2.5. Symptomatologie.
En dehors des problèmes d'hémorragie du tractus
digestif, la douleur est en général le symptôme dominant
dans une pathologie abdominale. Cette douleur peut être d'origine
pariétale ou viscérale. Cette dualité ne permet pas
toujours de préciser son origine, ce qui est plus simple par exemple au
niveau des membres.
2.5.1. La
douleur.
2.5.1.1. La douleur viscérale.
Elle provient d'une irritation des fibres sensibles par la
distension, l'inflammation ou l'ischémie, voire pour envahissement
direct par exemple d'un processus néoplasique. La perception centrale de
cette douleur ne permet pas toujours sa localisation précise, d'autant
que certaines structures viscérales sont associées avec d'autres
niveaux sensitifs au niveau de la moelle. C'est ainsi que la distension
intestinale, lors d'une obstruction, provoque une douleur profonde dans la
région épigastrique ou péri-ombilicale qui peut être
confondue avec d'autres pathologies.
Cette douleur viscérale est le plus souvent
située dans la région médiane par l'apport sensitif
bilatéral au niveau de la moelle. Le patient peut ressentir une douleur
abdominale dans les régions éloignées du site de
l'affection. C'est ainsi qu'une douleur liée à l'irritation du
diaphragme par de l'air, du pus ou du sang, sera ressentie dans
l'épaule. Une atteinte sous diaphragmatique au niveau de la
plèvre, aura la même projection douloureuse.
Autres exemples : lors d'une appendicite aiguë, la
symptomatologie douloureuse se présente souvent dans la région
épigastrique ou péri-ombilicale puis se localise dans la
région de la fosse iliaque droite par irritation du péritoine
pariétal.
2.5.1.2. La douleur pariétale.
Elle, au contraire, est mieux
« interprétée » par le patient. Une
irritation directe du péritoine pariétal, particulièrement
dans la région antérieure ou supérieure est correctement
interprétée par le patient dans sa localisation. Ceci s'explique
par l'afférence directe des fibres à une région
précise du système nerveux.
2.5.1.3. Le mode d'installation.
Il peut être brutal ou excruciant en quelques secondes,
ou rapidement progressif dans les deux heures ou encore progressif en plusieurs
heures.
La douleur excruciante suggère une
« catastrophe » abdominale telle une perforation
gastrique, une rupture d'anévrysme, une rupture de grossesse ectopique
ou d'abcès intra péritonéal.
Les douleurs intenses ne sont cependant pas
nécessairement les plus graves dans leur origine : une colique
urétérale ou biliaire est très douloureuse mais ne
s'accompagne pas, dans les heures qui suivent, des signes systémiques
tels la tachycardie, le fébricule, l'état de choc, etc.
La douleur d'installation « moyennement
rapide » (1 à 2 h) entrera davantage dans le cadre d'une
pancréatite aiguë, d'une thrombose mésentérique, d'un
étranglement ischémique de l'intestin, d'une torsion d'un kyste
ovarien.
Une douleur d'installation plus progressive (7 à 8h)
n'est pas nécessairement la plus bénigne ; penser à
un problème inflammatoire ou septique : appendicite, diverticulite,
obstruction intestinale, problèmes gynécologiques, etc. elle
s'accompagne au bout de quelques heures, d'autres signes liés à
l'irritation péritonéale : nausées, vomissements,
température.
2.5.1.4. Les caractères de la
douleur.
L'importance de la douleur une fois qu'elle est
installée :
a. Une douleur excruciante, insensible aux morphiniques,
indique une lésion vasculaire tels un infarctus intestinal ou une
rupture de l'aorte abdominale.
b. Une douleur très intense mais partiellement
contrôlée par les médicaments évoque davantage une
pancréatite aiguë, une péritonite associée à
une rupture de viscères creux.
c. Une douleur sourde, vague, mal localisée,
évoluant graduellement, suggère donc un processus inflammatoire
telle une appendicite modérée.
d. Une douleur intermittente avec des accès
crampoïdes peut se rencontrer dans les gastro-entérites. Toutefois
si la douleur revient en cycles réguliers, augmentant progressivement,
le diagnostic le plus vraisemblable est celui d'une obstruction
mécanique de l'intestin grêle sans phénomène
ischémique. Cette obstruction s'accompagnera de vagues
péristaltiques parfaitement audibles à l'auscultation abdominale.
Dans la colique ou la gastro-entérite, les bruits péristaltiques
ont peu de relations avec des douleurs abdominales.
2.5.1.5. Le siège de la douleur.
Le siège du début de la douleur donne une bonne
idée de l'organe en cause.
Quelques exemples :
- FID : appendice
- Région méso-coeliaque : grêle,
appendice
- FIG : sigmoïde
- Hypochondre droit : vésicule biliaire
- Epigastre : estomac et pancréas
- Hypochondre gauche : angle colique gauche.
