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Administrer par l'écrit : le grand cartulaire de l'évêché de laon

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par Romain RIBEIRO
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II Recherche 2014
  

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131

Chapitre III

Le cartulaire : un instrument de légitimation du ministère

épiscopal

Concevoir le cartulaire comme un instrument de légitimation centripète centré sur la gestion interne d'un territoire ou l'affirmation d'une mémoire et d'une identité épiscopales est essentiel. Mais percevoir le manuscrit par son efficience sociale au sein d'un réseau donné l'est encore plus. En effet, les cartulaires sont généralement conçus lorsque l'institution concernée se sent menacée, c'est-à-dire quand les autres acteurs sociaux tendent à remettre en question son autorité et son influence. C'est notamment ce qui explique la multiplication des conflits d'ordre politique à partir du XIIe siècle, avec pour principale doctrine, pour l'Eglise, qu'idéalement le règne de Dieu devait s'accomplir sur Terre et que le clergé se devait d'administrer son domaine191.

C'est donc en ce sens qu'il possible d'étudier le cartulaire en tant que moyen de légitimation du ministère épiscopal. L'artificialité du manuscrit, du fait notamment du caractère subjectif de la compilation, permet donc d'apporter de la profondeur à l'autorité épiscopale, faisant des différents évêques de Laon les acteurs principaux d'une société laonnoise qui serait tributaire de leur domination d'origine divine. Car, effectivement, l'immense majorité des actes retranscrits sont au bénéfice des évêques, les rares où un évêque effectue une concession étant accompagnés de contreparties192, ce qui tend quelque peu à neutraliser le rapport de force. Dès lors, le cartulaire se voit marqué par un « épiscopalocentrisme » censé réévaluer le rôle des évêques de Laon et les replacer sur le devant de la scène193.

* *

*

191 GOODY Jack, La logique de l'écriture : aux origines des sociétés humaines, Paris, Armand Colin, 1986, p. 31.

192 AD Aisne, G 2, n° 18, 1266 : dans cet acte, Jean de Bruyères, maire de Laon, et les jurés de la ville, reconnaissent que l'évêque leur a abandonné moyennant une somme de 1000 livres tournois les droits forains qu'ils réclamaient sur les poireaux, choux, oignons et noix. Ainsi, pour l'évêque, la perte de droits s'accompagne alors du gain d'une somme non négligeable amortissant largement cet abandon.

193 Le vocabulaire théâtral acquiert dans ce chapitre une importance capitale, notamment dans une perspective toute goffmanienne de la société. En effet, pour Erving Goffman, toute société n'est qu'un vaste théâtre où les individus jouent un rôle défini notamment par leur position social (GOFFMAN Erving, La mise en scène de la vie quotidienne, t. 1 « La présentation de soi », Paris, Editions de Minuit, 1973 ; Les rites d'interaction, Paris, Editions de Minuit, 1974).

132

Un instrument performatif dans un processus de coopétition politique

Nous l'avons observé dans le chapitre précédent, le cartulaire s'inscrit dans le cadre d'une société conflictuelle, renvoyant alors à une vision instrumentale, sinon fonctionnaliste, de l'écriture, conçue comme une technologie qui accroitrait le rendement politique et permettrait une résolution plus efficace des conflits194. Néanmoins, tous les actes compilés ne font pas nécessairement référence à des conflits, mais plutôt à des accords conclus entre des individus ou une institution, et l'évêque, en notant toutefois le bénéficiaire principal reste ce dernier : par exemple, cette reconnaissance faite par Pierre, comte d'Alençon et de Blois, sire d'Avesne, et Jeanne, sa femme, à l'évêque de Laon que l'hommage qu'ils ont rendus à l'évêque de Paris ne pourra porter préjudice à l'évêque ni à ses successeurs195 ; ou encore cette autorisation accordée par l'évêque à l'abbaye Saint-Yved de Braine de laisser leur cheptel paître sur son domaine de Chevregny196. Ces deux exemples montrent donc bien que tout rapport social n'est pas nécessairement conflictuel, mais participe aussi d'une forme de coopération. Or c'est cette interaction permanente entre compétition et coopération qui a fait naître le concept de « coopétition », c'est-à-dire un principe de coopération parallèle à un autre de compétition. Deux seigneurs ont par exemple intérêt à coopérer afin de contrôler au mieux un certain espace, mais dès que l'un des deux empiètera sur les prérogatives de l'autre, cette coopération éclatera en morceaux pour se transformer en une situation compétitionnante latente.

Il semble donc nécessaire d'analyser le cartulaire dans le cadre d'un pluralisme juridique, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas qu'un unique corpus de normes et de règles, mais qu'à l'inverse, tout agencement se ferait selon des rapports de collaboration, de coexistence simple ou de compétition. Les représentations insisteraient alors sur la complémentarité et la réciprocité des groupes sociaux, la société n'étant qu'un assemblage de groupes différents, devant tendre à cette complémentarité. La rédaction d'un cartulaire est donc significative de cette non-uniformité du droit face à une volonté de maintenir les particularismes des différents groupes sociaux.

De plus, le XIIe siècle étant marqué par la redécouverte du droit écrit par l'Église, par le biais de la réforme grégorienne, le Grand cartulaire de l'évêché de Laon, réalisé pour l'essentiel au XIIIe siècle, s'inscrit dans la droite ligne de ce mouvement, l'évêque, en faisant le choix de compiler et de transcrire des chartes, affirmant de ce fait son autorité sur le territoire où les contenus s'appliquent. C'est ainsi que le cartulaire, nous venons de

194 MORSEL Joseph, « Ce qu'écrire veut dire au Moyen Âge. Observations préliminaires à une étude de la scripturalité médiévale », Memini. Travaux et documents de la Société des études médiévales du Québec n° 4, 2000, p. 8.

195 AD Aisne, G 2, n° 109, 1287.

196 AD Aisne, G 2, n° 84, 1250.

133

le voir plus en avant, participe à une affirmation territoriale de l'évêché et vient renforcer l'autorité de l'évêque. Ainsi, lorsque ce dernier se sent injurié, c'est-à-dire que des actions sont commises « contre son droit », comme c'est par exemple le cas lors de délits, de rapts, ou d'emprisonnements intempestifs, il répond sous forme violente ou engage un procès entraînant réparation, souvent pécuniaire - une amende -, le fautif devant s'en acquitter, ce qui permet de donner une valeur au jugement et ainsi de payer par d'autres moyens (vin, chapons, blé, avoine, droits divers...). De ce fait, lorsque les deux parties acceptent le prix, la charte est produite pour publiciser et officialiser le règlement. Or, il est tout à fait probable certaines cessions patrimoniales, dont nous ne connaissons pas nécessairement les conditions de réalisation, peuvent avoir été effectuées dans le cadre de tels règlement de conflits197. Quoi qu'il en soit, il apparaît alors que le but du conflit, et donc de la mise par écrit de son issue, est soit de voir reconnaître son droit, soit de renégocier des liens anciens dans un nouveau rapport de force, souvent l'occasion d'instrumentaliser des normes, de les redéfinir et de les hiérarchiser. Mais, la plupart du temps, et dans une perspective grégorienne, le Grand cartulaire de l'évêché de Laon cherche moins à renégocier des liens qu'à les rompre à son profit.

Toutefois, les stratégies diffèrent selon les espaces et les acteurs en question. Par exemple, l'attitude adoptée par les évêques ne sera pas la même si le rapport de force s'exprime au coeur même du territoire épiscopal ou s'il s'agit d'espaces périphériques. De même, les méthodes employées divergeront s'il s'agit d'individus ou d'institutions concurrentes ou subordonnés à l'autorité épiscopale. C'est pourquoi il est possible de distinguer dans le cartulaire un triptyque d'acteurs répondant à ce principe de coopétition : les communes implantées dans le Laonnois - présentes au sein du territoire épiscopal et dont l'existence se fonde essentiellement sur une indépendance vis-à-vis des évêques - ; les ministériaux de l'évêque - présents eux aussi, par nature, dans l'espace de domination des évêques mais subordonnés à leur autorité - ; et enfin les différents seigneurs alentours - implantés en périphérie de l'évêché et concurrents du pouvoir épiscopal.

