2.2 La gestion sociale et institutionnelle des tanks :
entre tradition et modernité
D'après l'analyse des images Landsat MSS, 1049
tanks ont été détectés dans le bassin versant de la
Vaigai-Periyar (sans la marge littorale). Les tailles s'échelonnent de
moins d'un hectare (3200 m2) à 10 km2 pour le plus
grand d'entre eux, pour une moyenne de 27 ha. Ce mode d'irrigation est le plus
important du bassin versant en termes de surfaces irriguées (40% des
terres irriguées).
Dans cette partie, 25 tanks ont été
étudiés. Ils sont tous gérés par le
Département des Travaux Publics (PWD), et irriguent donc, chacun, un
ayacut de plus de 40ha. Une distinction a été
établie entre les system tanks et les non-system tanks
(cf. figure 14).
2.2.1 Les caractéristiques structurelles et
fonctionnelles
On entend par « structurel » tous les
éléments qui composent le tank lui-même et ceux dont son
fonctionnement même dépendent (les digues, vannes, surplus,
chenaux sont les principaux).
Ces éléments structurels ont tous, sur
un plan fonctionnel, une importance primordiale. Ce sont parmi les variables
qui comptent le plus pour établir le degré de performance. Un
état général dégradé ne permet, ni
d'optimiser un stockage proportionnel aux disponibilités, ni une
utilisation maximale de la ressource à des fins agricoles. Les
matériaux de construction utilisés, tel que la terre ou la
brique, qui servent à la réalisation des digues et des vannes,
connaissent un vieillissement naturel. Les actions mécaniques de la
météorisation, les pressions exercées par les
écoulements (augmentées durant les périodes de crues)
ainsi que les dégradations d'origine anthropique, affectent la
stabilité des structures maçonnées. Ceci est
particulièrement vrai pour les digues : apparition de brèches du
fait de la pression latérale des eaux stockées ; affaissements,
en réponse aux passages répétés de trafic routier
sur la crête des digues, qui servent souvent de voies de communication ;
ou encore érosion hydrique prononcée. Ces
phénomènes sont difficilement quantifiables, mais ils affectent
dans tous les cas la performance globale du tank, autant au niveau du stockage
que dans la restitution des eaux à l'ayacut.
À première vue, des différences
notables existent entre les structures des deux types de tanks (cf. figure 13).
On remarque que les non-system tanks n'ont pas de réseaux
d'adduction en bon état. Cela signifie qu'ils sont, soit en voie de
comblement, soit envahis par de la végétation spontanée,
soit les deux à la fois. A l'opposé, six system tanks
sur treize ont des réseaux en bon état
général.
Figure 13 - Etats des structures des tanks
sélectionnés
37
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
Figure 14 - Localisation des system tanks et des
non-system tanks étudiés
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Cela peut être la conséquence
d'écoulements plus réguliers dans les chenaux des system
tanks, limitant, par des phénomènes érosifs, la
progression de la végétation et dégageant les
matériaux les plus fins du lit. Des apports plus réguliers d'eau
peuvent, en revanche, augmenter la sédimentation suivant le débit
considéré. En observant plus finement les données, on se
rend compte que les sources principales du mauvais état de ces chenaux
sont l'envahissement par la végétation pour les system tanks
alors qu'elles sont doubles pour les non-system tanks
(envahissement et comblement). La conséquence directe de ces
obstructions est la réduction de la capacité d'écoulement
et donc des apports servant à l'irrigation des
ayacuts.
Ce qui est appelé surplus, ou
régulateur, est la structure qui permet d'évacuer les eaux
lorsque le tank a atteint son niveau de remplissage maximum. Les eaux sont
ensuite destinées à remplir les tanks situés en aval, ou
bien peuvent être définitivement perdues dans le cas de certains
tanks proches du golfe du Bengale. Un ébrèchement signifie une
diminution de la capacité de stockage. Une fois encore, l'état
des régulateurs est bien meilleur pour les system tanks. Seuls
les non-system tanks de la partie aval ont des régulateurs en
bon état. En croisant ces informations avec le nombre de mois pendant
lesquels les tanks atteignent leur niveau de remplissage maximal, on remarque
une corrélation positive entre ces deux éléments, ce qui
se vérifie, particulièrement, pour les non-system tanks.
Cela semble être le signe que des actions de maintenance sont entreprises
dans ces tanks, reflétant une certaine dépendance des populations
vis-à-vis de ce mode d'irrigation.
Concernant l'état des digues, on peut remarquer
que ce sont les system tanks à proximité de la Vaigai
qui présentent les meilleurs résultats. Cette position en section
supérieure pourrait s'expliquer par des écoulements à plus
forte capacité en provenance des canaux et chenaux, nécessitant
des digues en bon état afin de contenir les flots. On remarque par
contre une forte corrélation spatiale entre les digues de non-system
tanks en bon état et la densité de puits dans les
ayacuts. Cela pourrait relever d'une prise de conscience de
l'importance du tank dans la recharge des nappes phréatiques et donc de
la nécessité d'un entretien régulier des
digues.
Enfin, en ce qui concerne les vannes et les structures
de contrôle des eaux, on remarque que celles des system tanks
sont elles aussi en meilleur état et qu'elles sont, avec les
régulateurs, les structures qui présentent l`état
général le plus satisfaisant. Ceci s'explique par le fait que les
réparations à effectuer sont moins coûteuses et plus facile
à mettre en oeuvre. On peut relever que quatre non-system tanks
n'ont aucune des structures mentionnées en bon état. De
manière générale, l'état des non-system tanks
est plus dégradé que celui des system
tanks.
Les processus de comblement, résultant de
l'érosion des terres arables en culture pluviale situées dans
l'aire contributive des tanks, affectent de manière importante les deux
types de tanks (cf. figure 15). Il apparaît néanmoins clairement
une opposition concernant les non-system tanks entre la partie amont
et aval du bassin versant. La turbidité des eaux peut agir en faveur
d`un comblement prononcé. Ce processus est un des plus dommageables et
des plus fréquents parmi ceux qui réduisent la performance des
tanks.
Figure 15 - Cartes des taux de comblement des tanks
sélectionnés
38
39
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Par ces observations, on touche au point le plus
sensible des tanks, à savoir qu'ils nécessitent un effort de la
société et des communautés pour maintenir leur fonction
principale, à savoir celle d'irriguer. Pour affiner l'analyse, il
convient donc de s'attarder sur les principes de gestion et sur les
modalités des actions entreprises.
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