C. La Croissance et la Formation de l'Église
1. L'Église Apostolique
Après la Pentecôte, l'Évangile se
répandit rapidement car les nombreux Juifs et prosélytes qui
crurent et furent baptisés à Jérusalem le
propagèrent dans leur pays d'origine. Les Actes ne relatent qu'une
partie de cette merveilleuse progression de l'Évangile dans le monde
d'alors. Mais les autres apôtres et les nombreux disciples non
cités prirent part également à ce travail missionnaire.
Tous prêchaient la « bonne nouvelle » (Ac 8.4). Paul,
l'apôtre des gentils, eut un rôle prépondérant dans
cette avancée missionnaire et dans
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l'établissement de la saine doctrine de l'Église.
Les serviteurs qui se levèrent contribuèrent à diffuser
l'enseignement des Saintes Écritures et à consolider
l'implantation de nouvelles oeuvres. Tous ces pionniers durent néanmoins
faire face à une forte opposition et à de nombreuses
persécutions de la part des Juifs, des Romains, ainsi que des
païens et des philosophes de l'époque. Malgré cela,
l'évangélisation était basée sur l'annonce de la
Parole de vérité, appuyée par les signes, les prodiges et
les miracles du Saint-Esprit (Hé 2.4). Le baptême du Saint-Esprit
était alors la norme pour tous les croyants, et il en était de
même pour la manifestation des dons spirituels. La marche dans la
sainteté était si manifeste qu'un simple mensonge attira la ruine
d'Ananias et de Saphira (Hé 2.4). L'unité de l'Église et
l'amour fraternel véritable étaient la règle : « La
multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un coeur et qu'une
âme. Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais tout
était commun entre eux » (Ac 4.32). Ce partage volontaire de leurs
biens en temps de persécution est une preuve magnifique de
l'unité des croyants. Malgré les persécutions atroces et
constantes, et les nombreuses défaillances citées dans les
Épîtres, l'Église pouvait globalement être
qualifiée de fidèle. Au fur et à mesure des années,
l'Église, qui avait été enfantée dans la
persécution, continuait à prospérer dans cette même
persécution. Comme avec l'Israël de l'Ancien Testament, plus
l'Église était persécutée, plus elle fleurissait et
multipliait. Le sang des martyrs était alors, et a toujours
été, la semence de l'Église.
2. L'Église Primitive
Il s'agit de l'Église des martyrs. Après la
disparition des apôtres, leurs successeurs demeurèrent
fidèles dans leur foi à Jésus-Christ. Les
différentes lettres aux églises envoyées par
Clément de Rome, Polycarpe de Smyrne, Irénée ou Tertullien
garantissent la fidélité à
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l'enseignement des apôtres.17 Le martyre des
nombreux croyants témoigne aussi de leur fidélité à
Jésus-Christ.
Hélas, la doctrine et l'enseignement des apôtres
commencèrent déjà à dévier vers la fin du
deuxième siècle. Un écrit de Tertullien en 197
après J.C. condamne l'usage de baptiser les petits enfants ainsi que
celui de baptiser les morts, ce qui prouve que cela se pratiquait
déjà. Une autre modification frappante fut celle qui fit de la
Sainte Cène un acte accompli miraculeusement par un
prêtre.18 On commença aussi à parler de Marie en
termes trop élogieux. En outre, certains docteurs enseignaient le salut
par les oeuvres, et tout particulièrement par les rites
ecclésiastiques.