197 AD Aisne, G 2, n° 42, 1222 : dans cet acte, Gérard de Clacy, vidame, se rédime de l'évêque Anselme de Mauny en lui cédant une rente de 5 muids de blé mesure de Laon, moyennant la somme de 60 livres provins.

134

L'évêque et les communes du paysage laonnois

Bien que la commune de Laon occupe une place centrale dans le cartulaire, les autres communes implantées au sein de l'évêché ne sont pas en reste. Cependant, leurs relations avec l'autorité épiscopale diffèrent quelque peu.

L'évêque et la commune de Laon

En effet, concernant la commune de Laon, l'acte liminaire du cartulaire semble donner le ton - il s'agit de la charte de Philippe Auguste décidant de casser la commune, analysée plus haut dans le développement. Ladite commune ayant acquis une Institution de Paix en 1128, c'est-à-dire une zone affranchie de la tutelle épiscopale, sa principale vocation au fil des années fut donc de garantir cette Paix au dépend du pouvoir des évêques de Laon. Or, cette zone délimitée se trouvant au coeur l'espace souverain des évêques, à savoir la ville de Laon, siège épiscopal de son état, elle devint rapidement un enjeu entraînant des conflits de cospatialité. De ce fait, l'institution épiscopale, à défaut d'obtenir la suppression définitive de la commune de Laon198, se chargea surtout de restreindre les prérogatives et l'autorité communales : ainsi, en 1239, Henri, archevêque de Reims, établît une sentence arbitrale réglant le mode de serment que les maires et jurés de la ville doivent effectuer devant l'évêque199, établissant ainsi un rapport hiérarchique entre l'évêque et la commune et faisant alors pencher le rapport de force en faveur de l'évêque ; de même, cet affaiblissement de la commune de la part de l'autorité épiscopale s'aperçoit lors des sentences prononcées après un conflit entre les deux institutions, comme en 1282, où Philippe III décide de condamner la commune après que les maire et jurés de la ville aient coupé l'oreille d'un voleur pris dans la censive de l'évêque, renforçant ainsi la légitimité et l'autorité de ce dernier au détriment de la commune200.

Néanmoins, selon le principe de coopétition, il arrive que les protagonistes fassent des concessions l'un envers l'autre, souvent pour clarifier une situation conflictuelle. C'est par exemple le cas concernant des reconnaissances mutuelles de droits, chargées de délimiter des droits dépendants du ressort exclusif de chacun, comme en témoigne une sentence arbitrale datée de 1283 établissant l'inaliénabilité des droits de rouage et de tonlieu de l'évêque et de la commune dans leur justice respective201. Dès lors, on s'aperçoit bel et bien du fonctionnement coopétitif des relations entre l'évêque et la

198 On dénombre 3 suppressions de la commune de Laon, toutes temporaires : 1190, 1295 et 1320. Celle-ci ne sera définitivement abolie qu'en 1331.

199 AD Aisne, G 2, n° 6, 1239.

200 AD Aisne, G 2, n° 4, 1282.

201 AD Aisne, G 2, n° 5, 1283.

135

commune de Laon, adversaires naturels mais destinés à cohabiter dans un espace commun.

L'évêque et les communes alentours

Quoi qu'il en soit, ce rapport de force reste singulier au regard des relations qu'entretiennent les évêques de Laon avec les autres communes alentours, moins influentes et plus éloignées du centre d'exercice du pouvoir. En effet, sont présentes trois autres confirmations communales au sein du cartulaire : la première concerne la commune de Bruyères, dont les habitants se voient dans l'obligation de verser une rente de 20 livres de bonne monnaie partagée entre le roi, l'évêque de Laon et Clarembaud du Bourg, ainsi que leurs successeurs et descendance202 ; la seconde confirme la commune de Crandelain203 ; la troisième et dernière est celle d'Anizy, où chaque ménage est corvéable et doit à l'évêque, outre taille et autres rentes, une redevance de 3 jalois d'avoine, de 3 chapons et d'un denier de bonne monnaie204. Ainsi, on s'aperçoit que pour deux des trois communes, la confirmation communale s'accompagne de redevances, condition sine qua non de leur maintien, contrepartie les soumettant symboliquement à l'autorité épiscopale. La troisième institution communale, bien que n'ayant pas a priori de redevance à payer - aucune information à ce sujet n'est mentionnée -, n'en reste pas moins soumise à la domination du pouvoir central du fait de l'importance relativement faible des villages concernés205.

Toutefois, il est intéressant de noter qu'Alain Saint-Denis place ces confirmations communales dans un contexte « d'ébullition » sociale206, ces chartes étant créées dans le seul but de pacifier un territoire où l'autorité épiscopale se verrait contestée. Or, ces actes ne font aucunement mention de tels bouleversements. C'est donc en ce sens que l'on perçoit la performativité du cartulaire, qui instaure une vision biaisée des choses et produit sa propre réalité, en relativisant le contexte dans lequel les chartes ont été produites et en rehaussant la figure épiscopale. Mais ce recentrage ne s'observe pas seulement au regard des relations liant l'évêque aux communes du Laonnois épiscopal, il s'opère aussi autour

202 AD Aisne, G 2, n° 7, 1180 : l'institution communale regroupe les villages de Bruyères, Chérêt, Vorges et Valebon, ancienne dépendance de Vorges aujourd'hui détruite. Elle est complétée par l'acte n° 68, qui stipule que ladite rente de 20 livres est à partager entre les trois protagonistes.

203 AD Aisne, G 2, n° 8, 1196 : l'institution communale regroupe les villages de Crandelain, Trucy, Courtecon, Malval, Colligis et Lierval.

204 AD Aisne, G 2, n° 193, 1279.

205 A titre de comparaison, le dernier recensement, datant de 2011, dénombra un total cumulé de 477 habitants pour l'ensemble des six villages mentionnés.

206 SAINT-DENIS Alain, Apogée d'une cité : Laon et le Laonnois (XIIe-XIIIe siècles), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1994, p. 378.

136

de ses ministériaux, notamment le vidame et le prévôt du Laonnois.

L'évêque et ses ministériaux

C'est au cours du Xe siècle que les évêques de Laon se sont vus imposer les vidame et prévôt du Laonnois par le pouvoir royal207. C'est pourquoi, au fil des siècles, les détenteurs de la cure épiscopale n'ont cessé de manoeuvrer pour déboulonner leurs ministériaux et dévitaliser leur pouvoir et leur influence. Leur premier fait d'arme fut l'unification à l'évêché, par Louis VI, des offices onéreux de vidame et de prévôt du Laonnois sous la condition expresse qu'ils ne seront jamais aliénés208, les plaçant ainsi sous l'autorité directe des évêques de Laon. Ainsi, si l'on observe les moyens mis en oeuvre à la concrétisation de cette politique, on remarque que celle-ci s'opère selon deux principes concomitants : la décrédibilisation politique et sociale accompagnée d'un dépouillement foncier, soit les fondements de leur pouvoir.

