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Répercussions qualitatives et quantitatives des mutations agricoles récentes sur les systèmes d'irrigation traditionnels dans le bassin versant de la Vaigai- Periyar, Inde du sud

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par François Mialhe
Université Paris 7 Diderot - Master 2 environnement, milieux, techniques, sociétés 2006
  

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1.2 La société rurale indienne: structure et organisation

1.2.1 L'organisation sociale par caste

De nos jours, le système de castes structure autant qu'il hiérarchise la société indienne. C'est le résultat de la modernisation qui a rendu les castes moins dépendantes les unes des autres. Mais il faut avant tout préciser ce qu'on appelle caste dans l'Inde d'aujourd'hui.

Les castes en Inde aujourd'hui

L'affirmation que la société indienne est divisée en quatre castes est problématique et certains ethnologues vont même jusqu'à affirmer qu'elle est à l'origine d'une incompréhension totale de la société. Ce sont ce que les indiens appellent les jâtis (sati en tamil) qui constituent les castes véritables et non les quatre varnas auxquels les indiens ne se réfèrent guère, à l'exception des Brahmanes)1. Un jâti est un groupe localisé, héréditaire et endogame, associé à un métier et occupant une position particulière dans la hiérarchie (Deliège, 2004). Ces jâtis sont exclusifs et fermés car on ne peut jamais appartenir qu'à un et un seul jâti. Historiquement donc, la caractéristique essentielle de la société indienne n'est pas sa structure quadripartie mais bien son morcellement en une myriade de groupes endogames et hiérarchisés. Seuls les Brahmanes et les intouchables2 sont communs aux deux systèmes. Et ce n'est pas l'abolition officielle de l'intouchabilité dans la première Constitution en 1950 qui a fondamentalement changé les règles de ce système qui « s'adapte » aux vicissitudes de l'histoire. Il faut enfin noter que la caste doit pallier le fait qu'elle se pense comme différente alors qu'elle ne dispose que de très peu d'éléments pour soutenir cette différence. Certaines règles, comme la commensalité ou l'endogamie, permettent néanmoins de la maintenir.

Les critères de différenciation

Les jatis sont toujours nommés, et ce nom est souvent celui de la profession à laquelle ils sont associés ; ainsi, au Tamil Nadu, les Kallars (voleurs en tamil), les Paraiyars (joueurs de

1 Le contact avec les Européens a peut-être contribué à donner quelque crédit à la théorie des varnas. Cette classification permettait aux Britanniques de comprendre la société indienne à travers des catégories familières comme celles de l'aristocratie, du clergé, de la bourgeoisie et de la canaille.

2 Plusieurs appellations sont connues : Harijans ou « enfants de dieu » (surnom donné par Gandhi mais rejeté par une grande partie de cette population), et Dalits, « les oppressés », qui est associée aux mouvements politiques en faveur de droits élargis.

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Les facettes sociales et physiques du monde rural indien

tambour1), les Vaniyans (presseurs d'huile) etc. (Racine, 1995). Il existe des sous-castes endogames à ces groupes, ce qui augmente encore le nombre total de castes. A chaque jâti est affecté un niveau différent de pureté rituelle qui sert à attribuer des statuts différents. On dénombre au Tamil Nadu 76 Scheduled Castes (intouchables) et 122 Backward Classes (les classes arriérées, qui appartiennent le plus souvent à la basse caste des Shudras).

La dichotomie pureté/impureté est le concept fondamental qui a caractérisé le statut et les relations entre les castes, aujourd'hui concurrencé par le pouvoir politique et économique. Seuls les hommes qui sont en état de pureté rituelle peuvent approcher les dieux et pour que soit maintenue la communication avec ceux-ci, il est nécessaire qu'une classe de la population soit exempte des taches rituellement impures. Les castes qui assistent les Brahmanes doivent également maintenir un certain état de pureté et se préserver de toute promiscuité avec le reste de la société. La pollution rituelle se transmettant à travers les liens de parenté, l'endogamie reste un moyen efficace d'éviter la pollution.

