E. La Réforme
1. La Pré-Réformation
Précédant la Réforme, de nombreux mouvements
de sainteté et de retour à la sainte parole de Dieu virent le
jour, mais leurs adhérents furent persécutés à
outrance. J.M. Nicole met l'accent sur les mouvements de protestation contre le
catholicisme, qui deviennent de plus en plus nombreux. L'irréligion
gagnait du terrain. Pendant près de soixante-dix ans, les papes
s'installèrent à Avignon, mais ils se
discréditèrent par leur amour de l'argent et du
luxe.33 Vinson Synan cite les Albigeois au douzième
siècle et les Vaudois au treizième siècle.34
En réalité, beaucoup des idées de Luther
sont inspirées de celles des pré-réformateurs. Bien avant
Luther et Calvin, des hommes ont oeuvré pour une réforme de
l'Église. Ils prônaient un retour à la simplicité de
l'Évangile, mettant en cause la hiérarchie de l'Église, et
s'appuyant sur l'autorité exclusive de la Bible. Pierre Valdo
(1140-1217) fut le premier
33Nicole, 124-125.
34Vinson Synan, The Holiness Pentecostal Movement
in the United States, (Grand Rapids, Michigan: William B. Eerdmans
Publishing Company, 1971), 119.
34
d'entre eux au douzième siècle en France. Riche
marchand lyonnais, il décida un jour, vers 1173, de vendre tous ses
biens au profit des pauvres et de vivre de mendicité. Il expliqua son
choix dans un triple message : (1) tout laïc peut et doit lire les
Écritures (Valdo les fit traduire en langue vulgaire) puis en tirer ses
règles de vie, (2) la vie de pauvreté totale est celle qu'a
recommandée le Christ et elle doit assurer le salut, (3) les ajouts
faits à l'Évangile, tels que bien des sacrements, le culte des
saints, le purgatoire, etc. sont inutiles à la foi.
Valdo a été écouté, faisant des
disciples nommés les « Barbes », qui ont suivi sa
démarche de pauvreté itinérante et d'apostolat dans les
rues, dès lors qu'ils ont saisi cet extraordinaire sentiment de
liberté que confère le renoncement à toute richesse. Ceci
a inquiété les prêtres car « ces pauvres hères
» prenaient leur place, les privant de leurs ouailles, et donc de leurs
ressources. L'évêque de Lyon, un moment sympathique à
Valdo, lui interdit de prêcher dans sa ville. Une tentative de recours au
pape n'aboutit pas, et le concile de Vérone prononça en 1184 leur
excommunication. Valdo et ses amis durent s'éparpiller dans les
montagnes, notamment dans le Piémont, et vivre dans la
clandestinité. Leurs difficultés les conduisirent à
radicaliser leur message, dans un sens qui annonce la Réforme. Leur
morale exigeante, leur amour du prochain et leur refus d'une Église
centralisée leur apportaient la considération de beaucoup. Les
Vaudois trouvèrent dans leur adhésion à la Réforme
en 1532 un second souffle. Ils découvrirent alors la justification
offerte par la grâce et perçue par la foi, notion que Valdo
n'avait pas prêchée et dont l'absence l'avait laissé, comme
Luther dans sa jeunesse, dans l'angoisse vis-à-vis de ses oeuvres et de
son salut.35
Au cours des quatorzième et quinzième
siècles, trois célèbres revivalistes
précéderont la future Réforme. Il s'agit de John Wycliffe
(1330-1384) en Angleterre, surnommé
« l'Etoile du matin de la Réforme
»,36 de Jean Hus (1373-1415) en Hongrie qui mourut en
35Bernard Félix, "Pierre Valdo," Revue
Évangile et Liberté 193 (2005).
35
martyr sur le bucher,37 et de Jérôme
Savonarole (1452-1498) en Italie qui fut pendu puis
brulé.38
2. La Réforme
Vint ensuite la Réforme avec Ulrich Zwingli à
Zurich (1484-1531), Martin Luther en Allemagne (1483-1546), et Jean Calvin
à Genève (1509-1564). Bien que divergeant sur certaines
doctrines, ils furent les auteurs d'un grand réveil qui secoua l'Europe
toute entière et fit trembler la papauté. La moitié de la
population française embrassa le protestantisme, ce qui amena la
contre-réforme avec ses persécutions terribles. Plus tard, les
mouvements luthérien, calviniste et anglican aboutirent à la
formation d'Églises protégées par l'État, et que
tous les citoyens d'un pays devaient intégrer. Malgré la
puissante action de Dieu à l'origine de ces mouvements, ils finirent par
tomber dans un piège séculaire, par s'installer et refuser toute
dissidence. Ils se mirent à persécuter les anabaptistes, les
mennonites, les Vaudois, et tous les nouveaux courants qui se formaient. Ces
mouvements de la Réforme finirent eux aussi par connaître le
déclin spirituel dont nous voyons les résultats aujourd'hui : le
rapprochement des réformés avec l'église catholique, le
vote récent de l'église luthérienne intronisant
l'ordination de prêtres homosexuels, etc. Les grands temples protestants
aujourd'hui vides témoignent de la dérive de ces églises
loin de Dieu.
3. La Contre-Réforme
Pendant la contre-réforme, l'église protestante fut
cruellement persécutée en France. Elle résista de toutes
ses forces et de nombreux protestants s'enfuirent, notamment en Suisse, en
Allemagne, aux Pays-Bas, puis aux États-Unis et en Afrique du Sud. Cet
exode eut
36Elgin Moyer, Wycliffe Biographical Dictionnary
of the Church (Chicago, Illinois: Moody Press, 1982), 441.
37Ibid., 200. 38Ibid., 358.
36
néanmoins une conséquence imprévue et
surprenante. L'industrie naissante étant, en France, entre les mains des
protestants, leur départ entraîna une faillite économique
durable pour la France, qui joua certainement un rôle dans la chute de la
royauté et de l'église catholique lors de la révolution
française. Toutefois, à l'époque, la cruauté de
l'église catholique et des rois de France fut sans pareille. Ceux qui
n'avaient pas pu s'exiler, et qui ne mouraient pas sur le champ par
l'épée ou la corde, étaient torturés et
écartelés, ou encore brûlés vifs ; ils
étaient jetés en prison ou envoyés aux galères ;
les enfants, même les bébés, étaient arrachés
des bras de leurs mères pour être envoyés dans des couvents
où ils étaient élevés dans la religion catholique.
Le roi envoyait ses soldats, les dragons, loger dans des familles protestantes
où, à force de brutalités y compris des viols, ils
cherchaient à faire abjurer les croyants. Malgré cela,
l'église réformée grandissait, à cause de la
persécution. En effet, beaucoup étaient troublés par ces
évènements et se convertissaient. Le contrecoup provint de la
révolution française qui amena la paix et la liberté de
culte aux protestants. Toutefois, il ne fallut pas longtemps pour que
l'église réformée commence elle aussi à
décliner. L'église du Musée du désert, d'une
capacité de 3.000 places assises, est aujourd'hui pratiquement vide,
habitée par les rats et les chauves-souris.
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