L'évêque et les vidames du Laonnois

Concernant la vidamie du Laonnois, si son unification à l'évêché remonte à 1125, l'évêque Barthélémy n'hésitant pas, à la mort du roi, à conférer la charge à un seigneur local, Gérard de Clacy209, il faut attendre près d'un siècle pour que cette dévitalisation soit effective, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

207 Ibid., p. 77.

208 AD Aisne, G 2, n° 29, 1125.

209 Histoire de la maison de Châtillon-sur-Marne, DUCHESNE André et PICART Jean, 1621, p. 587-588.

137

Acte

Date

Emetteur

Contenu

25

1218 (juin)

Gobert de Clacy, vidame

Vend ce qu'il possède comme vidame à Anizy, Septvaux, Pouilly et Versigny moyennant 600 livres provins

 
 

1218

Philippe Auguste

Ratifie la vente définitive des domaines d'Anizy, Pouilly, Septvaux et Versigny faite par Gobert, vidame & seigneur de Clacy, à l'évêque Anselme

 
 

1125

Louis VI

Unit à l'évêché de Laon les offices onéreux de vidame et de prévôt du Laonnois sous la condition expresse qu'ils ne seront jamais aliénés

 
 

1219 (avril)

Gobert de Clacy

Inquiété par l'évêque, avoue qu'il n'a ni command ni droit sur les commands dans les domaines épiscopaux. En outre il est émendé devant ses pairs

 
 

idem

idem

Gobert atteste que l'évêque a ajourné à Noël sa décision pour déclarer le droit qu'il aurait dans garenne du Laonnois

 
 

1218 (juillet)

idem

Cession d'usufruit faite par Gobert, vidame du Laonnois et seigneur de Clacy, à Anselme, évêque de Laon, moyennant une rente annuelle de 25 livres parisis payable au Noël dans la maison épiscopale, des revenus de sa vidamie, sous la réserve de ses sergents et de son prévôt communs entre lui et ledit évêque, de la garde des prisons et de ses redevances, et notamment de ses droits de justice et d'amende de 22 sous et demi.

 
 

idem

idem

Doit garder les prisonniers à l'aide de 4 sergents qui n'auront aucune action en dehors de la vidamie

 
 

1214

idem

Transige avec l'évêque au sujet des droits de vidamie du Laonnois pour la durée de l'épiscopat dudit évêque Robert

 
 

1219 (avril)

A., doyen ;

Helluin, archidiacre ; R., chantre église de Laon

? pairs de Gobert

Reconnaissance de la charte 25, conforme à l'aveu dudit Gobert

74

 
 

1219

(décembre)

Gobert de Clacy

Reconnaît qu'il ne peut changer son prévôt et ses 4 sergents de la vidamie sans permission de l'évêque

163

 
 

1221

Gérard de Clacy,

vidame

Approbation de la vente faite par Gobert, vidame, leur frère, à Anselme de ce qu'il possédait comme vidame à Anizy, Pouilly, Septvaux et Versigny

 
 

1221

Jacques, évêque de

Soissons

idem

 
 

1222 (mai)

Gérard de Clacy

Rédime l'évêque, moyennant 60 livres monnaie de Provins, d'une rente de 5 muids de blé mesure de Laon

 
 

1223 (janvier, vigile de Saint- Rémy & Saint- Hilaire

Chanoines de Laon

Attestent que Gérard de Clacy, cité au chapitre parce qu'il n'avait point rendu à la demande de l'évêque divers prisonniers détenus à Mons, s'est amendé

 
 

138

44

1218 (mai)

Alard, seigneur de Chimay et sa femme, Mathilde, vidamesse

Cèdent à l'évêque, la vie de ce dernier durant et celle de ladite Mathilde, leur part des extrahières et tailles de la vidamie du Laonnois, moyennant 120 livres 100 sous parisis

 
 
 

idem

Et en outre, cèdent leur part éventuelle de droits sur les garennes du

45 &

idem

 

Laonnois pour le même laps de temps

72

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Mathilde

Abandonne à l'évêque les droits d'extrahière dus à cause de la terre

46 &

1220 (février)

 

d'Herbert de Lizy, sous l'épiscopat de Robert

106

 
 
 
 
 

Alard de Chimay

Ratifie l'accord qu'il a fait avec l'évêque Anselme, par l'intermédiaire de

47 &

1218 (mai -

 

son frère, trésorier de Laon, Henri Putefins, chevalier, et Yvon Leroux,

100

lendemain de la

 

citoyen de Laon

 

Cantate)

 
 
 
 

Gobert de Clacy

Promet de ne plus porter atteinte aux droits de l'évêque et à ne plus inquiéter

48 &

1218 (juillet)

 

les vassaux de ce dernier

267

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Gobert de Clacy

Renonce à ses droits sur les garennes du Laonnois durant l'épiscopat de

49

1218

 

l'évêque Anselme

 

(novembre)

 
 
 
 

Baudouin

Promet de s'en rapporter à l'arbitrage de G. seigneur de Dercy, archidiacre de Soissons, et de Pierre Petit, chanoine de Laon, pour juger ses différents avec Guillaume, évêque. En cas de désaccord entre ces arbitres, Michel de

 

1263 (6e férie

 

La Fère, chanoine de Soissons, apportera solution définitive

71

avant la Saint-

 
 
 

Thomas, apôtre)

 
 
 
 

Gérard de Clacy

Reconnaît que sur les mandements de l'évêque, il est chargé du

81

1223

 

recouvrement des tailles et des revenus du Laonnois, même par contrainte et prise de gages qui sont gardés jusqu'à parfait paiement

 
 

1214 (février)

Alard de Chimay & Mathilde

Approuve accord fait entre Gobert, vidame du Laonnois & Robert, évêque de Laon, pour toute la durée de son épiscopat

 
 

1241 (juin)

Jean de Blois, chanoine & official de Reims

Atteste que Mathilde, mère de Gérard, vidame du Laonnois, a abandonné à Garnier, évêque de Laon, les droits qu'elle possédait à Anizy et Septvaux

 
 
 

Gérard de Clacy

Reconnaît s'être accordé avec l'évêque Garnier et avoir mis fin à des difficultés survenues entre l'élection dudit Garnier jusqu'au lendemain de la

94

1239 (juin)

 

St-Barnabé 1239, sans tirer à conséquence pour leurs droits respectifs de possession et de propriété

 
 
 

Gui, seigneur de Dercy / Pierre de

Compromis pour vider les différends opposant l'évêque Itier et Baudouin, vidame, sur le serment dû par ce dernier, ses exigences trop grandes à

95

1254 (mars)

Sens, dit Petit, chanoine de Laon

l'égard des prisonniers incarcérés à Mons-en-Lannois, ses droits dans les garennes, et sur les marchands

 
 

1230 (avril)

Gérard de Clacy

Vend, du consentement de sa Marie, sa femme, et de Mathilde la vidamesse, sa mère, à l'évêque des droits de lods et ventes, justice et cens à Laon

 
 

139

134

1244 (avril)

Louis IX

Approuve cession faite au mois d'octobre 1244 par Gérard de Clacy, vidame, à l'évêque Guillaume, de divers droits qu'il avait en cette qualité sur garennes du Laonnois

 
 

1236

Gérard de Clacy

Ratifie vente faite par Gobin Le Chat, sa mère, et Guillaume, mari de celle-ci, à l'évêque Anselme, de leurs droits de vicomté à Mons-en-Laonnois, Laniscourt, Bois-Roger et les Creuttes, sous réserve de rouage, maison, prés. Habitants de Tierret, Clacy, Mons et des villages voisins, conserveront leurs droits de pâturage.

