2.6. Sémiologie.
Sémiologie des douleurs abdominales en fonction de
l'âge :
2.6.1. Chez le nourrisson.
· Affirmer qu'il existe des douleurs abdominales, et
surtout les localiser peut être difficile.
Un comportement inhabituel, que ce soient des pleurs
inexpliqués ou à l'opposé une hypotonie, doit conduire
systématiquement à la recherche d'une anomalie abdominale.
L'existence des troubles digestifs associés est un
excellent argument d'orientation.
Le refus du biberon est l'équivalent de vomissements.
Si les rejets sont fréquents à cet âge, des vomissements,
surtout s'ils sont verts, signent quasiment l'existence d'une pathologie
chirurgicale.
La diarrhée et la : constipation sont
recherchées comme à tout âge.
· Le premier temps de l'examen consiste à observer
le comportement spontané de l'enfant (par exemple dans les bras de sa
mère) : sa mimique, ses gesticulations, ses réponses aux
gestes de réconfort.
Un nourrisson inconsolable, avec des sourcils foncés,
un visage crispé, des jambes repliées en permanence sur le
ventre, a probablement une lésion chirurgicale aiguë. Il faut
ensuite observer l'abdomen lui-même.
Le ballonnement est de bonne valeur mais parfois difficile
à apprécier.
La peau luisante, les anses visibles sont deux signes rares
mais très significatifs.
Il n'y a pas de défense ni de contracture chez le
nourrisson.
En revanche, on peut reconnaître une zone
électivement douloureuse, et surtout une asymétrie dans les
réactions déclenchées par la palpation.
Les orifices herniaires et les bourses sont
systématiquement examinés. Devant une hernie ombilicale
douloureuse, se rappeler que celle- ci ne s'étrangle
qu'exceptionnellement, il faut donc, de principe, chercher une autre cause de
la douleur.
· Le TR n'est pas systématique :
principalement à la recherche de sang dans les selles lorsque l'on
évoque une invagination. Il est fait avec le 5ème
doigt et peut entraîner un malaise vagal. (10)
2.6.2. Enfant à l'âge
de la maternelle (de 2 à 5 ans).
Les difficultés de l'examen du nourrisson viennent du
fait qu'ils ne s'expriment pas. Après 2 ans, il existe plus de
possibilités de communiquer avec l'adulte qui l'examine.
Deux types de communication méritent leur pesant
d'or :
· C'est l'âge de l'enfant dit
« inexaminable » : il faut s'en
méfier.
Une attitude d'opposition peut correspondre à une
attitude normale pour un enfant de cet âge mais il peut également
s'agir d'un enfant qui souffre et qui ne veut pas laisser examiner son
ventre.
Il est souvent utile d'observer l'enfant, en renouvelant
l'examen en particulier lors des jeux, du sommeil.
La persistance de réactions d'opposition
déclenchées spécifiquement par l'examen de l'abdomen,
surtout d'une région précise, permet d'en affirmer l'origine
organique.
· A l'opposé, l'enfant communique facilement mais
les réponses sont variables d'un instant à l'autre et sans
rapport avec l'examen physique.
Il n'a pas d'organisation spatiale et temporelle pour
répondre aux questions de l'examinateur. Il a mal depuis
« hier » (c'est-à-dire quelques heures, une
journée ou une semaine)...et il a mal à l'ombilic, zone sur
laquelle il projette toutes les douleurs abdominales.
Au moins dans cette situation, l'examen physique se
déroule sans difficulté et permet de juger facilement de signes
locaux : une zone douloureuse ou défense sont reconnues.
2.6.3. Enfant de plus de 6 ans.
L'examen est strictement superposable à celui de
l'adulte.
Très facilement, à cet âge, le diagnostic
de constipation banale ou de douleur abdominal d'origine
« psychologique » est évoqué.
Il faut être vigilant, systématique dans l'examen
clinique et s'en tenir aux constatations objectives.
2.6.4. Chez l'adolescent.
Il n'y a pas de particularité sémiologique
propre à cet âge.
Il faut penser à examiner systématiquement les
bourses chez l'adolescent qui vient pour une douleur abdominale aiguë et
qui n'osera pas toujours dire qu'il existe une douleur testiculaire.
Chez la jeune fille, penser également à une
pathologie annexielle et situer les douleurs abdominales par rapport au cycle
menstruel. Faire un examen gynécologique : examen de la vulve et un
TR.
Il est bien sûr essentiel de ne pas
méconnaître une grossesse et penser à demander un dosage de
á HCG.
Si à chaque âge, l'examen doit être
adapté, il faut également connaître les pathologies
à évoquer en fonction de l'âge.
Bien sûr la hernie étranglée et la torsion
de testicule peuvent survenir à tout âge, cependant, il existe des
pics de fréquence corrélés à l'âge qui vont
guider le diagnostic.
2.6.5. Chez la personne
âgée.
Les douleurs abdominales du sujet âgé ont les
mêmes étiologies que celles du sujet jeune mais la
prévalence en fonction des organes change. Telfer et al. puis Dombal ont
établi à la demande de la World Organisation of Gastroenterology
la prévalence en fonction de
l'âge.(5)
Autrement dit, l'examen sémiologique démarre
lors de l'anamnèse du patient car il permet d'observer le faciès
du patient, éventuel état d'anémie, une vasoconstriction
périphérique ; s'exprime-t-il aisément, sans
difficulté respiratoire ou la parole est-elle interrompue par des
douleurs abdominales ? Autant d'éléments à
surveiller.
2.6.6. Examen physique.
a. L'examen abdominal.
a.1. Inspection et palpation.
L'examen abdominal ne débutera que tardivement
après avoir mis le patient en confiance, en le déshabillant
progressivement, sans le heurter et à l'abri de nombreux regards d'une
salle de garde.
En même temps que l'on continue l'anamnèse du
patient, la main est posée en douceur sur la région abdominale
qui paraît la moins douloureuse afin de rechercher une
sensibilité. Cet examen se prolonge lentement en tentant de distraire le
patient par la conversation. Il dangereux d'établir une première
conclusion notamment si le patient réagit violemment à la
palpation ; il peut s'agir aussi bien d'une contracture-défense que
d'une réaction instinctive.
On observe la respiration de l'individu : ventre immobile
avec respiration superficielle, évoque une contracture, voir si la toux
provoque une exacerbation de la douleur.
Palper progressivement et délicatement les orifices
herniaires ainsi que les bouses à la recherche d'une hernie ou d'un
étranglement. Idem au niveau des orifices inguinaux et cruraux notamment
chez la femme.
Demander ensuite au patient de montrer la région
douloureuse, laquelle sera palpée à la recherche d'une
défense, contracture ou masse.
v Les signes d'examen.
Bien distinguer : douleur provoquée,
défense, contracture de signe de rebond :
a.1.1. Douleur provoquée.
La palpation, en déprimant l'abdomen, provoque une
douleur.
Ex : une femme obèse avec un calcul dans la
vésicule, présente un tableau de colique hépatique. La
palpation de l'hypochondre droit provoque une douleur.
a.1.2. Défense.
C'est la réaction abdominale à la douleur
provoquée. Elle se recherche à la palpation
précautionneuse de l'abdomen, les réchauffées à
plat sur l'abdomen ; n déprimant la paroi abdominale, on provoque
une douleur. La défense est la contraction aiguë,
éphémère, involontaire, de la paroi abdominale
localisée à l'endroit douloureuse en réaction à la
dépression. Si no déprime à nouveau, on peut retrouver la
défense.
Difficulté : si on arrive brutalement, directement
sur le siège de la douleur, on aura une contraction, mais ce n'est pas
la défense chirurgicale.
a.1.3. Contracture.
C'est la contraction spontanée et permanente de la
paroi abdominale. A la palpation, elle est douloureuse, tonique et invincible.
Le ventre ne bouge pas à la respiration même si le patient
respire fort. Si on demande au patient de tousser, il est interrompu par la
douleur. Si la contracture est simulée volontairement ou
involontairement, le patient va relâcher sa musculature lors d'une
inspiration profonde ou d'un effort de toux.
