Réorganisation
communautaire
En mettant en oeuvre un projet de développement, un des
mandats que les ONG s'octroient est l'organisation des populations
bénéficiaires. Elle constitue une dimension fondamentale de tout
projet de développement. A travers cette activité, le courtier
local prépare les communautés à l'après - projet,
dans la mesure où elles doivent justement assurer le relais des ONG et
permettre ainsi une continuité du projet. Deux phases de cette
activité méritent qu'on s'y attarde : la restructuration des
populations et le renforcement de leurs capacités.
3.1.5 : Restructuration
des populations
Les raisons d'une
restructuration dans une approche participative
Dans le processus participatif d'identification et
d'exécution d'un projet de développement, une place de choix est
réservée à la mise en place d'organes de planification et
de gestion dudit projet. Cette logique de renforcement peut se justifier par
l'inadaptation de l'organisation sociale héritée de la tradition
pour résoudre des défis d'un type nouveau. Les
sociétés rurales ont besoin de se doter de formes d'organisations
nouvelles, sans qu'elles aient pour cela à se renier du point de vue
socioculturel (Chauveau 1997). Dans le cas qui nous concerne, deux organes ont
été mis en place de façon participative. Il s'agit d'un
comité villageois de développement (CVD) et d'un comité de
gestion (CG). Les populations ont choisi elles mêmes les personnes
membres de ces organisations locales
A travers ces organisations villageoises, il s'agit pour l'ONG
de mettre en place un dispositif favorisant l'appropriation et la
pérennisation du projet. Il revient désormais au CVD la gestion
du développement communautaire, et au CG la gestion du
périmètre maraîcher. La mise en place de ce dispositif
n'est pas sans entrainer des problèmes.
Les risques liés
à la restructuration des populations
Le premier problème qu'entraine la
réorganisation des populations peut être vu comme superposition
d'organes. D'un coté, il y a méprise des structures villageoises.
Le projet vient ainsi avec sa logique d'organisation en faisant fi de la
logique d'organisation des villageois. En clair, `'nous vous apportons un
projet et pour sa gestion, vous devez mettre en place un comité de
gestion. Pas que nous n'avons pas confiance à vos structures
déjà existantes, mais il s'agit d'une question de principe.
D'ailleurs, c'est à vous que reviendra le choix des membres devant
constituer ce comité''. Telles sont de façon caricaturale les
propos des développeurs lorsqu'ils parlent de structuration.
Par ailleurs, la logique du projet était d'entrainer
les populations dans une exploitation collective du périmètre.
Toutes les femmes du village sont regroupées au sein d'une association
pour une exploitation optimale du périmètre. Des frais pour
accéder au périmètre et des cotisations annuelles ont
été institués sous l'incitation de l'ONG. Les fonds ainsi
collectés seront utilisés pour l'entretien des
aménagements entre autre.
Nous retrouvons bien là les stéréotypes
décrits par Olivier de Sardan (1995) et qui s'expriment par deux
concepts principaux: la tradition et la communauté. Le concept de
tradition renvoie à une vision des sociétés paysannes
figées dans un savoir-vivre et un savoir-faire millénaires. Ces
sociétés locales sont en mesure de puiser dans ces ressources
pour faire face aux défis du moment, ou à l'inverse, les utiliser
comme obstacles à la prise d'initiative et au changement. L'idée
de communauté est associée à des stéréotypes
de mécanismes d'entraide, de solidarité et de contrainte
collective effectivement à l'oeuvre dans les sociétés
paysannes : ces deux facteurs contribuent à donner des
sociétés paysannes l'image de groupes unis, solidaires et
collectivistes, au sein desquels une notion particulière, celle de bien
collectif, est considérée comme allant de soi. Cette vision peut
faire croire à une utilisation collective par les "communautés
paysannes" des biens mis à leur disposition et qui seraient ipso
facto des biens communs. En réalité, l'accès à
ces biens et leur usage sont soumis à des clivages et des
inégalités qui relèvent aussi bien de l'organisation
hiérarchique locale que de manoeuvres opportunistes émanant
d'acteurs ou de groupes d'acteurs particuliers. Sans tomber dans le
stéréotype individualiste inverse, il est indispensable de
concevoir le monde villageois comme hétérogène et
traversé de conflits, même si l'image qu'il donne de lui est celle
de communautés solidaires.
La pratique du maraîchage avant le projet corrobore bien
théorie. Dans les deux villages, les femmes pratiquaient le
maraîchage de façon individuelle et dans des
périmètres individuels. Elles se retrouvaient au sein des
groupements et s'adonnaient à des tontines, mais chacune gère ses
activités génératrices de revenu. Les logiques de
stéréotypes peuvent fonctionner, mais à condition que la
cohésion sociale soit forte. Ainsi, à Dodougou où la
cohésion sociale semble assez forte, cette logique a marché. En
dépit des problèmes de gestion, d'exploitation et de
commercialisation. Par contre à Diéco, les logiques
individuelles ont prévalu. Après une saison d'exploitation, le
périmètre maraicher a été abandonné.
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