À cette époque, se produisit un
évènement très important qui devait impacter non seulement
l'Église primitive mais aussi toutes les dénominations à
venir : Ignace d'Antioche attribua aux évêques une autorité
et une prééminence encore inconnues dans le Nouveau Testament, ce
qui contribua au développement d'un système clérical
placé sous la domination des évêques, eux-mêmes
soumis à des « métropolites » établis sur de
vastes territoires. Ainsi, une organisation humaine, avec ses formes
religieuses stéréotypées, vint supplanter, dans les
églises autonomes, la puissance agissante du Saint-Esprit et les
prescriptions des Écritures.19 D'ailleurs, au
troisième siècle, Cyprien de Carthage employait librement le
terme d'église catholique, soulignant qu'en dehors d'elle, il n'y avait
point de salut.20
Il convient néanmoins de reconnaître que, durant
cette période, l'Église connut de grandes persécutions,
d'abord sous Trajan, puis sous Marc-Aurèle, ensuite après l'an
250
17E. H. Broadbent, L'Église ignorée,
(Nyon, Suisse : Éditions "Je sème," 1955), 8.
18Broadbent, 10.
19Ibid., 9. 20Ibid., 12.
28
sous Décius, et enfin 303 sous Dioclétien,
jusqu'à la victoire de Constantin qui apporta une paix à
l'Église.21
Elle dut également combattre de nombreuses
hérésies : le judéo-christianisme qui niait la
divinité de Jésus-Christ et prônait un salut par les
oeuvres ; le gnosticisme dont l'adepte le plus redoutable fut Marcion qui se
joignit d'abord à l'Église pour ensuite s'en séparer et
fonder sa propre église ; le montanisme du prophète Montanus qui
certes a ravivé les choses de l'Esprit, mais qui se prenait
lui-même pour le Paraclet, et qui n'acceptait comme seule autorité
que l'Esprit qui a parlé par les Écritures et qui parlait encore
par les prophètes et les prophétesses montanistes ; et enfin les
antitrinitaires.22 Jules-Marcel Nicole souligne que par ses martyrs
et ses apologistes, l'Église a remporté une victoire
complète sur la persécution et la polémique du dehors. De
plus, elle a triomphé des hérésies du dedans. Elle a
toutefois moins bien su discerner les dangers du cléricalisme et du
formalisme.23
En ce qui concerne la vie de l'Esprit, certains
théologiens ont, depuis la Réforme, attesté que les
charismes ont cessé depuis les temps apostoliques, ce qu'on a
appelé la doctrine du cessationnisme, qui pousse encore certains
à condamner la manifestation des charismes. Or, l'Histoire prouve le
contraire. Bien que nous ne connaissions pas la proportion des baptêmes
de l'Esprit à l'époque, nous pouvons affirmer que les dons
spirituels avaient encore leur place. Jacques Gloagen, dans son ouvrage «
Les charismes dans les premiers siècles de l'Église » cite
plusieurs écrits des Pères de l'Église : « Dans l'un
et l'autre cas, ils ont montré ce qu'était véritablement
la vie de l'église, signalant la place qu'y occupaient les dons
miraculeux du Saint-Esprit. »24 Il mentionne notamment une
lettre de Clément de Rome
21Jules-Marcel Nicole, Précis d'histoire de
l'Église, (Nogent-sur-Marne : Éditions de l'Institut
Biblique, 2005), 23.
22Nicole, 28-29. 23Ibid., 41.
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à l'église de Corinthe, vers l'an 95 ap. J.C.,
stipulant les dons incomparables et magnifiques du Saint-Esprit, ainsi qu'une
lettre d'Ignace d'Antioche aux Philadelphiens, vers l'an 117 ap. J.C., qui
dépeint clairement la dimension charismatique de son ministère.
Il cite également l'épître de Barnabas écrite vers
120-130 ap. J.-C., de même plusieurs écrits d'Irénée
dans la deuxième partie du deuxième siècle, ainsi que les
écrits de Tertullien et de Cyprien datant du troisième
siècle, et enfin le témoignage de Cyrille, évêque de
Jérusalem, au quatrième siècle « apportant lors de
catéchèses baptismales, un enseignement sur la conception et
l'expérience des dons spirituels à cette époque et dans
cette église. »25 En réalité, la
manifestation des charismes, y compris la glossolalie, n'a jamais cessé,
malgré certaines périodes demeurées obscures.
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