1.7. Cadre théorique de référence
Il convient à présent de préciser le
positionnement théorique qui sous tend notre travail de recherche.
Construire une problématique de travail qui associe la ville et
l'occupation des espaces publics par des acteurs venus de tous les horizons ne
peut se passer d'un examen des thèses formulées par les
chercheurs associés à la tradition sociologique de Chicago. Les
textes de sciences sociales produits par ce courant de pensée proposent
des questionnements théoriques et empiriques novateurs qui concernent
le phénomène de l'immigration, source des problèmes dans
les grandes villes.
1.7.1. Changement social
Le changement social est l'un des objets les plus
controversés chez les sociologues. C'est pourtant l'un des objets
privilégiés de la sociologie avec le fonctionnement de la
société. Selon la définition de Guy Rocher, le changement
social est :
« toute transformation observable dans le temps,
qui affecte, d'une manière qui ne soit que provisoire ou
éphémère, la structure ou le fonctionnement de
l'organisation sociale d'une collectivité donnée et qui modifie
le cours de son histoire » (Rocher, 1968 : 22).
L'on conservera le concept d'évolution sociale pour
parler de transformations placées dans le long terme. Les sociologues,
rechignant aujourd'hui aux théories générales, traitent
donc du changement social qui s'inscrit dans le court ou moyen terme. Certains
vont jusqu'à rejeter toute possibilité de théorie du
changement social, considérant que la sociologie doit se limiter
à « l'analyse de processus de changement datés et
signés » (Boudon et Bourricaud, 1982 : 64). Mais
« les sociologues marxistes ont continué d'appliquer
à des champs spécifiques (l'Etat, la question urbaine, le
développement, etc.) le principe du changement social par les conflits
de classe » (Durand et Weil, 2006 : 397).
Au-delà de tout cela, il faut souligner que les auteurs
qui se sont préoccupés de définir le changement social, le
caractérisent par les trois dimensions suivantes :
· le changement social est repérable dans le
temps ; c'est-à-dire que l'on peut désigner ce qui a
été modifié entre deux moments. Il tend donc à
être identifié par rapport à une situation de
référence. Dans notre cas on peut l'illustrer par le fait que les
trottoirs servent de passage aux piétons mais avec la pression
démographique et la situation économique, on les occupe comme
lieu d'exercice d'activité à caractère
économique.
· le changement social est durable ;
c'est-à-dire que les transformations structurelles observées ont
une certaine stabilité. La pérennité des modifications
intervenues dans le processus de la circulation des piétons est notoire
et même si les opérations de déguerpissement les font fuir
pour un temps soit peu, ils reviennent occuper ces lieux.
· le changement social est évidemment un
phénomène collectif ; il concerne une communauté, une
organisation, une collectivité ou des individus pris collectivement. Le
changement social fait appel à des facteurs tels que le progrès
technique (les innovations), les valeurs culturelles, la démographie
etc.). Il n'est donc pas spécifique qu'aux togolais puisque on y
retrouve sur ces trottoirs d'autres nationalités et cela se passe dans
d'autres pays.
Pour ce dernier, « (le facteur
démographique) qui déjà présent chez Durkheim,
occupe une place non négligeable dans la sociologie du sous
développement et du tiers monde (exode rural, urbanisation sauvage,
malnutrition etc.) » (Durand et Weil, 2006 : 393). Le
poids de la démographie dans les pays du sud et tout son corollaire
rendent difficile la vie dans les grandes villes.
Les problèmes majeurs qui se posent à nos
villes sont en fait nés suite à la croissance de la population.
Ainsi, le facteur démographique est le fondement de la distinction des
trois types de société chez David Riesman. A la première
phase de la stabilité démographique (fort taux de
mortalité compensant un fort taux de natalité) correspond la
société de subsistance où prévaut une
conformité conventionnelle appelée détermination
traditionnelle (importance de la famille et faiblesse du changement). La
deuxième phase qui est celle de la croissance démographique
transitoire (due à la baisse de la mortalité) marque le
caractère intro-déterminé, c'est-à-dire que
« la source de la détermination est intérieure en
ce sens qu'elle est inculquée très tôt par les ainés
et orientée vers des buts généraux, mais néanmoins
inévitables » (Riesman, 1964 : 37). La
dernière phase, celle du début du déclin
démographique (la baisse de la natalité a rattrapé la
baisse de la mortalité) est celle que nous avons avec l'évolution
de la médecine.
Notons donc que ce sont les villes qui subissent tout ce poids
démographique puisqu'avec l'exode rural et l'attrait des grandes villes
de graves problèmes se posent à elles. La physionomie de la ville
change et elle devient à la solde de ce que les citadins s'y
attendent.
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