisés dans les 3 régions Source : traitement des données EDST de 1996/1997 La figure 4.2 montre que la non-scolarisation des enfants au Tchad est très importante au Nord et au Centre et moindre au Sud. La position du Nord par rapport aux autres régions est particulièrement alarmante : presque 91% des enfants de 6 à 14 ans ne fréquentent pas effectivement en 1997 dans cette région. L'histoire de l'introduction des religions révélées au Tchad peut expliquer en partie ce déséquilibre. En effet, d'un côté la pénétration de l'islam au Tchad vers le XIIe siècle a introduit l'école coranique, de l'autre la colonisation, puis le christianisme, y ont ajouté l'école française. Si le colonisateur a été le premier à ouvrir des écoles, certaines régions (particulièrement dans la partie méridionale) ont vu leur développement avec l'arrivée des missionnaires. Ces derniers pour les besoins de la cause se sont attelés à l'oeuvre d'alphabétisation et de scolarisation en plus de leur mission d'évangélisation (RT, 1995 : 90). La population du Sud s'est beaucoup plus adaptée par rapport au changement intervenu dans le domaine de l'éducation des enfants que les autres. Par ailleurs par rapport à la sous- scolarisation des musulmans, Issa Khayar (1976) affirme que " le refus de l'école publique n'est pas un phénomène propre à un peuple déterminé du Tchad, il est commun à tous les musulmans à l'intérieur de la société tchadienne". En ce qui concerne la région du Centre, on y rencontre à la fois des musulmans, des chrétiens et des animistes avec des traditions totalement différentes. Ainsi on peut y rencontrer des adeptes de l'école moderne et des farouches opposants à cette dernière.
Il faut aussi signaler que les premières écoles furent introduites au Nord et au Centre et non au Sud. Les premières écoles crées furent celle de Mao (Kanem) en 1911, celle de Fort-Lamy (actuel N'djaména) en 1921, Abéché (Ouaddaï) en 1923, Béhagle (actuel Laï dans la Tandjilé) en 1923, Fort-Archambault (actuel Sarh dans le Moyen Chari) en 1927 et Moundou (Logone Occidental) en 1932. Tableau 4.2 : Indice de Parité de Taux de non-scolarisation des enfants de 6-14 ans des différentes régions du Tchad
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Les indices de parité de taux qui rappelons-le sont des rapports logistiques entre les taux de non-scolarisation du Nord ou du Centre et du Sud sont inférieurs à 1 donc il y a sous- scolarisation des enfants du Nord et du Centre par rapport à ceux de la région de référence à savoir le Sud (tableau 4.2). Les enfants du Nord ont par rapport à ceux du Sud 87% moins de chances d'être scolarisés (IPT(r/i) = 0,13). Les enfants du Centre ont par rapport à ceux du Sud 36% moins de chances d'être scolarisés (IPT(r/i) = 0,64). Notre souci étant beaucoup plus de comparer le Nord et le Sud du Tchad, nous utiliserons dans toutes nos analyses comme unique région de référence le Sud.