 
 

1221

Gérard de Clacy, Jacques, évêque de Soissons, son cousin

Vidimus des cessions et ventes faites par Gobert de Clacy à Anselme, à savoir la cession viagère des revenus des domaines d'Anizy, Pouilly, Septvaux et Versigny, pour la durée de l'existence dudit évêque

142

1230 (avril)

Gérard de Clacy

Promet à l'évêque de faire ratifier par sa femme la vente de droits de cens, justice, lods et ventes à Laon

 
 
 
 
 
 

Gérard de Clacy

Accord sur ses droits dans les garennes et sur les prisonniers

145

1245 (octobre)

 
 
 
 
 
 

148

1239 (juillet -
2e férie après

Pierre de Bercenay, chanoine de Laon ;

Indiquent termes d'un accord entre évêque et ses sergents du Laonnois, d'une part, et Gérard de Clacy, vidame, pour l'attribution des droits de cour

 

division des
apôtres)

Gilles de Trucy, chevalier

des officiers de justice du Laonnois

 

1239 (juin -

 

Accord entre Gérard, vidame, et Garnier sur la jouissance du bois de

 

dimanche après

Gérard de Clacy

Ronceloi, des terrages, estrahières, gîtes, et cour dans les maisons des francs

152

fête de St-

 

sergents de l'évêque

 

Barnabé, apôtre)

 
 
 
 

Mathilde

Ratifie la vente faite par son fils Gérard à évêque Anselme, de droits de

160

1230 (avril)

 

cens, justice, ventes, rentes, et plaids

 
 
 
 
 
 

Gobert de Clacy

Reconnaît qu'il a assigné à Jean de Dercy, sur ce que lui doit l'évêque, 40

164

 
 

livres parisis en 2 termes égaux, Noël 1218 & Noël 1219, outre 40 muids

&

1218

 

de vin également en 2 termes, aux fêtes de Saint-Martin des mêmes années

266

 
 
 
 
 
 
 

217

 

Guillaume de Cepy, official de Laon

Vidimus d'une charte d'avril 1230 portant vente par Gérard de Clacy, vidame, à évêque Anselme des lods, ventes, cens & droits de justice à Laon

 
 
 
 
 
 
 

Compromis pour régler par voie d'arbitrage, leurs différends entre l'évêque

218

1219

 

Garnier et Baudouin, vidame

 
 

Tableau 8 : Tableau récapitulatif des actes émanant de ou portant sur la vidamie du

Laonnois

Ainsi, on remarque l'essentiel de ces actes portent sur une période relativement courte, essentiellement entre 1214 et les années 1220. Si les premières occurrences concernent Mathilde, vidamesse du Laonnois et veuve de Gérard II de Clacy, et Alard IV de Chimay, son époux en secondes noces, les chartes suivantes sont issues de sa descendance : Gobert II de Clacy (1218-1219), sans descendance, Gérard III de Clacy (1221-1230), son frère, Gérard IV de Clacy (1239-1245), fils de ce dernier, et Baudouin

140

(1254-1263), frère de Gérard IV210.

Or, si les actes les plus anciens ont été produits par Mathilde, ceci est surement dû au fait que ses fils étaient trop jeunes pour occuper l'office en 1214. C'est pourquoi la première mention de Gobert ne daterait que de 1218. Celui-ci mourant en 1221, à un âge surement inférieur à 25 ans, c'est donc à cette date que l'on a connaissance des premiers actes de Gérard, son frère cadet. De ce fait, il est possible d'avancer l'hypothèse que le jeune âge de ces deux vidames ait été un facteur essentiel quant à la réussite des acquisitions foncières opérées par l'évêque Anselme, contrairement à la conjecture d'Alain Saint-Denis, qui affirme que ces ventes étaient surtout dues à l'endettement cumulé des différents titulaires de la charge211.

L'évêque et les prévôts du Laonnois

Quant à la prévôté du Laonnois, les périodes et les procédés de changent guère, comme le signale le tableau ci-dessous :

29

1125

Louis VI

Unit à l'évêché de Laon les offices onéreux de vidame et de prévôt du Laonnois sous la condition expresse qu'ils ne seront jamais aliénés

 
 
 
 
 
 
 

Renonce en faveur d'Anselme à sa part des droits d'extrahière d'Herbert de

54

 

Geoffroy

Lizy

/

1219 (avril)

 
 

268

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Officiaux

Attestent qu'Enguerrand, dit Geoffroy, prévôt, se trouvant dans la chambre

57

1217 (lendemain

 

de l'évêque en son palais, a reconnu que l'évêque l'avait autorisé à remplacer

/

de la conversion

 

Renier par Robert en qualité de l'un de ses sergents libres, sans constituer

270

de St-Paul)

 

un service spécial dudit Geoffroy

 
 
 
 
 
 
 

S'amende à l'occasion de la prise de sergents libres d'Anselme, et reconnaît

58

1217 (lendemain

Geoffroy

qu'il ne peut instituer ou révoquer aucun sergent que du consentement dudit

/

de la conversion

 

évêque

147

de St-Paul)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Consent à unir son manoir de Valavergny à la prévôté du Laonnois pour

59

 

Geoffroy

n'en constituer qu'un seul fief vassal de l'évêché

/

1223 (mai)

 

Renonce à des droits de terrage qu'il réclamait dans les domaines

272

 
 

épiscopaux, et abandonne à Anselme ses droits de garenne tant que celui-ci sera évêque

 
 

210 Ibid. ; Dictionnaire de la Noblesse, AUBERT DE LA CHESNAIE DES BOIS François-Alexandre, 1774, p. 467.

211 SAINT-DENIS Alain, op. cit., p. 210.

141

60

1217

(décembre)

Albéric, archevêque de Reims

Relate une transaction intervenue entre évêque Anselme et Geoffroy. Ce dernier conservera son héritage et ses rentes, sa part des droits d'amendes consistant en 2 sous et demi sur 22 et demi, une rente de 50 livres parisis exigible à Noël ; l'évêque pourra faire remise des amendes. Cette transaction recevra son effet pendant toute la durée de l'épiscopat d'Anselme

/

257

 
 

1217

(décembre)

 

Accord entre Enguerrand, dit Geoffroy, prévôt de Laon, et l'évêque, fixant leurs droits sur les amendes

 
 

1214 (mars)

Geoffroy

Affirme s'être entendu avec l'évêque pour la fixation de sa part concernant les droits d'amendes, de tailles et d'extrahières

 
 

1257 (mai)

Simon de Valavergny

Indique l'extension de ses droits de chasse dans le Laonnois

 
 

1217

(décembre)

Geoffroy

Reconnaît que dans les amendes de 22 sous et demi, sa part est de 2 sous et demi, et qu'une rente annuelle de 50 livres lui est due par l'évêché pour sa part d'extrahière et de taille, tant que vivra l'évêque Anselme

 
 

1293 (?)

Simon de Valavergny

Vend à l'évêque, moyennant 400 livres parisis, une rente de 20 livres parisis sur la grande taille du Laonnois

 
 

1293 (janvier - lundi après fête de St-Rémy & St-Hilaire)

Simon de Valavergny ; Marguerite, sa femme

Vendent à l'évêque la moitié des amendes auxquelles ils ont droit dans les domaines épiscopaux

/

235

 
 

1301 (lundi
après

l'Épiphanie)

Jean, châtelain de Thorote, sire d'Honnecourt & chevalier

Accord au sujet de la châtellenie de Laon, de Barenton-Cel et de 20 livrées de terre parisis sur la prévôté de Valavergny qu'il revendiquait comme héritier par représentation de Gaucher de Thorote, son père, et de Robert de Thorote, évêque. Reconnaît la validité des droits de l'évêché qui solde le reliquat du prix de vente entre les mains de Clément de Choisy, mandataire dudit Jean

 
 

Tableau 9 : Tableau récapitulatif des acte émanant de ou portant sur la prévôté du

Laonnois

On remarque en effet qu'il existe une première phase de transactions répartie entre 1217 et 1223, sous la titulature d'Enguerrand, dit Geoffroy, puis sous celle de Simon II de Valavergny dans les années 1290. Or, il semble qu'ici l'hypothèse d'Alain Saint-Denis sur la vente de biens et de droits due à un endettement des prévôts du Laonnois se confirme : tout d'abord, si Geoffroy et Simon Ier de Valavergny - émetteur de la charte de 1257 - possédaient le statut de chevalier, Simon II de Valavergny, quant à lui, se définit en tant qu'écuyer212, ce qui démontre la relative déchéance sociale des titulaires de la charge, et indique dans les actes n° 208 et 211 qu'il vend ses biens et droits « pour [sa]

212 MELLEVILLE Maximilien, Dictionnaire historique du département de l'Aisne, Rééd. 1979 (Impression anastalique de l'édition de Laon, 1865), vol. 2, p. 396.