Il y a, pour les hautes castes, trois états de pureté : la neutralité (mailige), la pureté supérieure (madi) et l'impureté (polé). L'état de pureté supérieure est volatil, ce qui explique les précautions incessantes, en particulier des Brahmanes, à éviter tout contact avec des choses ou des personnes très polluantes (un intouchable, une femme réglée, des déchets organiques par exemple), hautement contagieuses2. Il existe pour chaque type de pollution des rites spécifiques à exécuter afin de retrouver son état de pureté antérieur3. La source de pollution la plus forte est la mort, ce qui explique que les castes les plus basses y soient associées, c'ets le cas des Pallars (« fossoyeurs ») ou des Paraiyars (« joueurs de tambour dans des conditions funestes ») du Tamil Nadu. Les autres sources de pollution sont, comme on l'a dit, rattachées essentiellement aux déchets organiques : cheveux, ongles, urine, salive, etc. L'idéologie liée à cette pollution rituelle rend cohérentes de nombreuses pratiques quotidiennes.

Pendant longtemps, cette catégorisation des individus qui s'appuyait sur des spécialisations héréditaires4 attribuait à chacun un rôle particulier dans la société qui rendait les castes dépendantes les unes des autres. La modernisation de la société indienne a engendré une diversité d'emplois qui ne correspondent plus aux catégories traditionnelles ; le phénomène d'urbanisation associé est, lui aussi, peu compatible avec l'exercice des règles strictes de pureté rituelle. De nos jours, les castes constituent davantage des blocs rivaux qui ont localement des pouvoirs différenciés. Ainsi, la supériorité des Brahmanes tient autant sur leur capacité à mobiliser des ressources politiques et économiques qu'à leur statut rituel (Deliège, 2004).

Les conséquences de ces divisions sociales

Un des traits les plus caractéristiques de la division de la société tient dans la ségrégation spatiale qui s'opère au niveau des villages. Les villages du Tamil Nadu sont séparés en trois espaces distincts : l'agraharam est le quartier brahmane où seul ces derniers sont supposés résider, l'ûr qui comprend les castes de paysans et d'artisans et le céri, quartier réservé aux intouchables. L'accès aux puits collectifs est par exemple proscrit pour les intouchables qui risqueraient de souiller l'eau. Les intouchables ne peuvent se rendre dans les autres quartiers que s'ils ont quelque chose à y faire ; l'accès au temple leur est par contre totalement proscrit,

1 Le tambour est considéré comme impur du fait qu'il soit fabriqué avec des peaux d'animaux.

2 Contrairement à la pureté, l'impureté est hautement contagieuse.

3 Des bains (jusqu'à 1001 bains dans le cas de fortes pollutions), le récit de mantras (formules rituelles), etc.

4 Malgré ça, tous les individus d'une caste de blanchisseur ou de menuisier n'étaient pas tous blanchisseurs ou menuisiers et une majorité d'individus à l'intérieur des castes ont été et sont toujours agriculteurs. Cependant, il y a de fortes chances pour qu'un blanchisseur ou un menuisier appartiennent à une caste de blanchisseur ou de menuisier.

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mais chaque caste possède son propre lieu de culte. L'accès à l'éducation et la qualité de l'instruction, eux aussi inégaux, engendrent une reproduction des inégalités.

En règle générale, dans de nombreux villages, l'essentiel des terres se trouve aux mains des membres d'une caste qui est démographiquement plus nombreuse que les autres, et qui de ce fait jouit aussi de pouvoir politique. Cette caste, dite caste dominante, est souvent rituellement peu élevée ; tel est le cas pour les districts de Madurai* et de Ramanathapuram* (caste des Maravars). Les castes Shudras sont ainsi fréquemment les castes villageoises dominantes mais aussi les principaux oppresseurs des intouchables. La faible présence des Brahmanes dans les campagnes s'explique par leurs migrations importantes dans les villes afin d'occuper des postes élevés.

De manière générale, l'honneur tient une place très importante dans la culture hindoue. Les coutumes traditionnelles rattachées à des moments importants de la vie des individus et des familles comme le mariage, la puberté, le dépucelage ou encore l'enfantement sont associées à des rites séculiers auxquels participe un nombre élevé de villageois. L'exercice de ces rites est souvent conditionné par la présence d'un membre d'une caste précise qu'il faut ensuite rétribuer, le plus souvent en nature1 (en mesures ou sacs de paddy). La solidarité intra-caste, sous forme de prêts financiers ou en nature, permet de réaliser les pratiques traditionnelles. Mais il faut dans certains cas où la participation est importante2, faire appel à un créancier membre d'une caste supérieure pour des prêts à intérêts. Le non remboursement de ces prêts ou alors des dots peu importantes affecte l'honneur des individus et par extension celui de la famille, débouchant sur un nombre relativement élevé de suicides3. Cette société, complexe et culturellement très marquée, est donc sujette à l'établissement de fortes inégalités.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"