2) ANALYSE DES DISPARITÉS RÉGIONALES SELON LES CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DE L'ÉTUDE 2.1) VARIATIONS RÉGIONALES DE LA SCOLARISATION SELON LE MILIEU DE RÉSIDENCE En faisant un examen par rapport au milieu de résidence (tableau 4.3.1.a), on se rend compte que les enfants du milieu urbain sont plus scolarisés (52,9%) que leurs camarades du milieu rural (26,8%). En milieu rural, les enfants sont mieux scolarisés au Sud que dans les autres régions. En milieu urbain, ils sont mieux scolarisés au Sud (58,9%) et au Centre (54,0%) qu'au Nord (34,7%). Les écarts de taux entre le Nord et le Sud en milieu urbain (24,2) et le Nord et le Sud en milieu rural (35,6) sont particulièrement très importants alors qu'on a un écart moindre en milieu urbain entre le Centre et le Sud (4,9). Tableau 4.3.1.a : Taux de scolarisation des enfants de 6-14 ans des différentes régions du Tchad selon le milieu de résidence
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 En 1996/1997, les enfants du Nord avaient par rapport à ceux du Sud 87% moins de chances d'être scolarisés (tableau 4.3.1.b). Cette chance devient 92% de moins quand ces enfants résident au Nord rural. Cette disparité se réduit considérablement quand on procède à une comparaison entre zones urbaines. Ainsi les enfants résidant en ville au Nord du Tchad n'ont que 63% moins de chances d'être scolarisés que leurs camarades du Sud. Ce qui est nettement mieux par rapport à la situation globale. De même la chance de scolarisation des enfants du Centre par rapport à ceux du Sud qui était de 66% de moins que celle des enfants du Sud en campagne passe à 18% seulement quand ces enfants vivent en ville. Les disparités régionales sont donc plus prononcées en milieu rural qu'entre zones urbaines. Tableau 4.3.1 b : Variations des IPT(r/i) et taux de scolarisation des enfants de 6-14 ans selon le milieu de résidence
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 2.2) VARIATIONS RÉGIONALES DE LA SCOLARISATION SELON LES CARACTÉRISTIQUES DES MÉNAGES Le tableau 4.3.2.a montre que les enfants sont moins scolarisés quand il n'y a aucun enfant de moins de cinq ans dans le ménage alors que dans toutes les régions quand il y a au moins un enfant de bas âge, on observe une amélioration du niveau de scolarisation des enfants. Il montre également que les taux de scolarisation augmentent au fur et à mesure que la taille du ménage augmente dans toutes les régions du Tchad. En supposant comme l'affirme les tenants de la théorie du quality-quantity trade-off qu'un nombre élevé de personnes dans le ménage, notamment des enfants de bas âge, exerce une ponction importante sur les ressources financières du ménage, et limite par conséquent les capacités de celui-ci à investir dans la scolarisation, la relation attendue devrait être négative mais nous trouvons plutôt une relation positive entre la taille des ménages et la scolarisation des enfants dans les différentes régions du Tchad. Bien que cette relation ne soit pas encore contrôlée nous pensons qu'elle est acceptable dans le contexte tchadien puisqu'elle n'est pas totalement en désaccord avec les affirmations de certains observateurs avertis qui considèrent que les ménages de grande taille sont le plus souvent tenus par des individus nantis et reflète les stratégies de solidarités familiales matérialisables par la pratique de confiage des enfants pour des fins éducatives. Les taux de scolarisation des enfants au Tchad augmentent avec le niveau de vie des ménages. Les enfants sont d'autant mieux scolarisés que le niveau de vie de leur ménage de résidence est élevé. Alors que les différences régionales en matière de scolarisation sont moindres dans les ménages riches, les niveaux de scolarisation se différencient grandement selon les régions dans les ménages de niveau de vie faible ou moyen (4.3.2. a et 4.3.2.b). Les enfants des ménages pauvres du Nord et du Centre ont respectivement 91% et 75% moins de chances d'être scolarisés que ceux vivant dans les ménages pauvres du Sud du Tchad. La situation est meilleure chez les riches où les enfants du