1.3 Les problématiques émergentes
1.3.1 La diminution des stocks d'eau souterraines
liée aux conditions d'exploitation La multiplication des puits
Historiquement, les puits ouverts sont les premiers
à avoir fait leur apparition dans le paysage. De profondeur moyenne
(quelques mètres), ils permettent l'accès aux aquifères
proches de la surface du sol, dont la recharge est dépendante des
quantités infiltrées durant les quelques années
précédentes. Leur efficacité est surtout reconnue dans les
zones où les sols sont développés sur des altérites
épaisses. Certains d'entre eux sont collectifs, mais ils sont
minoritaires. Les systèmes d'exhaure associés à ces puits
ont longtemps été rudimentaires, actionnés par
une ou deux paires de boeufs (erukavalei). La
Révolution verte indienne, entamée dans les années 1960,
avait pour objectif de répondre aux situations récurrentes de
famine. Au Tamil Nadu, elle s'est en particulier exprimée par la
gratuité de l'électricité, des prêts à
faibles taux d'intérêts et des subventions accordées pour
le développement de l'irrigation par eaux souterraines. C'est à
partir de cette période que se sont diffusés les puits
tubés, d'une dizaine de centimètres de diamètre et de
plusieurs dizaines de mètres de profondeur, associés à des
systèmes d'exhaure motorisés par des pompes au diesel dans un
premier temps, puis électriques ensuite. Ces puits tubés
permettent l'accès aux nappes phréatiques plus profondes, telles
que les nappes captives en zone de socle. Leur émergence est aussi une
conséquence des nouvelles variétés hybrides de riz
introduites, qui ont des besoins en quantité d'eau élevés
et nécessitent une fourniture régulière (Balasubramanian
et al., 2003).
Les conditions d'extraction
Cette politique volontariste a été une
opportunité pour une partie seulement de la population.
Tous n'ont pu au départ profiter de
l'introduction de ces techniques. Malgré les subventions et les
crédits accordés, seuls les paysans ayant un capital
d'investissement suffisant ont pu entreprendre le creusement de puits ouverts
et surtout des puits tubés. Seuls les petits paysans prêts
à prendre un risque et à s'endetter en possèdent. Il n'y
pas de réglementation précise légiférant
l'accès aux eaux souterraines. Selon les lois de l'administration
britannique, le propriétaire d'une terre s'octroie
généralement le droit d'exploiter les
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réserves sous-jacentes (Janakarajan, Figure 6 -
Schéma résumant les différentes contraintes 2002). Les
puits tubés ont permis une exercées sur la ressource
fourniture en eau régulière et
ont
coïncidé avec la diversification des
cultures, les doubles cultures irriguées et le développement des
cultures de rente. Il existe toutefois une forte relation inverse entre
la
26
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
densité de puits et la surface irriguée
: plus la densité est forte, plus les rendements par puits sont faibles
(Vaidyanathan, 2003), ce qui en soi constitue une preuve de l'existence d'un
seuil ne pouvant être dépassé et d'une baisse des nappes
par surexploitation.
La compétition des
approfondissements
Une véritable compétition pour
accéder aux ressources souterraines s'est développé depuis
plusieurs années. La raréfaction de ces dernières pousse
les agriculteurs à creuser toujours plus profondément afin de
capter les stocks qui ne se renouvellent pas aussi vite qu'ils sont
exploités. Il n'est ainsi pas rare d'observer un étagement de
puits à l'intérieur d'un même puits. Les premières
techniques consistaient à approfondir simplement les puits ouverts
traditionnels de quelques mètres. Une fois la technique disponible et
largement diffusée, l'approfondissement des puits ouverts originaux
s'effectua par puits tubés avec une pompe motorisée. La diffusion
des « bore-wells » tend, elle aussi, à s'accroître ; ce
sont des puits à drains horizontaux permettant d'augmenter le rayon
d'action du drainage et la productivité de l'ouvrage. Cette course aux
approfondissements marginalise une partie de la population, qui ne dispose pas
des moyens financiers adéquats pour s'y joindre et accroît la
pression sur la ressource. L'aboutissement de ce processus est
fréquemment une improductivité totale des puits les moins
profonds. On estime que cette improductivité totale affecte 20% des
puits du Tamil Nadu (Janakarajan, 2002).
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