Les limites de l'approche
participative dans l'identification des besoins prioritaires
Par rapport aux méthodes participatives, la question
que l'on peut se poser in fine, est de savoir si les populations sont
réellement initiatrices de leurs projets ? Non. Les projets / programmes
de développement ainsi que leurs zones d'intervention sont toujours
pensés au niveau supérieur. Entre leur phase d'élaboration
et de mise en oeuvre, les populations sont largement informées sur leurs
composantes et les procédures d'accès à leurs ressources.
Elles sont comme pré formatées bien avant le démarrage des
projets pour que leurs demandes restent toujours dans la logique des projets et
programmes de développement. Le cas contraire, des réglages ne
sont pas exclus pour mieux cadrer les demandes pendant la phase
d'identification des besoins. Ces réglages sont guidés soit par
des contraintes de coût budgétaire, soit par des logiques de
développement, comme dans le cas de deux périmètres qui
font l'objet de cette étude. D'un autre coté, c'est toujours le
courtier local de développement qui est à l'initiative du contact
avec les populations rurales.
Les tableaux 9 & 10 montrent que l'action prioritaire dans
les deux villages n'est pas l'aménagement d'un périmètre
maraîcher. Même si les différences de scores obtenus
après notation ne sont pas considérables entre les actions, et
même si toutes les actions peuvent être considérées
comme prioritaires, le périmètre maraîcher vient en
2e et 4e position, respectivement pour Dodougou et
Diéco. Et dans nos deux villages, la première action prioritaire
est l'équipement en matériels agricoles. Cette demande n'est
naturellement pas gratuite. Elle répond à une logique
mûrement réfléchie. En effet, les comportements des
agriculteurs face aux innovations techniques ou organisationnelles
proposées par les projets, loin d'être irrationnels, manifestent
leur capacité, dans un contexte de forte incertitude, de prendre des
décisions cohérentes en fonctions d'objectifs et de contraintes
qui leur sont propres, tant dans le domaine de la production que dans ceux de
la reproduction sociale, politique, identitaire etc. (Chauveau 1997). Les
populations ont demandé ce que leur situation financière ne
permettait pas d'avoir (les équipements et intrants agricoles), pour
mettre en valeur ce dont ils disposent déjà (la terre). Ce qui
leur permet de faire d'une pierre, deux coups. La question vient d'elle
même : pourquoi alors dans les deux villages c'est un
périmètre maraîcher qui a été
réalisé au lieu de doter les communautés en
équipements et en intrants agricoles, action qui s'inscrit dans
leur logique?
Même en passant par une approche participative,
l'influence des ONG restent déterminantes dans la mise en oeuvre des
projets de développement. Suite à une évaluation des ONG
au Burkina Faso, PIVETEAU (2004) vient à la conclusion qu'une vision
d'ensemble révèle le poids des ONG et la faiblesse de la
population paysanne, étroite et de moindre capacité aux
différentes phases du processus de décision qui conduit à
la réalisation d'une opération de développement.
L'approche participative, ne garantie pas toujours
l'adhésion des populations locales à des projets qu'elles ont
pourtant `'demandé''. Olivier de Sardan (1990) et Chauveau (1994)
parlent de mécanismes par lesquels elles "s'appropriaient" les projets
soit en sélectionnant certains thèmes au sein du "paquet"
d'innovations proposés, soit en détournant le projet de ses
objectifs, soit en s'y dérobant et en le rejetant consciemment. Ce fut
le cas du périmètre de Diéco.
|