2.2. Critère de choix de la variable instrument
Il est question ici de définir tout d'abord ce qu'est
un instrument de politique monétaire et ensuite nous mettons en exergue
quelques critères de sélection de la variable instrument. Cette
partie nous permet de comprendre pourquoi une Banque centrale
préfère retenir telle instrument au lieu de telle autre.
2.2.1. Définition
Plusieurs auteurs ont défini ce qu'est une variable
instrument. Cependant la définition qui retient l'attention est celle de
McCallum (1997). Pour lui, les variables instruments sont des
éléments que les Banques centrales manipulent plus ou moins
directement sur une base journalière ou hebdomadaire dans leur tentative
d'atteindre des cibles spécifiées.
Ainsi après avoir compris ce qu'est une variable
instrument, il est donc intéressant d'apporter quelques
précisions sur les critères de choix des instruments.
2.2.2. Critères de sélection de la variable
instrument
Trois critères de sélection peuvent être
avancés selon la littérature économique (Pollin, 2008).
D'abord, la variable retenue doit être proche du champ d'action directe
des instruments de politique monétaire. Ensuite, la fréquence de
son observation, c'est-à-dire la disponibilité de données
fiables, doit être supérieure à celle des objectifs finals.
Enfin, il faut qu'elle soit solidement reliée aux objectifs finals de
politique par des relations statistiques stables, permettant aux
autorités de connaître les répercussions d'un changement de
cible sur les objectifs finals.
Ces critères donnent lieu à des arbitrages
(McCallum, 1997). Par exemple, des agrégats monétaires larges
(M2, M3 voire M4) ou des agrégats de crédit satisfont mieux au
troisième critère, tandis que la masse monétaire (M1) au
sens étroit répond mieux aux deux premiers critères. Il
convient alors de sélectionner la variable qui peut au mieux stabiliser
les variables objectifs finals de politique, en filtrant efficacement l'impact
des chocs aléatoires qui affectent l'économie. Ainsi, par rapport
à un objectif de stabilisation du revenu réel, le contrôle
de la masse monétaire assure une meilleure protection face aux chocs
d'origine réelle. En revanche, le contrôle du taux
d'intérêt filtre plus efficacement les perturbations d'origine
monétaire.
Si les perturbations d'origine réelle sont
prédominantes, le contrôle de la masse monétaire
représente une solution efficace. Le taux d'intérêt devient
par contre une cible intermédiaire d'autant plus fiable que les chocs
monétaires sont importants. La conjoncture économique des
années 60 et 70 était caractérisée par des chocs
réels relativement plus importants que les chocs monétaires. Elle
était donc plus favorable à l'emploi de la masse monétaire
comme cible intermédiaire de politique. Cette situation semble,
cependant, avoir changé pendant les années 80 marquées par
des chocs monétaires beaucoup plus importants. Ces chocs sont
liés au processus de dérèglementation et d'innovations
financières qui ont, dans plusieurs pays, fondamentalement
altéré les comportements en matière de demande de
monnaie.
Bien qu'un certain nombre substantiel d'économistes
académiques ait favorisé l'utilisation de l'instrument base
monétaire ou un agrégat de réserve, presque toutes les
Banques centrales actuelles utilisent un taux d'intérêt à
court terme (Black, Macklem, Rose, 1997 ; Taylor, 1999 ;
Couppey-Soubeyran et alii., 2014, 2015). Ce qui apparait conforme aux
caractéristiques réelles de la politique monétaire
moderne. L'instrument privilégié par les Banques centrales des
pays industrialisés est un taux d'intérêt à court
terme. Cette idée va à l'encontre de celle de Sargent et Wallace
(1979) qui estiment que le niveau des prix de l'économie serait
indéterminé si la Banque centrale devait utiliser un taux
d'intérêt comme instrument. D'ailleurs, pour eux, il n'y a pas de
règle s'appuyant sur un taux d'intérêt avec un niveau des
prix déterminé. Pour Poole (1970), la masse monétaire est
préférable en tant qu'instrument si la demande de monnaie est
relativement stable ou si les chocs sur la demande de monnaie sont positivement
corrélés avec ceux de la demande de biens. Friedman (1975)
considère cette comparaison comme étant fauchée si l'on
considère le taux d'intérêt et la masse monétaire
comme des instruments directs de la politique monétaire.
À cette approbation de la masse monétaire comme
étant le meilleur instrument de la politique monétaire s'oppose
des auteurs comme Goodhart (1994) qui penche pour le taux
d'intérêt. Il affirme que si la Banque centrale essaie d'avoir un
système de contrôle de la base monétaire, elle
échouera car cela lui est impossible. Aussi, l'emploi de la base
monétaire comme instrument entrainerait plus de variabilité du
taux d'intérêt à court terme et les institutions
financières avec lesquelles travaillent les Banques centrales
n'apprécient pas cette variabilité du taux
d'intérêt. Pour McCallum (1997), deux raisons conduisent les
Banques centrales à retenir le taux d'intérêt comme
instrument de la politique monétaire. Ainsi, la première raison
est d'avoir des croyances concernant la possible instabilité de
l'instrument et la seconde raison est le rôle de prêteur en dernier
ressort que joue la Banque centrale et qui lui permet de prévenir des
crises financières qui impliquent une large hausse de la demande de base
monétaire. Pour Creel et Sterdyniak (1999), l'agrégat
monétaire n'a plus de poids du fait des innovations financières
qui font perdre tout sens à un objectif en termes d'agrégat
monétaire. On note donc une disparition de la transparence et de la
contrôlabilité de la politique monétaire (cas de
l'Allemagne avec le contrôle de M3 par la Bundesbank).
Il convient donc de conclure avec Taylor (1999) qu'utiliser
une règle s'appuyant sur un taux d'intérêt n'élimine
pas le concept d'offre et de demande de monnaie ; elle rend tout simplement la
monnaie endogène. Pour Taylor, la connexion entre les règles
d'offre de monnaies et des règles de taux peut être utile. En
période d'inflation très élevée ou négative,
les règles de taux d'intérêt perdent de leur utilité
parce que les anticipations d'inflation changent et sont difficiles à
mesurer.
Ces critères ont permis de comprendre pourquoi le taux
d'intérêt est un instrument privilégié des Banques
centrales. Ainsi, il sera par la suite présenter la fonction de perte de
la Banque centrale.
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