142

nécessité et dou conseil de [ses] amis », ce qui semble bien renvoyer à un endettement certain.

Dès lors, en vertu de la théorie des vases communicants, on note qu'en dévitalisant le pouvoir et l'autorité de leurs ministériaux, les évêques de Laon ont vu les leurs croître de manière inversement proportionnelle. Par le biais de ces acquisitions, c'est donc l'assise du pouvoir épiscopal qui a eu tendance à s'étendre et s'affirmer. Ainsi, c'est en renforçant sa base territoriale que les l'évêché de Laon put tendre à revendiquer et défendre ses positions périphériques, sources de conflits avec les seigneurs concurrents.

L'évêque et les seigneurs concurrents

Contrairement aux deux précédents types de rapports socio-politiques, fondés sur un principe de cospatialité, c'est-à-dire un rapport de force s'exerçant au sein d'un même espace, le rapport de force entre évêques et seigneurs locaux répond davantage à un modèle de rivalité d'interface, c'est-à-dire un rapport de force s'exerçant sur un espace de contact commun entre deux entités, une telle zone étant souvent en proie aux dissensions et aux conflits.

L'un des protagonistes les plus récurrents au sein du cartulaire demeure le seigneur de Coucy, dont la famille était l'une des plus influentes de la période213. En effet, le manuscrit contient de nombreux actes réglant des conflits entre les seigneurs de Coucy et les évêques de Laon, notamment autour du bois de Ronceloi214, parcelle de l'actuelle forêt domaniale de Saint-Gobain et zone de contact entre les deux seigneuries, à l'ouest du Laonnois. Mais il est aussi question de plusieurs ventes effectuées par Enguerrand dans plusieurs de ses fiefs, à savoir Laval, Nouvion-le-Vineux, Mainmeçon, Mailly215 - sud du Laonnois -, ainsi que de la constitution d'une rente de 200 livres parisis sur ses vinages de Crécy, Marle et Vervins - nord du Laonnois - pour se rédimer de l'évêque216. De même, il est question d'un hommage rendu par Enguerrand de Coucy à l'évêque pour sa ville teutonique de Sissone - est du Laonnois217. Dès lors, on remarque que l'étendue géographique de ces différents actes se répartie équitablement entre les quatre points cardinaux, signe que la politique épiscopale se concentre essentiellement sur le maintien et la défense d'une zone concentrique au sein de laquelle s'exerce sa souveraineté.

213 BARTHELEMY Dominique, Les deux âges de la seigneurie banale : pouvoir et société dans la terre des sires de Coucy : milieu XIe-milieu XIIIe siècle, préface de Pierre Toubert, 2e édition augmentée d'une postface, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000.

214 AD Aisne, G 2, n° 32, 63 et 175.

215 AD Aisne, G 2, n° 132, 1267.

216 AD Aisne, G 2, n° 189, 1287 ; id., n° 230, 1287

217 AD Aisne, G 2, n° 22, 1225 ; n° 150, 1225

143

Autre manifestation de conflits d'interface, ceux opposant l'évêché de Laon aux comtes de Soissons, au sujet notamment de leur frontière commune, à savoir la rivière de l'Ailette218. De fait, les chartes produites lors de ces conflits portent essentiellement sur les droits de chacun des deux seigneurs - taille, péage, amendes, pêche, vinage - ainsi que la limite en-deçà de laquelle ils prennent effet. La rivière de l'Ailette symbolise donc cette interface, source de conflits et frontière naturelle de chacune des seigneuries. De plus, il est intéressant de noter que l'immense majorité des actes faisant référence à des acquisitions foncières dans le sud de l'évêché se situent en-deçà de cette limite naturelle, preuve que les évêques de Laon avaient à coeur de renforcer leur influence sur un territoire géographiquement instable.

Toutefois, ce type de rapport de force ne se perçoit qu'avec des seigneurs dont le rang et l'autorité égalent ceux des évêques de Laon. En effet, lorsqu'il est fait mention de seigneurs de moindre rang, les relations tendent le plus souvent à être au bénéfice des évêques de Laon, qu'il s'agisse de transactions219, d'amendes honorables220 ou d'hommages221. Ainsi, on remarque le principe de coopétition qui se fait jour ici : les évêques de Laon tolèrent la présence de ces seigneurs sous condition de contreparties. Quoiqu'il en soit, la cartularisation demeure un moyen de légitimer et de conforter une situation socio-politique favorable à l'évêché, dans une période où l'institution épiscopale se sentirait menacée. Par ce biais, le cartulaire apparaîtrait comme instrument politique destiné à rehausser symboliquement la place des évêques de Laon au sein d'un centre de décision ainsi qu'à consolider leur ancrage socio-économique sur un arrière-pays en plein redécoupage222.

218 AD Aisne, G 2, n° 110, 1262 ; n° 141, 1225 ; n° 154, 1260.

219 AD Aisne, G 2, n°19 et 237, 1247 : Roger , seigneur de Rozoy, vends à l'évêque ses biens sis à Martigny, Bruyères, Montbéraut, Vorges, Chéret et Cherequel, consistant en dîmes, vinages, rentes, moyennant 1820 livres parisis payés comptant ; id., n°50, 1229 : Gérard, chevalier et seigneur de Caulaincourt, ratifie en tant que suzerain la vente faite à l'évêque par Anselme par Baudouin de Chevregny, fils d'Hellin, chevalier, et de Jeanne, sa soeur, de rentes en argent, chapons, avoine, et de droits de justice. Abandonne en outre ses droits de suzeraineté sur les biens vendus ; id., n°115, 1234 : Hector, seigneur d'Aulnois, et Cécile, sa femme vendent à l'évêque Anselme 6 muids de terres à Aulnois ainsi que des aisances de marais pour amendement de ces terres : id., n°248 et 249, 1297 : Gaucher, sire de Châtillon et connétable de Champagne, vend à l'évêque Robert de Thorote sa châtellenie de Laon ainsi que son domaine de Barenton-Cel moyennant 4000 livres petits tournois payés comptant, et mande alors à ses vassaux desdits lieux mentionnés d'obéir désormais à l'évêque.

220 AD Aisne, G 2, n° 66 et 263, 1229 : acte de Louis IX relatant un accord où Gautier, chevalier et seigneur d'Autremencourt, qui, pour avoir fait injustement la guerre à l'évêque Anselme et s'être livré à des voies de fait contre ses hommes, prêtres et clercs, avait été bannis du royaume, puis s'était avisé de revenir malgré ce bannissement et, pour ce fait, avait été incarcéré. Sorti de prison, Gautier était venu devant roi et avait promis sous caution de bien se comporter ainsi que d'abandonner sa terre à l'évêque dans le cas contraire, sans aucun recours, et de rester banni.

221 AD Aisne, G 2, n°121 et 146, 1248 : Milon, seigneur de Soupir, abandonne à l'évêque Garnier la suzeraineté de son fief de Dammarie, arrière-fief de l'évêché, attesté par jean de Juvincourt, chevalier.

