3.2.2.2. Conséquences sur les
propriétés chimiques
Les propriétés chimiques sont souvent
touchées dans les cas où on assiste à des incendies
provoquant des températures élevées dans le sol.
L'allocation ou les pertes des
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composés organiques et des éléments
nutritifs dans le sol provoquent souvent des changements des
propriétés chimiques (Wells et al., 1979). La tendance
commune associée à des feux de forêt est la perte des
nutriments du sol qui se caractérise par la volatilisation des
éléments tels que le N, le phosphore et le C. Cependant, il est
à noter que les feux, dans le cas où ils sont
contrôlés, peuvent être utilisés comme des outils
d'aménagement des forets car ils provoquent dans ce cas, une
libération d'éléments nutritifs dans le sol sous forme
d'ions inorganiques. La MO se décompose en ses éléments
constitutifs pendant la combustion (Fisher et Binkley, 2000 in Web 1).
Il est à signaler que la plupart des éléments nutritifs du
sol sont transportés hors site par l'action de vent, de ruissellement,
de lessivage et de volatilisation.
? La matière organique et le carbone
L'une des premières modifications constatées au
niveau du sol, après les incendies, est la diminution marquée de
la matière organique. Cette diminution est en fonction des niveaux de
températures atteints durant les incendies. De nombreuses
propriétés et processus chimiques survenant dans les sols
dépendent de la présence de matière organique. Non
seulement elle joue un rôle déterminant dans la chimie du sol,
mais elle affecte également les propriétés physiques et
biologiques des sols. La MO est particulièrement importante pour
l'approvisionnement des nutriments, la capacité d'échange
cationique et la rétention d'eau.
Le feu ne touche pas seulement la MO en affectant directement
sa composition chimique, mais aussi indirectement sur le taux ultérieure
de décomposition. L'ampleur des changements est
généralement liée à la gravité de
l'incendie. Les travaux effectués par Schnitzer et Hoffman (1964) ont
montré qu'à des températures moins élevées
à modérées (250 à 400°C), des changements sont
perçus au niveau des groupes fonctionnels les plus sensibles (les
groupes phénoliques et carboxyliques sont perdus). À des
températures plus élevées, la décomposition
thermique des noyaux se produit. D'autres travaux montrent que les acides
humiques sont convertis en substances alcalins insolubles contribuant à
l'humus du sol, tandis que les acides fulviques sont transformés en
polymères insolubles dans l'acide. La biomasse qui n'est pas
complètement brûlée contient à la fois des
composés de lignine solubles dans les alcalins et d'autres produits
formés par déshydratation d'hydrates de C. Ces composés
sont plus résistants à d'autres changements d'ordre chimiques et
biologiques (Knoepp et al., 2005).
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Tout incendie de forêt modifie la quantité et la
répartition de C dans le sol (Wells et al., 1979). La
quantité de C perdue dépendra de plusieurs facteurs y compris
l'intensité du feu, la quantité et la répartition de la MO
à la surface du sol, du taux de décomposition résiduelle
de la MO après feu etc. Les variations en quantité de la MO et du
C (surtout organique), suite au passage des feux au niveau du sol, sont
considérées comme étant semblable car le C (organique) est
l'un des principaux constituants de la matière organique. Les pertes
sont surtout accentuées lorsque les feux sont localisés sur une
petite surface pendant une longue période car cela favorise le transfert
de chaleur en profondeur du sol (Neary et al, 1999).
Le type de végétation, la structure et
l'âge du peuplement sont aussi des variables qui entrent en jeu lors de
l'évaluation des pertes en C dans le sol forestier. Dans les peuplements
s'approchant du stade climax, les débris provenant des arbres jouent le
rôle de combustibles pour les feux. À cela s'ajoute la
mortalité des arbres âgés, qui deviennent partie importante
dans le cycle de C dans le sol, et contribue à des pertes importantes de
C dans ces écosystèmes. Ross et al. (1997) ont
constaté qu'il y a une diminution de la quantité du C total et de
C extractible par le sulfate de potassium dans le sol après 1,5 à
2,5 ans à la date de passage du feu. Des études ont montré
que même dans une période prolongée après le passage
des feux, la quantité de C reste inferieure dans les sites
incendiés par rapport à ceux qui n'ont pas été
touchés par le feu. Ceci était vrai pour toutes les composantes
du C étudiées par Sands (1983), qui a constaté que la
quantité du C organique total, du C extractible, des acides humiques et
des carbohydrates pour les sites brûlés était toujours
inférieure à celle des sites non incendiés à
côté, même après une période de 24 ans.