Centre ont 1,2 fois plus de chances d'être scolarisés que les enfants résidant au Sud. Les enfants vivant dans les ménages riches du Nord n'ont que 4% moins de chances d'être scolarisés que ceux vivant dans les ménages riches du Sud. Quand le niveau de vie est élevé, on constate que la valeur de l' IPT(r/i) est proche de 1. Ce qui suppose que les disparités régionales en matière de scolarisation s'estompent quand le niveau de vie est nettement amélioré dans toutes les régions. Les inégalités régionales de chances de scolarisation sont donc plus prononcées dans les ménages pauvres que dans les ménages riches. Tableau 4.3.2 .a : Taux de scolarisation des enfants de 6-14 ans des différentes régions du Tchad selon les caractéristiques des ménages
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Tableau 4.3.2. b : Variations des IPT(r/i) et taux de scolarisation des enfants de 6-14 ans selon le niveau de vie du ménage
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 2.3) VARIATIONS RÉGIONALES DE LA SCOLARISATION SELON LES CARACTÉRISTIQUES DES CHEFS DE MÉNAGE D'après le tableau 4.3.3.a, les chefs de ménage d'âge de pleine activité économique (30-64 ans) scolarisent davantage les enfants qui sont sous leur responsabilité que les jeunes (moins de 30 ans) et les vieux (plus de 65 ans) et ce, quelle que soit la région de résidence considérée. Cela est dû au fait que les chefs de ménage de 30-64 ans sont économiquement plus aisés que les CM de moins de 30 ans et les vieillards (plus de 65 ans). Ce sont les chefs de ménages les plus instruits qui comprennent mieux le bien fondé de la scolarisation des enfants. Ainsi c'est dans les ménages dirigés par ces derniers que les enfants sont davantage scolarisés. A niveau d'instruction égal, les chefs de ménage du Centre scolarisent davantage les enfants que ceux des autres régions. Quel que soit la région de résidence, plus de la moitié des enfants sont scolarisés quand le chef de ménage est de niveau scolaire secondaire ou plus (cf. tableaux 4.3.3.a et 4.3.3.b). Les chefs de ménage de niveau secondaire et plus scolarisent 2,5 fois plus d'enfants au Centre qu'au Sud et ceux du Nord 44,2% de moins que ceux du Sud. Alors que quand le chef de ménage est sans instruction, les enfants ont dans le Nord et le Centre respectivement 86% et 55% de chances de moins que ceux du Sud. Les inégalités régionales en matière de scolarisation sont ainsi plus criardes dans les ménages dont le chef a un niveau d'instruction bas que dans les ménages dont le chef a un niveau d'instruction élevé. En faisant un examen par rapport au sexe du chef de ménage, on arrive au constat suivant : au Nord tout comme au Centre, les enfants sont mieux scolarisés par les femmes chefs de ménage que par les hommes. Au Sud ce sont plutôt les hommes chefs de ménage qui scolarisent davantage les enfants que leurs homologues femmes. Lorsqu'on observe l'écart entre les taux, il passe de 33,1 points (en pourcentage) entre le Sud et le Nord dans les ménages dirigés par les femmes à 34,9 points entre le Sud et le Nord dans les ménages dirigés par les hommes. Au vu des IPT(r/i), on peut dire que les enfants vivant avec des femmes chefs de ménage au Nord tout comme au Centre sont mieux scolarisés que ceux vivant avec les hommes chefs de ménage par rapport aux enfants du Sud. Tableau 4.3.3.a : Taux de scolarisation des enfants de 6-14 ans des différentes régions du Tchad selon les caractéristiques des chefs de ménage
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Tableau 4.3.3. b : Variations des IPT(r/i) et taux de scolarisation des enfants de 6-14 ans selon le niveau d'instruction et sexe du CM
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 2.4) VARIATIONS RÉGIONALES DE LA SCOLARISATION SELON LES CARACTÉRISTIQUES DES ENFANTS L'examen des variations des taux de scolarisation selon les régions révèle que les garçons sont plus scolarisés que les filles dans toutes les régions du Tchad. Quant aux IPT(r/i), ils montrent principalement que les disparités régionales en matière de scolarisation sont moindres chez les filles que chez les garçons.
