Section 2 : La
transparence intermédiaire comme moyen de restaurer la
crédibilité des Banques centrales
Au regard de la discrétion absolue, source
d'incohérence temporelle et génératrice d'un
surcroît d'inflation, et de l'application rigide d'une règle
monétaire, la transparence intermédiaire apparaît alors
comme une « solution de secours »la plus à
même de restaurer relativement rapidement la crédibilité de
la politique monétaire et de contenir efficacement les tensions
inflationnistes (Svensson, 2003 ; Pollin, 2005, 2008 ; Lucotte,
2012).
La restauration de la crédibilité trouve son
ingrédient dans le modèle fondé sur le triptyque
indépendance-transparence-responsabilité (ITR) qui s'est
largement imposé comme le modèle de référence pour
la gouvernance des Banques centrales (Couppey-Soubeyran, 2011). Leur autonomie
y va de pairavec des exigences de concilier transparence et
responsabilitédémocratique lorsque l'économie est en
présence des chocs asymétriques. Le maintien de la
stabilité des prix doit rester la missionfondamentale de la politique
monétaire. La stabilisation conjoncturelle enest aussi un objectif
capital. Les autorités monétaires ne cherchent pas
àatteindre la cible d'inflation dans le court terme, mais à
moyen-long terme,ce qui revient à lisser l'évolution de
l'activité économique. La Banque centrale doit alors adopter un
niveau intermédiaire de transparence pour faire preuve de
responsabilité. La responsabilité de la politique
monétaire implique une flexibilité pour réagir aux chocs
asymétriques qui affecte l'économie (Cruijsen et al., 2006 ;
Hoogduin et al., 2008). D'où le terme de « discrétion
contrainte » employé par Bernanke et Mishkin (1997) pour
caractériser le ciblage d'inflation, qui constitue pour ces auteurs une
position intermédiaire entre la discrétion absolue, source
d'incohérence temporelle et génératrice d'un surcroit
d'inflation, et l'application rigide d'une règle monétaire.
En effet, Bernanke et Mishkin (1997) et Bernanke (2003)
indiquent que
l'aspect « contrainte » est lié
à l'engagement en faveur d'une inflation basse, engagement quipermet
d'ancrer les anticipations des agents privés tandis que
l'aspect « discrétion » recouvre
la liberté opérationnelle dont jouit la Banque centrale et la
possibilité qu'elle a de mener à bien ses taches de stabilisation
réelle. Lacontrainte n'étant plus ici représentée
par la règle de politique monétaire que la Banquecentrale s'est
fixée, mais simplement par la cible d'inflation qu'elle s'est
engagée à atteindre à un horizon
prédéterminé (Svensson, 1999 ; Heikensten, 1999 ;
Goodhart, 2001 ; Pollin, 2005).
De même, selon Cukierman (2001, 2005, 2007), en gardant
confidentielle l'écart de production et les signaux concernant de
sévères problèmes du système financier, la Banque
centrale s'assure d'un avantage stratégique vis-à-vis des agents
privés et ce conduisant donc à un « niveau optimal
d'ambiguïté ».
Par ailleurs, Jensen (2002) prône aussi un certain
niveau optimal de transparence, résultant de l'arbitrage entre la
crédibilité et la flexibilité. Il note à travers un
modèle avec un comportement prospectif
« forward-looking » qu'un niveau élevé de
transparence est désirable pour une Banque centrale avec une faible
crédibilité. Toutefois, la transparence procurera moins de
flexibilité à une Banque centrale ayant une forte
crédibilité. Cette forte crédibilité conduit
à une dynamique déstabilisante de l'économie
débouchant sur d'amples fluctuations des prix d'actifs. La Banque
centrale serait alors confrontée à un « paradoxe de la
crédibilité » (Blinder, 1999 ; Goodfriend,
2001 ; Viñals, 2001 ; Borio et Lowe, 2002a ; Borio,
English et Filardo, 2003 ; Mésonnier, 2004).
Ce paradoxe a suscité des interrogations quant à
la cohérence des objectifs de stabilité des prix et de
stabilité financière généralement affichés
par les Banques centrales. Ainsi, l'intégration de l'incertitude dans la
stratégie de la politique monétaire par l'adoption d'une cible du
niveau des prix dont la dynamique conduit à un lissage des effets d'un
choc, permet à la Banque centrale de contourner le paradoxe de
crédibilité et de d'ancrer efficacement les anticipations des
agents économiques (Awana, 2013). Ce qui aura pour effet, la
réduction efficace de l'incohérence temporelle.
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