3.2.2.1. Conséquences sur les
propriétés physiques
Les propriétés physiques du sol sont des
caractéristiques, des processus, ou des réactions d'un sol qui
sont causées par des forces physiques. Ces propriétés
physiques influencent la composante minérale du sol et la façon
dont elle interagit avec les deux autres composantes (chimiques et
biologiques). Les plantes dépendent des caractéristiques
physiques des sols comme support pour leur croissance et
développement.
Généralement, la plupart des incendies ne
dégagent pas suffisamment de chaleur au niveau du sol pour provoquer des
changements importants aux propriétés physiques du sol
(Hungerford et al., 1990). Cependant, les petites modifications de ces
propriétés
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peuvent avoir des implications importantes sur les autres
propriétés (chimiques et biologiques) et par conséquent
sur le fonctionnement du système du sol. L'ampleur des modifications des
propriétés physiques dépend largement de la gravité
d'un incendie dont les effets sont généralement liés
à la perte de la MO qui joue un rôle important dans le maintien de
la structure du sol.
Parmi les propriétés physiques du sol
touchées par les incendies, on cite la couleur, la texture, la
structure, la densité apparente, la porosité, la teneur en
argiles et la teneur en eau du sol. Les effets sur ces propriétés
varient considérablement selon la durée, la
sévérité et la fréquence des incendies. Les seuils
critiques de température pour quelques propriétés figurent
dans le Tableau 1. Généralement, il n'y a pas de
changement significatif sur ces propriétés (ex. le quartz, qui
contribue à la texture du sol, a un seuil de température
d'environ 1400°C (Tableau 1) car dans la plupart des cas
le sol ne se chauffe pas de façon importante. Même là
où les incendies n'entraînent des changements directs aux
propriétés physiques du sol, leurs effets indirects sur
l'hydrologie et l'érosion du sol ne vont que varier en fonction de
l'état du sol, de la topographie et du climat (Hungerford et al.,
1990).
Tableau 1 : Les seuils critiques de
température pour les caractéristiques physiques du sol (Source
: USDA Forest Service, 2005)
Caractéristique du sol Seuil de température
(°C) Source
Mouillabilité 250 DeBano et Krammes,
1986
|
Structure 300 DeBano, 1990
Formation de calcite 300-500 Iglesias et
al., 1997
Argiles 460-980 DeBano, 1990
Calcaire (quartz) 1414 Lide, 2001
? La couleur
L'apparence du sol forestier suite à des feux peut
aider à évaluer la quantité de chaleur rayonnée en
profondeur durant l'incendie et, par extension, de la gravité de l'effet
d'un feu sur le sol (Wells et al., 1979). La couleur du sol est une
bonne indication de la quantité et de l'état des résidus
organiques qui restent après le feu. La MO légèrement
décomposée sera d'une couleur brunâtre, tandis que la MO
décomposée de manière plus approfondie sera noire (Fisher
et Binkley, 2000). Dans les zones avec peu ou pas de MO résiduelle
post-incendie, le sol peut apparaître gris, blanc, ou rouge, selon le
type de roche
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à partir de laquelle le sol est dérivé et
les températures atteintes lors d'un incendie. Les feux de faibles
intensités ne consomment qu'une petite portion de la litière et
la MO à la surface du sol, ce qui se caractérise par le
noircissement du sol. Dans le cas des feux à intensités
modérées et importantes, le sol apparaitrait soit grisâtre
(ou blanchâtre) soit brunâtre (ou rougeâtre) en fonction de
la roche mère parente à partir de laquelle le sol était
dérivé. Ceci est dû à la consommation quasi totale
de la MO ce qui fait apparaitre la fraction minérale du sol (Web 2).
V' La texture et la
minéralogie
Les composants de la texture du sol (sable, limon et argile)
ont des seuils de température élevés et
généralement ne sont pas touchés par le feu, sauf s'ils
sont soumis à des températures élevées à la
surface du sol minéral (Neary et al., 2005). Pour les sols
incendiés, la texture devient généralement
grossière en raison de la diminution des argiles. Les feux intenses
peuvent altérer de façon permanente la texture du sol par
l'agrégation des particules d'argile en particules, ayant la taille du
sable stables. La fraction de texture le plus sensible est celle d'argiles, qui
commence à changer à des températures d'environ 400°C
(Tableau 1) lorsque la structure d'argiles commence à
s'effondrer. À des températures de 700 à 800°C, il
y'a la destruction complète de la structure interne des argiles. Le
sable et le limon, généralement à base du quartz, ont un
point de fusion d'environ 1 414°C (Tableau 1) qui est
rarement atteint lors des incendies, donc ils restent souvent intacts (Ulery et
Graham, 1993; Neary et al., 2005). Il est à signaler que
l'effet de température sur la stabilité des argiles est
atténué par la concentration des argiles dans les horizons B du
sol. Dans certains cas, l'augmentation de la propriété
grossière des argiles peut néanmoins rendre les sols plus
perméables à l'air et à l'eau (Chandler et al.,
1983).
V' La structure
D'après Neary et al. (1999), la structure du
sol est dégradée suite à des incendies d'intensités
modérées voire importantes. Les feux ont tendances d'exposer le
sol minéral et l'impact des gouttes d'eau lors des précipitations
sur le sol nu, pauvre en MO, conduit à la dispersion des agrégats
et à la fermeture des pores, et par conséquent la diminution de
la porosité. On assiste souvent à la formation d'une couche
discrète ou continue imperméable, parallèle à la
surface du sol et qui n'excède rarement 6 - 8 cm de profondeur. Ceci
diminue l'infiltration et conduit à une accentuation des processus de
ruissellement lors des pluies et par conséquent l'érosion du sol.
Les feux peuvent
24
également avoir d'effets néfastes sur la
structure du sol car lors de combustion, il y a une grande perte de la MO qui
relie les particules du sol en agrégats.
V' La densité apparente et la
porosité
La densité apparente est le rapport de la masse du sol
sec au volume frais et elle est en relation avec la porosité qui est le
volume des vides dans le sol (micropores + macropores), ce qui permet de
refléter la capacité du sol à fonctionner pour le soutien
structurel, le mouvement de l'eau et de solutés, et l'aération du
sol. Dans les sols bien structurés, il y a une
prépondérance des macropores et des micropores, ce qui permet
à la fois la circulation rapide de l'eau et de l'air dans les
macropores, et la rétention de l'eau par capillarité dans les
micropores.
Le feu et le chauffage du sol peuvent conduire à la
destruction de la structure du sol, affectant à la fois la
porosité totale (microporosité + macroporosité) et la
distribution des pores dans les horizons de surface d'un sol (DeBano et
al, 1998). Les changements au niveau de la MO provoquent une diminution
à la fois de la porosité totale et de la taille des pores. La
densité apparente augmente généralement en raison de
l'effondrement des agrégats et le colmatage des vides par les cendres et
les minéraux argileux dispersés (Certini, 2005). La perte de
macropores dans le sol de surface réduit les taux d'infiltration et
produit le ruissellement. La modification de la MO peut aussi conduire à
une condition du sol hydrofuge qui diminue encore les taux d'infiltration.
V' La capacité de stockage de l'eau et la
rétention en eau
L'eau est retenue dans les pores du sol par
capillarité. Plus la taille des pores est petite, plus la
capacité de rétention d'eau est importante. Les petites tailles
de pores des matières inorganiques du sol à taille argileuse ont
une grande capacité de rétention d'eau par unité de volume
et en conséquence, permet la rétention de quantités
importantes d'eau nécessaires pour la croissance des plantes. La MO
relie des particules minérales du sol ce qui constitue des
agrégats ayant des micropores qui favorisent la rétention d'eau
et qui améliorent la structure du sol donc sa perte lors des incendies a
un effet négatif sur la rétention d'eau par le sol.
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