La douleur diffuse ensuite à la totalité de
l'abdomen.
Il faut demander au patient de montrer avec le doigt l'endroit
de la douleur.
2.5.1.6. L'irradiation de la
douleur.
L'irradiation de la douleur ou la modification de sa
localisation : une douleur dans l'épaule signifie souvent une
irritation diaphragmatique ; la douleur biliaire (cholédoque) est
rapportée à l'épaule droite et à
l'épigastre avec irradiation dans les 2 hypochondres. Une irritation du
psoas par une irradiation douloureuse dans la face antérieure de la
cuisse, une crise urétérale irradiera vers les organes
génitaux externes, etc.
2.5.1.7. L'évolution de la douleur.
Les douleurs peuvent être croissantes,
spontanément décroissantes jusqu'à disparaître, ou
spasmodiques avec des pics intenses et de psoas de repos.
Ex :
ü La perforation d'ulcère du bulbe
duodénal : douleur épigastrique intense brutale, en coup de
poignard. Elle va progressivement décroissante en même temps
qu'elle diffuse à l'ensemble de la cavité abdominale.
ü L'occlusion par strangulation du grêle : la
douleur débute brutalement, puis devient spasmodique, reflétant
la lutte du grêle, avec des phases intenses correspondant à des
mouvements péristaltiques importants, pour passer l'obstacle, et des
phases peu intenses ou absence de douleur dues à l'épuisement du
muscle qui se relâche.
N.B. : aucune caractéristique de la douleur n'a de
valeur pronostique.
Ex : un patient immunodéprimé sous
corticoïdes peut avoir une péritonite stercorale sans douleur.
2.5.1.8. Les types de la douleur.
Ex : crampe, broiement, brûlure, torsion.
2.5.1.9. L'horaire de la douleur.
Par rapport aux repas : préprandiale ou post
prandiale.
2.5.1.10. La durée et la date d'apparition de
la douleur.
2.5.1.11. La périodicité de la
douleur.
Mensuelle, saisonnière, biannuelle...
2.5.1.12. Les facteurs déclenchant ou
calmants.
L'intensité de la douleur peut augmenter lorsque le
sujet se tient débout ou diminuer lorsqu'il se couche « en
chien de fusil » par exemple.
2.5.1.13. Les signes d'accompagnement de la
douleur.
On distingue : les signes digestifs, extradigestifs et
généraux.
a. Signes digestifs.
a.1. Nausées et vomissements.
Fréquents dans un problème abdominal mais n'ont
pas de signification spécifiques. Les vomissements sont cependant
significatifs dans des pathologies digestives hautes : obstructions
duodénales, pancréatite aiguë, cholécystite ou
migration choledocienne.
L'absence de bile dans les vomissements signifiera une
atteinte gastrique par exemple par sténose pylorique à la
différence d'une obstruction jéjunale ou duodénale ;
ces nausées et vomissements sont cependant le plus souvent reflexes et
liés à une irritation péritonéale par processus
inflammatoire ou infectieux.
a.2. Diarrhée et constipation.
· Constipation :
Lorsque le patient n'a émis ni gaz ni matière
pendant une période de plus de 12h, on peut affirmer qu'il y a un
certain degré, soit d'obstruction intestinale soit d'iléus
paralytique.
L'iléus paralytique accompagne nombre de
problèmes inflammatoires ou infectieux du péritoine :
iléus post opératoire (laparotomie), l'appendicite, la
diverticulite et, particulièrement la pancréatite.
· Diarrhée :
C'est une manifestation clinique classique de la
gastroentérite mais elle peut également se présenter au
départ d'un phénomène irritatif péritonéal
voire d'une obstruction intestinale.
Dans l'appendicite, l'irritation péritonéale
provoque d'abord une irritation intestinale avec un court épisode de
diarrhée avant de provoquer un iléus paralytique. Idem pour la
diverticulite sigmoïdienne.
En cas d'obstruction, les contractions intestinales violentes
sur l'obstacle vont donner, durant les premières heures, l'une ou
l'autre selle d'aval de l'obstacle.
Une diarrhée sanglante peut se produire au
départ d'une ischémie intestinale surtout colique gauche.
b. Signes extradigestifs.
C'est par exemple : brûlure mictionnelle
(mictalgie), pertes gynécologiques.
c. Signes généraux.
c.1. La température et les frissons.
La température accompagne nombre d'urgences
abdominales. Dans l'appendicite, elle est rarement élevée. Elle
sera importante dans la diverticulite en phase d'obsession, dans la salpingite,
dans une cholécystite en phase d'aggravation.
L'association avec des frissons évoque davantage des
infections biliaires ou rénales avec épisodes de
septicémie.
c.2. L'ictère.
L'ictère dans les heures qui suivent le départ
de la symptomatologie impose d'orienter le diagnostic vers un problème
hépatobiliaire.
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