222 BARTHELEMY Dominique, « Aux origines du Laonnois féodal : peuplement et fondations de seigneuries aux XIe et XIIe siècles », in Mémoires de la Fédération des sociétés d'histoire et

144

Une légitimation symbolique de l'ordonnancement traditionnel du monde

Nous venons de le voir, le cartulaire s'apparente à un instrument performatif permettant un recentrage du pouvoir épiscopal au sein de la société laonnoise, place que le ministère accordé par Dieu est censé occuper. En effet, « la parole écrite s'incarne dans une forme matérielle qui lui est propre et cesse de faire plus ou moins partie intégrante de la culture pour assumer un rôle distinct, quelques fois déterminant, doté d'une plus grande autonomie structurelle », c'est-à-dire que la finalité du cartulaire serait moins de rendre compte d'une vision du monde que de transmettre une idéologie223. Dès lors, en plaçant scripturairement les évêques au centre du jeu social imposé par la société laonnoise224, le cartulaire devient le support d'une réorganisation symbolique de l'ordonnancement traditionnel de son contexte de production.

Un usage ritualisé de l'écrit

S'il est possible de mettre en évidence le caractère performatif du cartulaire, ceci est avant tout dû à la dimension profondément ritualisée de l'écrit. Or, avant d'illustrer notre propos, il semble nécessaire de clarifier la notion de rite : pour Nicolas Offenstadt225, le rite s'apparente à des règles et cérémonies en usage, ou à tout acte répétitif, bien que n'est pas rituel tout acte de la vie sociale, les paroles, gestes ou objets en présence devant nécessairement prendre un sens autre que leur sens quotidien et focaliser l'attention individuelle et collective. C'est alors que le rite devient un instrument d'ordre social, vecteur d'autorité, ainsi qu'un marqueur identitaire, car derrière les gestes se dévoilent les structures. De la sorte, une telle mise en scène de la tradition est censée permettre le retour à l'ordre après le désordre, le consensus après la tension.

d'archéologie de l'Aisne, tome XXVI, 1981, p. 67 : ici, l'auteur avance l'idée qu'à partir de la fin du XIIe siècle se sont affirmées de multiples zones marginales du pagus épiscopal, unités micro-territoriales acquérant une consistance sociale nouvelle et s'émancipant peu à peu du pouvoir central. C'est pourquoi face à ces évolutions, s'est mis en place un encadrement plus serré du territoire, dont le cartulaire illustre les évolutions et permet d'en mesurer les effets.

223 GOODY Jack, La logique de l'écriture : aux origines des sociétés humaines, Paris, Armand Colin, 1986, p. 33.

224 Nous faisons clairement référence ici à la conception du jeu établie par Bourdieu dans Le sens pratique. En effet, pour lui, le jeu social s'apparente à l'espace où le sens pratique, c'est-à-dire la capacité des acteurs à agir et à s'orienter selon la position occupée dans l'espace social, selon la logique du champ et de la situation dans lesquels ils sont impliqués, s'exprime. Or, le cartulaire représente justement un outil permettant à l'institution épiscopale d'agir et de s'orienter au sein de la société dans laquelle elle s'insère.

225 OFFENSTADT Nicolas, « Le rite et l'histoire. Remarques introductives », Hypothèses, 1, 1997, p. 714.

145

C'est donc en ce sens qu'il est possible d'analyser le cartulaire dans sa qualité intrinsèquement ritualisée, la cartularisation étant le fait de répéter une parole consignée dans un premier écrit et l'objet cartulaire étant un objet de communication, relationnel, à l'interface avec le monde extérieur et le personnel de l'institution226, tout document représentant un objet symbolique destiné à être manipulé publiquement lorsqu'est conclu l'accord. De plus, comme nous l'avons précisé plus haut dans le développement, la confection du cartulaire fut instaurée par l'évêché dans une période où il se sentait menacé, ce qui fait écho à la définition que propose Nicolas Offenstadt du rite, à savoir qu'il est censé favoriser le retour de l'ordre après un épisode de désordre, de tension ou de conflit. Dès lors, c'est bien grâce à une analyse d'ordre anthropologique qu'il nous est possible de formuler une hypothèse concrète sur les conditions de réalisation du cartulaire, à défaut d'informations contextuelles et documentaires.

Ainsi, c'est après avoir démontré que le cartulaire répondait d'un usage ritualisé de l'écrit, qu'il nous est possible de concevoir la cartularisation, par le biais de l'écrit, comme une mise en scène de l'ordre social permettant une légitimation symbolique de l'ordonnancement traditionnel de la société médiévale.

L'écrit comme mise en scène de l'ordre social

Pour commencer, si l'on se réfère à l'analyse structurale de Lévi-Strauss, le cartulaire apparaîtrait comme une mise en avant de symboles, de constructions et de codifications symboliques, c'est-à-dire par lesquels l'idéal s'incarnerait dans des réalités matérielles et des pratiques, liées au langage - à savoir l'écrit -, l'évêché mettant en ordre une représentation du monde qui diffère de l'ordonnancement réel du monde, afin de justifier son entreprise. Le codex correspondrait alors à ce que Maurice Godelier nomme

l' « imaginaire du symbolique », ou la « représentation que les humains se font de la nature, de l'origine des choses, des êtres, réels ou irréels, qui peuplent la nature »227, c'est-à-dire le monde idéel via lequel l'évêché a distingué et ordonné les choses. De ce fait, le Grand cartulaire de l'évêché de Laon représente à la fois une production culturelle - basée sur des représentations - et sociale - correspondant aux pratiques des individus en société -, ayant pour trame principale, nous l'avons vu, les rapports socio-politiques et religieux des protagonistes, mais créant dans le même temps sa propre symbolique. Or, c'est dans cette optique que l'historiographie culturelle a renouvelé son approche des cartulaires, supports d'un langage créant sa propre réalité qui, par rapport à la réalité sociale, est une fiction qui cache cette même réalité. Ce qui induit que le discours devient alors un objet

226 JEANNE Damien, « Une "machina memorialis". Les cartulaires des léproseries de la province ecclésiastique de Rouen », Tabularia « Études », n° 12, 2012, p. 42.

227 GODELIER Maurice, Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, Albin Michel, 2007.

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d'étude pour lui-même, déconstruit et historicisé, nous permettant dès lors d'accéder à une presque réalité. D'où le nécessaire apparat critique dont doit se doter l'historien concernant l'étude de cartulaires, qui apparaissent comme des objets performatifs, c'est-à-dire créateurs de sens et de réalité, bien que cette performativité ne soit pas absolue.

Quoi qu'il en soit, l'écrit, en tant que discours construit et codifié par une série de symboles matériels, permet effectivement un réagencement symbolique de l'ordre social, car il permet de fixer un état de fait et de garantir sa probité. Par exemple, lorsqu'un acte fait mention d'un hommage effectué par un seigneur à l'évêque de Laon, c'est bel et bien sa mise par écrit qui garantit sa valeur effective, par le seul fait qu'il est plus difficile de contester un fait social lorsqu'il est consigné par écrit et corroboré par des témoins. On rejoint alors l'analyse précédente sur l'usage ritualisé de l'écrit, destiné à réordonner une situation désordonnée, c'est-à-dire ne respectant pas l'ordre qu'elle devrait suivre. De plus, l'emploi du conditionnel renvoie ici à la dimension profondément idéelle et symbolique qui entoure le processus de cartularisation, à savoir l'ordonnancement du monde tel qu'il devrait être, et non tel qu'il doit être.