L'examen par rapport à la tranche d'âges des enfants montre d'une part que les 6-9 ans sont moins scolarisés que les 10-14 ans-situation explicable en partie par l'entrée tardive des enfants dans le système scolaire- quelle que soit la région de résidence. D'autre part les écarts entre les enfants de 6-9 ans et ceux de 10-14 ans sont très importants au Sud (22,5) et au Centre (6,9) qu'au Nord (1,3). Il ressort clairement au vu des IPT(r/i) que les disparités régionales sont plus visibles chez les 10-14 ans que chez les 6-9 ans. Tableau 4.3.4.a : Taux de scolarisation des différentes régions du Tchad selon le sexe et l'âge de l'enfant
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 Tableau 4.3.4. b : Variations des IPT(r/i) et taux de scolarisation selon le sexe et l'âge de l'enfant
Source : traitement des données EDST de 1996/1997
3) VARIATIONS RÉGIONALES DES INÉGALITÉS SEXUELLES EN MATIÈRE DE SCOLARISATION DES ENFANTS AU TCHAD 3.1) EXAMEN SELON LES CARACTÉRISTIQUES CONTEXTUELLES * EXAMEN DE LA SCOLARISATION DIFFÉRENTIELLE DES ENFANTS SELON LE MILIEU DE RÉSIDENCE Le tableau 4.4 présente la variation des taux de scolarisation des filles et des garçons et les IPT (g/f) par région de résidence selon le milieu de résidence au Tchad en 1996/1997. Les IPT (g/f) sont des rapports logistiques des taux de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans calculés en prenant le sexe féminin comme modalité de référence alors que les rapports de féminité des taux de scolarisation (Rf) sont des rapports simples entre les taux féminins et masculins de scolarisation.
Dans l'ensemble, la scolarisation se fait à l'avantage des garçons, quel que soit la région ou milieu de résidence. En général, les filles sont plus discriminées au Nord et au Sud du Tchad qu'au Centre. La discrimination sexuelle en matière de scolarisation atteint son niveau le plus élevé au Sud rural avec un IPT (g/f) s'approchant de 3. Vivre au Sud ou au Nord et en milieu rural expose toute fille à la plus grande possibilité de non-scolarisation observable au Tchad. Quand on est en milieu urbain, les différences régionales en matière de scolarisation différentielle des filles et des garçons se réduisent considérablement. Tableau 4.4 Taux de scolarisation des filles et des garçons de 6-14 ans et IPT (g/f) par région selon le milieu de résidence
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 * EXAMEN DE LA SCOLARISATION DIFFÉRENTIELLE DES ENFANTS SELON LA RÉGION DE RÉSIDENCE Les taux nationaux en matière de scolarisation dissimulent des disparités considérables entre les différentes régions selon leur niveau de développement socio-économique. En effet, le niveau de scolarisation d'une région dépend en partie des infrastructures d'accueil dont est dotée ladite région et de la perception par les parents de l'école. La situation observée en 1996/1997 au Tchad met en lumière ces déséquilibres. La valeur de l'IPT (g/f) est supérieure à 1 dans toutes les régions, cela est synonyme de l'existence des inégalités en matière de scolarisation en faveur des garçons. Malgré les progrès réalisés, des formes d'inégalités sexuelles perdurent. Les inégalités sont plus importantes dans la région Nord à majorité musulmane et dans la région Sud à majorité chrétienne (IPT (g/f) égal à 2,3 et 2,4 respectivement). Le risque de fréquentation scolaire des garçons de 6 à 14 ans est un peu plus du double de celui des filles dans ces deux régions. Au Centre par contre, les inégalités sont moins importantes. Les garçons courent 1,6 fois plus de risque de fréquenter que les filles. Pour 100 garçons scolarisés, on a 47 filles scolarisées au Nord, 72 au Centre et 61 au Sud. Dans l'ensemble, on enregistre 62 filles scolarisées pour 100 garçons scolarisés au Tchad en 1996/1997 (Rf = 61,8%). Tableau 4.5.1 : Variations des rapports de féminité des taux de scolarisation (Rf ) et indice de parité des taux IPT (g/f) selon la région de résidence au Tchad à l'EDS de 1996/1997
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 NB : le rapport de féminité des taux tel que défini ici est pratiquement considéré comme Indice de Parité de Taux IPT (f/g) dans certaines études portant sur la scolarisation des enfants. En prenant en compte la tranche d'âges des enfants, on a le tableau suivant Tableau 4.5.2 : Variations des taux de scolarisation des filles et garçons et indice de parité des taux IPT (g/f) selon la région de résidence au Tchad à l'EDS de 1996/1997 par tranche d'âges.
Source : traitement des données EDST de 1996/1997 La valeur de l'IPT (g/f) est supérieure à 1 dans toutes les régions, cela est synonyme de l'existence des inégalités en matière de scolarisation en faveur des garçons dans toutes les deux tranches d'âges. Les disparités régionales en matière de scolarisation selon le sexe des enfants sont plus prononcées chez les 10-14 ans (IPT(g/f) allant de 1,6 à 3,4) que chez les 6-9 ans (IPT(g/f) allant de 1,6 à 1,9) . L'IPT (g/f) est invariable au Centre par rapport aux tranches d'âges. Au Sud tout comme au Nord, il croît avec l'âge des enfants c'est-à-dire aux âges avancés (âges de nuptialité, d'activité rémunératrice et de début de fécondité), les filles ont davantage moins de chances d'être scolarisées par rapport aux garçons qu'elles ne l'étaient plus jeunes. Au Sud du Tchad, le risque d' inégalités de genre en matière de scolarisation double quand on passe du groupe d'âges 6-9 ans à 10-14 ans. Ainsi le rapport de chances des garçons de 10-14 est 3,4 fois plus élevé que celui des filles alors que ce même rapport est de 1,8 chez les 6-9 ans. Ceci s'explique en partie par la déscolarisation fréquente des filles de plus de 10 ans pour des raisons diverses. D'après MEN (2003), en se basant sur une cohorte fictive de 1000 enfants inscrits en classe de CP1 en 2000/2001 sur l'hypothèse de stabilité de taux de promotion, de redoublement et d'abandon par niveau et en acceptant trois redoublements au plus aux élèves dans le cursus, seulement 233 arrivent à finir le cycle avec diplôme pour une durée variable. Durant les neuf années d'études observées, 67,2% d'élèves ont abandonné le cursus scolaire avant d'atteindre la classe de CM1 et 44,3% ont obtenus leurs diplômes de CEPE. Comme la sortie prématurée de l'école s'observe beaucoup plus chez les filles, nous pouvons dire que les filles sont majoritaires dans l'équipe des enfants qui ont précocement abandonné l'école aggravant ainsi les écarts constatés aux jeunes âges entre les deux sexes. 3.2) EXAMEN SELON LE NIVEAU DE VIE DES MÉNAGES Dans toutes les régions, les discriminations sexuelles sont plus prononcées dans les ménages pauvres. Au Sud, elles diminuent avec le niveau de vie des ménages alors qu'au Nord et au Centre elles évoluent en dents de scie en atteignant leur maximum dans les ménages de niveau de vie faible et leur minimum dans ceux de niveau de vie moyen. Tableau 4.6 Taux de scolarisation des filles et des garçons de 6-14 ans et IPT (g/f) par région selon le niveau de vie des ménages
Source : traitement des données EDS-Tchad, 1996/1997. 3.3) EXAMEN SELON LE SEXE DU CHEF DE MÉNAGE De nombreuses études menées dans certains pays africains ont fait état d'une meilleure scolarisation des enfants vivant dans les ménages dirigés par les femmes. Nous avons voulu à cet effet examiner les taux de fréquentation des enfants selon le sexe du chef de ménage auquel ils appartiennent. Soulignons au passage que trois enfants sur vingt sont membres d'un ménage dirigé par une femme soit 15,4% alors que 84,6% d'entre eux vivent dans les ménages dirigés par les hommes. Le tableau 4.7 montre que la scolarisation des enfants est bien fonction du sexe du chef de ménage. Pendant que le risque de fréquentation scolaire des garçons de 6-14 ans vivant dans les ménages dirigés par les hommes est le double de celui des filles, ce même risque n'est que de 1,9 fois plus élevé que celui des filles dans les ménages dirigés par les femmes. Alors que les femmes scolarisent 63 filles pour 100 garçons, les hommes ne scolarisent que 62 pour 100 garçons.