? L'azote
L'azote est l'élément le plus susceptible de
limiter la croissance des arbres dans les forêts et d'autres
écosystèmes naturels, et en raison de cette limitation
inhérente, ses pertes importantes lors des incendies pourraient nuire
à la productivité de nombreux écosystèmes
forestiers à long terme. En particulier, si les mécanismes de
réapprovisionnement en N ne sont pas prévues lors de la gestion
après feu. Les feux d'intensité modérée voire
élevée conduisent souvent à la conversion de la plus
grande partie d'N organique en formes inorganiques. Les formes ammoniac
(N-NH4+) et nitrates
(N-NO3 -) sont souvent celles qui dérivent de la
combustion ainsi que la conversion de N-organique. La teneur totale en N
après l'incendie évolue comme résultat de compensation
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entre une baisse de N en raison de volatilisation et une
augmentation provenant d'incorporation des composés contenant N dans les
cendres déposées. Ainsi, N-NH4+ qui
-
est un produit direct de la combustion et N-NO3 qui en
résulte par nitrification qui a lieu
quelques semaines voire mois après le feu, sont souvent
perdus par volatilisation (Covington et Sacket, 1992).
y' Le phosphore
Il a été signalé que le phosphore (P)
joue un rôle limitant dans certains écosystèmes forestiers
et dont les carences sont très susceptibles d'apparaître dans les
sols fixateurs de P. Le feu peut provoquer la libération de phosphore
inorganique dans la MO du sol. Toutefois, l'effet d'un feu sur la
disponibilité du phosphore dans le sol est complexe et cette
disponibilité pourrait être diminuée par adsorption sur les
surfaces d'oxyde hydraté de fer ou d'aluminium nouvellement
exposées ou créés. La disponibilité du phosphore
peut être également augmentée par la combustion et la
dégradation partielle de la MO qui conduisent à une augmentation
du pH, ce qui provoque la désorption de Fe et Al à partir des
surfaces des oxydes hydratés. L'assimilation (par les plantes) et la
disponibilité du phosphore sont aussi fortement dépendantes de
l'interrelation entre les mycorhizes et la MO qui sont touchées lors du
passage des feux, plutôt qu'elles se fassent par la simple absorption
à partir de la solution du sol.
y' Le pH
Le pH du sol est une mesure importante qui consiste à
l'évaluation de la disponibilité potentielle de nutriments
bénéfiques et des éléments toxiques pour les
plantes. Il renseigne sur l'acidité du sol et aussi sur l'état du
complexe absorbant. Généralement le pH des sols (surtout non
calcaires) a tendance d'augmenter après le passage des feux, quoique
éphémèrement, en raison de la libération des
cations alcalins (Ca2+, Mg2+, K+,
Na+) liés à la MO (Certini, 2005). La grandeur et la
durée de ce changement dépend de la quantité et du contenu
de base pour les cendres, de texture du sol, et de teneur en MO du sol
(Pritchett et Fisher, 1987). Les cations basiques contenus dans les cendres
peuvent faire augmenter le pH à la surface du sol jusqu'à trois
fois le pH initial, et donc modifier fondamentalement plusieurs
réactions d'altération chimique (Ulery et Graham, 1993). Les
études effectuées par Wells et al. (1979) ont
montré aussi que la combustion affecte les propriétés
chimiques des sols en convertissant la matière organique, notamment les
résidus dans la litière en cendres qui sont lessivées lors
des
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pluies vers le bas, modifiant donc le pH et la concentration
du sol en solutés. Il est signaler que la température diminue
avec la profondeur du sol, donc la modification du pH est plus importante
à la surface qu'en profondeur. Les études ont montré que
le pH tend à évoluer vers les niveaux pré-incendies au
cours du temps en raison du lessivage et de l'absorption des
éléments contenus dans les cendres (Wodmansee et Wallach, 1981).
Ceci est vrai surtout pour les cas des feux d'intensités faibles
à modérées.
? La CEC et les bases échangeables
La CEC peut diminuer après le passage des feux et
rester faible pendant au moins un an après un incendie car la
matière organique, qui fournit une grande surface pour les
réactions chimiques au niveau du sol, est consommée (Saint-John
et Rundel, 1976).
Même si la CEC diminue souvent après les
incendies, quelques éléments nutritifs restent disponibles pour
les plantes et dans certains cas, ils augmentent. Ceci est le cas des
éléments tels que le potassium, le sodium, le calcium et le
magnésium qui sont trouvés dans les cendres
déposées suites au passage des feux. Ces éléments
sont rarement déficients dans de nombreux écosystèmes et
ceci en plus de leurs seuils de températures élevés,
contribuent à la saturation en bases, ce qui augmente souvent le pH du
sol.
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