L'acte n° 222 : une mise en scène de la cérémonie d'expiation après la révolte communale de 1295

De ce fait, le recours à l'écrit apparaît comme un moyen d'action sur le monde environnant. Or, afin d'illustrer au mieux notre propos, attardons-nous sur un des actes les plus significatifs du cartulaire pour ce qui concerne notre axe de réflexion : l'acte n° 222228. En effet, après la révolte des bourgeois de la ville de 1295, le pape Boniface VIII les excommunia et jeta l'interdit sur la ville229, action suivie par Philippe IV le Bel, qui décida d'abolir la commune230, bien que rétablie quelques temps après231 sous certaines conditions, qui font l'objet de l'acte n° 222. Dans cette sentence, une commission royale, composée de l'évêque de Dôle, de Guillaume de Crépy, coûtre de Saint-Quentin, de Pierre Flote et Hugues de Bonville, chevaliers, ordonne qu'aux premières fêtes solennelles, cent excommuniés, tête et pieds nus, sans cotte ni ceinture, dont les noms seront donnés au bailli du Vermandois, iraient processionnellement deux à deux derrière les porte-croix, les chanoines et les membres du clergé, depuis le bas de la montagne, de Semilly à la cathédrale ; qu'à la porte de Saint-Martin, trois d'entre eux porteraient une statut de cire du poids de 20 livres jusqu'à l'autel de la cathédrale, pour réparation des crimes commis

228 AD Aisne, G 2, n° 222, 1297.

229 AD Aisne, G 2, n° 215, 1295 : le pape chargea l'évêque de défendre aux réguliers et notamment aux cordeliers, d'ouvrir les portes de leurs églises aux excommuniés de Laon ainsi que d'enterrer les cadavres de ces derniers dans leurs cimetières.

230 AD Aisne, G 2, n° 214, 1295.

231 AD Aisne, G 2, n° 219, 1296.

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en ce lieu, à savoir le meurtre de trois hommes d'église ; qu'en outre, la commune doterait d'une rente annuelle de 30 livres tournois une chapelle fondée dans ladite cathédrale et à la collation du chapitre, et payerait une somme de 3000 livres à l'église et son trésorier, condition sine qua non pour que les chanoines prient le souverain pontife de lever l'interdit et l'excommunication dont était affublée la ville.

Ainsi, à travers cet exemple mettant en scène une cérémonie d'expiation, on s'aperçoit à quel point l'écrit est devenu un outil de coercition au service d'un appareil judiciaire, politique et religieux, destiné à assoir une domination symbolique et sociale dans un environnement compétitif. En effet, cet acte demeure avant tout un moyen permettant le rétablissement de l'ordre social après le déséquilibre provoqué par l'insurrection communale de 1295, le cartulaire participant au renforcement d'une identité communautaire ecclésiastique, et la transgression des droits de l'évêque contribuant à la fondation de sa sacralité, par l'usage de l'écriture.

Les suscriptions ou la mise en scène scripturale de la hiérarchie ecclésiastique

Mais outre la hiérarchisation des pouvoirs que tente d'instaurer le codex, c'est une autre forme de hiérarchisation qu'il tente d'ancrer : la hiérarchie spirituelle. En effet, pour Lévi-Strauss, l'alliance apparaît comme un, si ce n'est le principe constitutif de la parenté. Or, le cartulaire met clairement en évidence la parenté spirituelle qu'il peut exister entre l'évêque et les diverses institutions ecclésiastiques qui lui dépendent, ou inversement, son principe de filiation avec le Saint-Père.

Pour le premier cas, une telle hiérarchisation se perçoit dans l'ordonnancement des suscriptions lorsqu'un acte est commun à plusieurs prélats, comme l'illustre cet acte où les abbés de Saint-Vincent et de Saint-Jean de Laon ratifient une vente faite par Baudouin de Chevregny et Jeanne, sa femme, à l'évêque Anselme, de rentes en argent, chapons, avoine, et de droits de justice à Anizy, abandonnant ainsi leur droit de suzeraineté sur les biens vendus232. Ce qu'il est intéressant d'observer ici, c'est la place de chacun des abbés dans le procédé de suscription : en effet, l'abbé de Saint-Vincent est mentionné avant celui de Saint-Jean, ce qui s'explique notamment par la hiérarchie des abbayes laonnoises, celle de Saint-Vincent étant considérée comme le second siège de la ville233.

232 AD Aisne, G 2, n° 52, 1229.

233 AD Aisne, G 1, n° 110, 975.

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Mais au-delà d'une hiérarchisation horizontale, s'est bien une hiérarchie verticale qu'impose le cartulaire, comme en témoigne l'acte n° 92 où l'abbé de Prémontré déclare à l'évêque Anselme qu'en priant l'évêque de Séez234, présent en ce monastère, de bénir une chapelle, ils n'ont pas eu l'intention de se soustraire à la soumission ni à l'obéissance dues à l'évêque de Laon. Il en va de même concernant la relation unissant les évêques de Laon à la papauté, qui se fait jour lorsque les titulaires de la cure papale leur accordent des privilèges, comme par exemple le droit de nommer les bénéficiaires de leur diocèse tout en leur dispensant d'admettre les nominations provenant de la cour de Rome235.

Quoi qu'il en soit, ces trois exemples soulignent nettement une mise en scène scripturaire de l'ordre hiérarchique qu'il existe au sein de la communauté ecclésiastique, certains abbés étant supérieurs à d'autres, mais tous inférieurs à l'évêque, qui lui-même dépend du prélat suprême, le pape.

Le cartulaire en tant que catalyseur des relations socio-économiques de la société laonnoise

Toutefois, si l'on se réfère à l'analyse de Maurice Godelier, ces formes de parenté, si symboliques et artificielles soient-elles, ne sauraient produire ce ciment social, base de toute communauté, si ce n'est de toute société, qui se caractérise plutôt par des liens supra-parentaux. L'identité sociale se verrait alors davantage fondée sur des rapports politico-religieux, c'est-à-dire que les actions collectives dépasseraient et intégreraient les groupes de parenté dans un tout plus vaste - la société - qui se transformerait en même temps qu'elle se reproduirait. En effet, le cartulaire met en évidence les relations qu'entretiennent les protagonistes de la société laonnoise avec l'évêque, dans un système d'échange généralisé. Or, ces échanges peuvent être de nature économique236, vassalique237 ou encore purement foncier238. Ainsi, il apparaît que les « prestations », pour reprendre le terme qu'emploie Marcel Mauss dans son Essai sur le don, ne sont jamais individuelles, mais affectent des groupes contractants (laïques, famille châtelaine des Coucy, habitants de Vorges, l'évêque en tant que représentant institutionnel de l'Église), donnant alors lieu

234 Siège épiscopal aujourd'hui situé dans l'Orne, Basse-Normandie.

235 AD Aisne, G 2, n° 229.

236 AD Aisne, G 2, n° 15, 1269 : Louis IX accorde aux laïques la possibilité, pour le salut de leur âme, de donner ou vendre sans agrément royal aux églises les dîmes de sa mouvance, l'évêché faisant évidemment partie des bénéficiaires potentiels.

237 AD Aisne, G 2, n° 22, 1225 : Enguerrand de Coucy reconnaît qu'il est homme lige de l'évêque pour la ville teutonique de Sissonne et des fiefs relevant de Sissonne.

238 AD Aisne, G 2, n° 116, 1217 : l'évêque vend aux habitants de Vorges un champ entre leur village et Ardon, moyennant une rente solidaire de 3 muids de vinage exigible annuellement à la fête de Saint-Martin

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à des échanges cérémoniels, dont le cartulaire fait acte. Dès lors, en consignant ces prestations, le cartulaire rend compte de et favorise la bonne marche de ce système de liens et d'échanges qui, si l'on croise les analyses que proposent Marcel Mauss et Maurice Godelier, assure la reproduction de cette société.

Ainsi, en favorisant l'ancrage d'une représentation symbolique et traditionnelle de la société - « re-présentation » dans le sens où le principe de compilation consiste à présenter de nouveau un acte qui avait déjà été présenté au préalable -, et en replaçant la figure épiscopale au coeur d'un système basé sur l'interdépendance des acteurs et la hiérarchisation de leur rapport, le cartulaire se transforme en un prisme à travers lequel s'esquisse une portion représentative de la société laonnoise.