On peut affirmer au vu des résultats qu'il y a plus d'égalité dans la scolarisation des enfants dans les ménages dirigés par les femmes et que globalement les hommes chefs de ménage scolarisent plus les enfants que leurs homologues femmes. Tableau 4.7 : Variations des rapports de féminité des taux de scolarisation (Rf) et des IPT (g/f) selon le sexe du chef de ménage au Tchad
Source : traitement des données EDS-Tchad, 1996/1997. En scrutant les différences régionales (tableau 4.8), on se rend compte que les femmes chefs de ménage du Nord et du centre scolarisent davantage et mieux les garçons que les filles. Cette situation peut s'expliquer d'abord par le fort taux d'analphabétisme des femmes et surtout des musulmanes du Nord. Et ensuite les femmes musulmanes des anciennes générations respectent scrupuleusement certaines règles et pratiques religieuses qui le plus souvent assignent aux femmes des rôles de second plan dans la société. Ainsi elles privilégient les garçons qu'elles considèrent comme futur protecteur au détriment des filles appelées beaucoup plus à se marier et quitter la famille. Au Sud, l'instruction et les valeurs idéologiques liées aux religions chrétiennes poussent les femmes chefs de ménage à scolariser de façon plus égalitaire les filles et les garçons. Quant aux hommes chefs de ménage, au Nord tout comme au Centre bien qu'ils scolarisent plus les garçons, ils se préoccupent un peu mieux de la scolarisation des filles que leurs homologues femmes. Les hommes chefs de ménages du Sud discriminent les filles plus que leurs homologues femmes. Ainsi les garçons vivant dans des ménages dirigés par les hommes ont 2,5 fois plus de chances d'être scolarisés que leurs consoeurs. Les inégalités sexuelles en matière de scolarisation selon les régions sont donc dépendantes du sexe du chef de ménage. Tableau 4.8 Taux de scolarisation des filles et des garçons de 6-14 ans et IPT (g/f) par région selon le sexe du chef de ménage
Source : traitement des données EDS-Tchad, 1996/1997. 3.4) EXAMEN SELON LE NIVEAU D'ÉTUDE DU CHEF DE MÉNAGE Les données du tableau 4.9 montrent en effet, que plus le chef de ménage est instruit, moins inégalitaire sera la scolarisation des enfants des deux sexes. L'indice de parité de taux est plus élevé (2,5) dans les ménages dirigés par des chefs sans instruction. Autrement dit, les garçons de 6 à 14 ans courent deux fois et demi plus de risque de fréquenter que les filles quand le chef de ménage est analphabète. Ces disparités sexuelles diminuent au fur et à mesure que le niveau d'instruction du chef de ménage augmente. Le rapport de chance de scolarisation des garçons est le double (2,1) de celui des filles chez les chefs de ménage de niveau primaire et valent à peine deux fois (1,8) dans les ménages dirigés par un chef de ménage de niveau secondaire et plus. Tableau 4.9 : Variations des taux de scolarisation des filles et des garçons de 6-14 ans et IPT (g/f) selon le niveau d'études du chef de ménage au Tchad
Source : traitement des données EDS-Tchad, 1996/1997. En prenant en compte les variations régionales, on a le tableau 4.10. Au Centre tout comme au Sud, les discriminations sexuelles diminuent au fur et à mesure que le niveau d'instruction du chef de ménage augmente. On observe plutôt le contraire au Nord où les chefs instruits discriminent plus les filles en matière de scolarisation que leurs homologues analphabètes. Cela est dû au fait que les chefs de ménage instruits du Nord investissent considérablement dans la scolarisation des garçons augmentant ainsi leur niveau de scolarisation sans pour autant chercher à augmenter celui des filles. Comme la situation des garçons a nettement évolué alors que celle des filles n'a pas beaucoup changé, cela creuse les écarts entre les deux sexes. Dans l'ensemble l'écart entre les sexes diminuent au fur et à mesure que le niveau d'instruction augmente (IPT (g/f) allant de 2,5 chez les analphabètes à 1,8 chez les chefs plus instruits en passant par 2,1 chez les chefs de ménage de niveau primaire). Tableau 4.10 : Variations régionales des taux de scolarisation des filles et des garçons de 6-14 ans et IPT (g/f) selon le niveau d'études du chef de ménage au Tchad
Source : traitement des données EDS-Tchad, 1996/1997. * 2 Le complément (100-TRi) correspond au taux de scolarisation dans la région i. |
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