Elle traduit une réaction inflammatoire sous jacente,
une perforation avec péritonite : ulcère
gastroduodénal, rupture de la vésicule biliaire, perforation
colique ou grêle ; ce sont cependant les perforations chimiques
(estomac, duodénum et voies biliaires) qui provoquent la contracture la
plus importante. Cette contracture est rapidement
généralisée à tout l'abdomen.
On peut cependant découvrir une contracture qui est
focalisée à un plan dans la colite urétérale.
a.1.4. Signe de rebond.
Consiste à enfoncer 2 ou 3 doigts dans la zone non
douloureuse de l'abdomen et relâcher brusquement cette pression ;
l'éveil d'une douleur à un autre site de l'abdomen localise en
général le processus inflammatoire. La distension abdominale
brutale accentue la douleur là où le processus se situe.
Ex : dans l'appendicite, la dépression brutale de
la FIG va manifester une douleur dans la FID.
a.2. La percussion abdominale.
Devant un abdomen distendu, la percussion permet de distinguer
la présence d'air particulièrement dans le cadre colique ou
l'intestin grêle, évoquant davantage un problème
d'obstruction ou d'iléus paralytique ; lorsque l''abdomen est mat,
évoquer un problème d'ascite ou de problème
ischémique (par ex dans l'infarctus mésentérique).
Lorsqu'il y a perforation d'un viscère creux, surtout
au niveau de `estomac, duodénum, le pneumopéritoine est
percuté surtout dans la région hépatique avec disparition
de la matité hépatique.
Ne jamais oublier de percuter et rechercher la matité
vésicale : nombre de rétentions vésicales chez
l'homme âgés, se présente comme un abdomen aigu par
rétention vésicale et douleurs abdominales irradiées. Si
une matité vésicale est découverte, inviter le malade
à uriner ou mieux, le sonder et recommencer l'examen abdominal.
a.3. L'auscultation abdominale.
L'auscultation n'a pas, à notre sens, la même
valeur sémiologique que les autres examens tels la palpation et
l'observation d'un abdomen. Dans la phase débutante d'un
phénomène péritonéal, l'interprétation des
bruits abdominaux est difficile. Elle prend plus de valeur dans les heures qui
suivent l'installation du syndrome abdominal : l'auscultation d'une
péristaltique conservée est d'un bon pronostic. Des vagues des
péristaltiques intermittentes avec des intervalles libres,
évoquent un problème d'obstruction intestinale. Le silence
abdominal est révélateur soit d'une péritonite
installée depuis plusieurs heures, soit d'un phénomène
ischémique grave à un stade tardif.
Par ailleurs, à part l'examen abdominal, l'examinateur
doit aussi s'intéresser à : la fréquence cardiaque et
au TR et/ou TV.
b. La fréquence cardiaque.
La tachycardie est un signe, à notre sens,
extrêmement important et trop signalé dans les ouvrages de
référence. Il est quelquefois un signe décisif dans un
objectif chirurgical.
La dissociation pouls-température est importante. Ce
symptôme est fréquent dans l'appendicite : température
normale ou discrètement élevée avec tachycardie
progressive. Dans le doute et si le pouls est supérieur à
100/minute, il faut appendicectomiser.
A contrario, un pouls normal ou subnormal devant des signes
abdominaux inquiétants doit prêter davantage à la
réflexion.
c. Le toucher rectal et/ou toucher vaginal.
De principe, tout abdomen aigu doit être exploré
par un TR ou TV ou les deux. Cet examen a pour objectif premier de toucher, par
ses orifices naturels, le cul-de-sac de Douglas. Il faut savoir distinguer une
douleur liée à un examen malhabile, notamment chez un patient mal
informé, d'une douleur du cul-de-sac de Douglas, évocatrice d'une
irritation péritonéale ou une ischémie.
Ce toucher peut permettre également dans certaines
situations, notamment des pathologies pelviennes, de rechercher une
éventuelle masse ou un bombement.
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