L'esquisse d'une analyse réticulaire de la société laonnoise sous le prisme du Grand cartulaire de l'évêché de Laon

Toute production documentaire tend à transmettre une représentation de la société et des individus qui la composent, axiome qu'il est possible d'affirmer au regard de l'anthropologie fonctionnaliste qui replace systématiquement les faits sociaux dans leur contexte, tout en partant de l'idée que ces faits décrits ont tous une fonction visant à assurer l'équilibre de la société et qu'ils sont en relation les uns avec les autres. Ainsi, le cartulaire n'échappe pas à la règle et peut s'étudier en tant que catalyseur d'échanges (économiques, sociaux, féodaux, religieux239) constitutifs d'un maillage familial et relationnel sur le territoire laonnois. Dès lors, il serait intéressant d'étudier plus en détail la formation de ces réseaux d'échanges que le codex nous permet de mettre en lumière, bien que cette analyse réticulaire ne soit que le fruit d'une analyse prosopographique des actes présents dans le cartulaire, c'est-à-dire qu'elle ne saurait prétendre retranscrire de manière exhaustive l'ensemble de ces réseaux240.

239 Tout échange correspondant à la recherche d'un lien moyennant contrepartie - contrepartie financière pour une vente, reconnaissance pour une relation sociale, protection et loyauté pour un serment féodo-vassalique -, intégrer l'échange religieux dans ce format n'a rien d'incongru : en effet bien le don à une église ou une chapelle puisse apparaître comme intrinsèquement désintéressé, ce dernier se voit effectué dans la perspective symbolique du salut de l'âme du donateur, participant alors à ce que Jacques CHIFFOLEAU nomme la « comptabilité de l'au-delà ». C'est pourquoi la donation pieuse rentre ici dans la catégorie des réseaux d'échanges.

240 Pour un approfondissement de l'analyse réticulaire, consulter les ouvrages suivants : LAZEGA Emmanuel, Réseaux sociaux et structures relationnelles, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 3399, 1998 ; DEGENNE Alain et FORSE Michel, Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, Paris, 1994 ; DEDIEU Jean-Pierre, « Approche de la théorie des réseaux sociaux », in Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l'ancien régime, Paris, 1998, p. 7-

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C'est pourquoi, grâce à un recensement minutieux des auteurs, témoins et bénéficiaires de chaque acte, il nous a été possible de réaliser un schéma représentatif d'une analyse réticulaire de la société laonnoise, où la figure de l'évêque est centrale241. Pour ce faire, nous avons établi un pourcentage d'occurrence pour chaque entité mentionnée, pourcentage influant sur leur proximité avec l'évêque. A noter cependant qu'ont été répertoriées ici uniquement les entités comptant au minimum 5 occurrences, dans le but notamment de faire ressortir les principales tendances constituant ces réseaux d'échanges. C'est ainsi que nous obtenons le schéma qui suit :

30. DEDIEU Jean-Pierre Dedieu et MOUTOUKIAS Zacarias, « La notion de réseau en histoire sociale : un instrument d'analyse de l'action collective », ibid. ; LEMERCIER Claire, « Analyse de réseaux et histoire », in Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, avril-juin 2005, n° 52-2, p. 88112.

241 ROSÉ Isabelle, « Modélisation et représentation graphique des réseaux de pouvoir. Approche des pratiques sociales de l'aristocratie du haut Moyen Âge, à partir de l'exemple d'Odon de Cluny († 942) », in Os medievalistas e suas fontes. Leiturascruzadas sobre a Alta Idade Média., Actes du Colloque international organisé par l'Université de São Paulo et l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Evêque de Soissons

Abbayes diocésaines

Châtelains et
maison de Coucy

Comte de Soissons

Seigneurs d'Aulnois

Archevêché de Reims

Seigneurs de Coucy

Eglise de Laon

Abbaye de Prémontré

Papauté

Gérard de Clacy

Maison de Clacy

Baudouin de Clacy

ÉVEQUE

Gobert de Clacy

Abbaye de Saint-Nicolas-aux-Bois

Commune de Laon

Roi et officiers royaux

Abbaye Saint-Jean

Abbaye Saint-Vincent

Geoffroy

Simon de Valavergny

Communes des
domaines
épiscopaux

Bailli du Vermandois

151

Figure 16 : Schéma résultant de l'analyse réticulaire de la société laonnoise

152

Dès lors, ce schéma, bien que non-exhaustif, nous aide à classifier les acteurs qui constituent la société laonnoise aux XIIe et XIIIe siècles : en effet, celle-ci se compose essentiellement d'un clergé séculier, d'un clergé régulier, d'institutions laïques, d'officiers royaux, d'officiers épiscopaux et de seigneurs laïques. Telles sont les six composantes de la société laonnoise en particulier, et de la société médiévale en générale, ce qui tend à confirmer la remarque de Pierre Chastang, qui conçoit le texte comme « un lieu privilégié d'intelligibilité de la société médiévale242 ».

°3)243.

Quoi qu'il en soit, s'il est possible de mettre en évidence un schéma du système institutionnelle de la société laonnoise, certain(e)s individus ou entités ne sont mentionnés qu'une seule et unique fois, et ne peuvent donc entrer dans cette configuration schématique. Néanmoins, les voix du passé étant particulièrement lacunaires, ne les passons pas sous silence et sachons les remettre à l'honneur, leur seule présence au sein du cartulaire étant déjà une commémoration de leur place et de leur rôle - direct(e) ou indirect(e) - dans l'histoire épiscopale. C'est pourquoi il nous a semblé nécessaire de créer une annexe où sont référencés tous les individus composant le cartulaire et ainsi la société laonnoise (cf. annexe n

De ce fait, la création d'un tel répertoire d'individus, souvent portés dans l'ombre de la recherche historique244, rend possible un relatif suivi de leur parcours, la confrontation avec d'autres sources documentaires où ils se verraient mentionnés pouvant permettre de compléter cette perspective de recherche historique, prosopographique et sociale. De plus, rien que dans le cartulaire, la place accordée aux femmes, en tant qu'acteurs sociaux, pourrait servir d'argument aux axes de recherches fondés sur le rôle socio-culturel des femmes dans la société médiévale des XIIe et XIIIe siècles. Aussi, l'analyse portée sur les noms de famille permettrait aux historiens spécialistes d'anthroponymie de réaliser des travaux de ce type sur les individus référencés ici. Les perspectives sont multiples, mais elles dépassent le cadre de notre étude, qui ne se poursuivra pas au-delà de ces mots.

242 CHASTANG Pierre, « Cartulaires, cartularisation et scripturalité médiévale : la structuration d'un nouveau champ de recherche », Cahiers de civilisation médiévale, n° 49, 2006, p. 25.

243 Une telle démarche s'inspire notamment des travaux d'Hélène Millet, une des pionnières de l'étude prosopographique, notamment dans son ouvrage Les chanoines du chapitre cathédral de Laon, 12721412 (1982), où elle parvient à retracer le parcours des chanoines du chapitre cathédrale de Laon durant la période mentionnée grâce à l'élaboration d'une base de données élaborées ; 2 ans plus tard, elle dirigea le programme Informatique et prosopographie, dont les actes furent édités en 1985 ; aujourd'hui, Hélène Millet se trouve à la tête de l'Opération Charles VI (LAMOP), base de données prosopographique en ligne (www.vif.cnrs.rr/charlesVI/) pour les personnes actives sous le règne de Charles VI (1380-1422).

244 Alain Saint-Denis, dans Apogée d'une cité..., propose bien une description prosopographique, utile et pleine de sens, mais celle-ci ne rend compte quasi-exclusivement que des puissants et de leur famille, il n'est jamais question d'individus lambda. C'est donc cet écueil que nous tentons d'éviter ici, dans une perspective complémentaire à celle d'Alain Saint-Denis.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius