4.1.2 Quelles ont été les
évolutions du paysage rural? Les évolutions structurelles et
fonctionnelles des tanks
Une distinction apparaît comme fondamentale
selon que l'on considère les tanks gérés par le PWD ou
ceux gérés par les panchayats. Dans le premier cas, la
gestion précédemment décrite implique des changements
structurels différenciés entre les system tanks et les
non system tanks, alors que dans le second cas, c'est le nombre de
gestionnaires de l'eau, et singulièrement le nombre de
neerkatties, qui est le facteur discriminant. L'exemple du sous-bassin
de Sarugani est ainsi un bon exemple des évolutions contradictoires des
deux zones contiguës étudiées. Les neerkatties
étant des membres de castes de service, dans le cadre du
système jajmani, ce sont donc les acteurs concernés par
la gestion de l'eau qui décident, par le biais des conseils villageois,
de les engager ou non. Des réponses spatiales originales, et
contradictoires, se manifestent donc sur un pas de temps historiquement court
pour chacune des deux zones. Des années 1990 aux années 2000, les
résultats de télédétection tendent à
prouver, à dates proches et malgré un contexte climatique moins
favorable, un affaiblissement des stocks d'eau et une augmentation de la
couverture végétale, bien qu'il soit difficile de s'assurer du
caractère pérenne ou temporaire de cette dernière.
L'étude plus détaillée de la zone des system tanks
alimentés par le TMC, démontre, quant à elle, une
progression des espaces irrigués durant la saison sèche, ce qui
implique une utilisation plus importante des eaux souterraines, en
adéquation avec les besoins des systèmes agricoles plus
intensifs, mais au détriment de la régénération des
nappes phréatiques. Le support physique a, quant à lui, un double
impact, direct et indirect sur l'état des tanks : direct dans la mesure
où la configuration topographique et les sols impliquent des
sollicitations particulières, et indirect, en raison des
potentialités agricoles et des conditions de prélèvements
d'eaux souterraines, spécifiques à chaque localité et
susceptibles d'entraîner un désintérêt
vis-à-vis du tank.
La relation entre les acteurs locaux et les
dynamiques observées
En raison du caractère artificiel des tanks, il
est évident que c'est le degré d'implication et d'investissement
des acteurs locaux qui détermine en retour, à un instant
t, l'état, la performance, et la place du tank dans la
société paysanne. Alors qu'une relative
instantanéité caractérise les bénéfices
tirés des actions collectives comme le curage d'un tank ou le
déblaiement d'un chenal, certains changements sociaux plus profonds,
comme des changements de pratiques agricoles, ou encore l'introduction de
nouvelles techniques de prélèvements des eaux souterraines, se
matérialisent spatialement après une période de latence. A
la base de ces changements sociaux, et en adéquation avec les
potentialités du milieu naturel, la hiérarchisation sociale, et
donc son degré d'hétérogénéité,
apparaît comme une notion fondamentale. Dans les villages où la
composition sociale est bigarrée, la caste dominante représente,
on l'a vu, la seule véritable autorité ayant la capacité
de mobiliser l'ensemble des acteurs pour la réalisation d'actions
collectives, ce qui tendrait à prouver qu'une telle
hiérarchisation est un facteur de stabilité. A l'inverse, lorsque
plusieurs hautes castes détiennent des terres dans un même finage,
c'est la dynamique individualiste et capitaliste qui prévaut. Ceci se
vérifie aussi dans le cas où, comme dans la vallée de
Cumbum, les sources d'approvisionnement en eau sont nombreuses et où
donc les problèmes de raréfaction sont peu habituels, ce qui
permet le développement d'une agriculture marchande
81
Discussion
par les castes dominantes, seules à pouvoir
adopter des comportements opportunistes et implanter des ferments d'innovation.
On peut enfin préciser que les villages qui présentent une
certaine uniformité sociale sont davantage susceptibles d'observer des
comportements de coopération que des villages à forte
hétérogénéité sociale.
La vie quotidienne
Les changements observés impliquent des
modifications au quotidien dans la conduite des exploitations au quotidien,
ainsi que des bouleversements d'ordres sociaux plus généraux. La
plupart de ces évènements sont liés, de près ou de
loin, à la Révolution verte des années 1960.
L'introduction des variétés hybrides à hauts rendements,
ainsi que les politiques énergétiques, ont favorisé,
dès le début, les plus gros propriétaires. Ceux-ci ont
accusé un avantage décisif sur les petits paysans,
essentiellement en raison de leurs capacités financières plus
élevées. Ceci se caractérise actuellement par un
inégal accès aux réserves souterraines, et des
degrés de diversification différents. Les évolutions de la
vallée de Cumbum et des system tanks du TMC sont l'expression
spatiale de l'intensification agricole, qui implique aussi la modification des
flux de travail établis. Au regard de ces changements et des
évolutions des états de surface du lit des tanks, on peut penser
qu'une érosion de la performance de ces tanks va de pair avec une plus
grande diversification agricole. Cela pourrait correspondre à une
première phase (déclin des tanks), à laquelle
succède, ou succédera d'ici peu, la baisse des niveaux
piézométriques des nappes phréatiques. La durée de
la période intermédiaire sera fonction des réserves
souterraines disponibles, des choix individuels des agriculteurs et de la
politique des organisations villageoises. L'ensemble de ces facteurs
conditionne l'organisation du monde rural, faite de contraintes et
d'opportunités. On peut enfin relever que les changements sociaux, tels
que les migrations, réduisent la force de travail des foyers et donc la
possibilité de participer aux actions collectives de
maintenance.
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