1.2.3 L'organisation du système agricole
Calendrier cultural et types de cultures
Le contexte climatique étant le principal
facteur limitant de l'agriculture, les paysans doivent, malgré les
systèmes d'irrigation, accorder leurs activités à la
variabilité des précipitations. On sait que si la
pluviométrie de la période considérée est
supérieure à la demi-ETP, on est en régime hydrique
favorable pour le démarrage ou l'achèvement du cycle cultural
d'une plante (Racine, 1995). La figure 5 nous indique que de telles
périodes correspondent, selon les localités, à la fin de
la mousson d'été et à la mousson d'hiver dans son
ensemble. Dès lors, il n'est pas étonnant de constater que la
principale saison culturale, appelée samba ou thaladi,
s'étale des mois d'août-septembre (repiquage) à
janvier-février (moisson). Ces différentes appellations sont le
reflet du type de culture portée par la parcelle la saison
précédente, appelée kuruvai/sornavari et
s'étalant de mai à septembre. Si la culture pratiquée est
du paddy, alors la saison suivante est appelée thaladi, si ce
n'est pas le cas, on la nomme samba (Komoguchi, 1986). Durant la
saison samba, certains agriculteurs emploient encore des
variétés traditionnelles à cycle long de six ou sept mois,
de meilleure qualité gustative et qui ont sur le marché un prix
plus élevé. Les cultures en saison kuruvai sont
très majoritairement des cultures pluviales (ragi,
cholam, légumineuses) et succèdent à la saison
navarai/kodai, de janvier-février à avril-mai,
qui observe, par l'introduction des variétés hybrides à
haut rendements et à cycle cultural court lors de la Révolution
Verte, une augmentation des cultures rizicoles irriguées. La riziculture
est, en effet, la principale culture irriguée, suivie par la canne
à sucre. Tandis que la première permet deux, voire trois
récoltes par an, la culture de la canne à sucre, plus rentable,
s'étale sur une année. Contrairement à la situation en
cultures pluviales, il n'y pas, sur les parcelles irriguées, de «
cultures associées » (Racine, 1995). On est donc en présence
d'un système de monoculture irriguée. Les cultures sous
irrigation par tanks sont dominées par le riz, suivi de la canne
à sucre, des légumes et du coton selon la disponibilité de
sources alternatives d'eau et selon les sols (Balasubramanian et al.,
2003). On peut enfin noter que les parcelles où la densité de
puits est plus forte ont un plus fort degré de diversité de
cultures ainsi qu'une plus grande intensité culturale. Cette
diversification profite particulièrement aux cultures de rente (canne
à sucre, cocotier, coton, banane) aux dépends des cultures
vivrières. Les puits permettent donc à priori de réduire
la vulnérabilité des agriculteurs face aux variations climatiques
et aux aléas du marché.
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Les facettes sociales et physiques du monde rural
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Figure 5 - Diagrammes annuels des
précipitations, de l'ETP et de l'ETP/2 à Madurai et Pamban
(source : National Bureau of Soil Survey and Land Use Planning)
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Les régimes fonciers
La taille moyenne des parcelles par agriculteur dans
le Tamil Nadu est passé de 1.01 ha en 1986 à 0.93 ha en 1991. La
raison de cette diminution peut s'expliquer par la subdivision des parcelles en
réponse à la croissance démographique, aux
héritages de patrimoine ainsi qu'à la redistribution de parcelles
aux sans-terres dans le cadre de la loi dite « Land Ceiling Act »1
(Thangaraj, 2003). Cette loi avait pour objectif de lutter contre
l'absentéisme des propriétaires et contre l'exploitation des
tenanciers en plafonnant la surface exploitable par individus. Ce plafond
fixé à 30 acres en 1961 a été abaissé
à 15 acres par individu ou famille de moins de 5 membres en 1970 au
Tamil Nadu. De nombreux contournements ont été possibles du fait
d'un manque de rigueur de la part de l'administration, ce qui a eu pour effet
d'avantager les gros propriétaires au détriment des sans-terre et
des petits paysans.
Les temples et les villages possèdent une
partie du finage villageois (maniyam ou poramboke) mais ces
terres, de piètre qualité, ne sont pas très
prisées, même de la part des intouchables, en raison des contrats
de métayage peu favorables (Racine, 1995). Elles peuvent toutefois
être une forme de rétribution (partielle) à ceux qui
exercent la fonction de thotti, c'est-à-dire de manoeuvre au
service de la collectivité, et en particulier pour certaines
opérations de maintenance des tanks. Enfin, on peut noter qu'il existe
une certaine corrélation entre la caste et le statut ; les gros
propriétaires des classes dominantes sont souvent, dans le cas du bassin
versant de la Vaigai, membres des basses castes Shudras.
L'importance du riz
Le riz est de loin, dans cette région, la
céréale la plus cultivée et la plus
appréciée. Son importance se reflète donc aussi bien dans
les rites qui accompagnent le début de chaque culture que dans les
surfaces irriguées qui lui sont octroyées. Les castes
élevées demandent conseil auprès des Brahmanes
alors que les intouchables font appel à l'Iyer du
céri (prêtre Harijan, soit un Pandaram
sivaïte soit un Valluvar vishnuite), qui se
réfère en général aux almanachs (Racine, 1995). Des
rituels, comme la puja2, accompagnent les premières
étapes culturales.
Le riz compose l'essentiel du régime
alimentaire de la plupart des castes intouchables. Bien qu'ils ne soient pas
végétariens comme de nombreux Brahmanes, les occasions
de manger de la viande ou du poisson sont rares ; ce n'est donc pas tant la
sous-nutrition que la malnutrition qui affecte cette frange de la population,
et en particulier les enfants (Deliège, 1997).
Les variétés hybrides introduites (JR
8-20-50, ADT 31, etc.) ont des cycles moins longs (120130 jours), mais
nécessitent en contrepartie une fourniture en eau
régulière et sont associés à un plus grands nombres
d'intrants, en particulier chimiques (engrais azotés, fongicides,
insecticides). Les paysans les utilisent en saison samba lorsque les
prévisions climatiques sont mauvaises car elles présentent moins
de risques que les variétés à long cycle. Les rendements
restent néanmoins très modestes. A Ramanathapuram, où les
paysans disposent d'une dizaine de variétés, avec des cycles de
105 à 130 jours, le rendement moyen sur les 10 dernières
années est de 2552 kg/ha (Ramanathapuram District Website). Certains
tabous culturels comme l'utilisation de la charrue peuvent en partie expliquer
ces chiffres médiocres.
1 Loi édictée
en 1961
2 Acte d'offrande et de
prière à la divinité, marqué par un rituel plus ou
moins élaboré : consiste en l'occurrence dans le
façonnement de Pillaiyars avec de la bouse (ou Ganesh,
fils de Siva et de Parvati, à tête
d'éléphant, au ventre proéminent et auspicieux, c'est
celui qu'on invoque avant de commencer une entreprise, un travail, une oeuvre)
et enduits de pâte de curcuma, arrangés d'un potteu
(point auspicieux porté au front), de fleurs et de chiendent,
auxquels on offre des semences. Après avoir brûlé du
camphre et s'être prosterné, l'ensemencement à l'aide d'un
van peut alors commencer.
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