Paragraphe II : La protection de l'ordre
constitutionnel
La protection de l'ordre constitutionnel procède par la
stabilisation des institutions (A) qui permet de maintenir le processus de
démocratisation (B).
A : La stabilisation des institutions
Dès la signature de l'accord, les tensions retombent.
Ce qui témoigne que le consensus a été retrouvé (1)
et que la constitution est désormais mise hors d'atteinte (2).
1 : Le consensus retrouvé
Le nouveau constitutionalisme africain dans son ensemble, ou
du moins dans sa majorité, a pour socle le consensus175.
Matérialisé par les conférences nationales qui auraient
servi de base aux dites constitutions, le consensus a irrigué la vie
politique des Etats africains jusqu'à ce que la nostalgie de «
président dinosaure »176 vienne le faire
disparaître. C'est cette rupture unilatérale du contrat social qui
a conduit dans la majorité des cas, à la crise. Au Togo par
exemple, après avoir appelé à adopter la constitution de
1992, le Président Gnassingbé Eyadema qui s'était vu
transformé en un ersatz administratif, n'a ménagé aucun
n'effort pour éroder peu à peu, les pouvoirs du Premier ministre
pour conduire au final à la révision du 31 décembre 2002.
Cet évènement, associé à la mascarade
électorale de 1998, a fracturé de façon inédite, le
tissu social ; fracture qui s'est perpétuée
174 Sur ce point consulter utilement le Dictionnaire de droit
international public op.cit., pp.45O-451
175 Selon le lexique des termes juridiques, le consensus en
droit constitutionnel peut s'entendre d'un accord général sur les
valeurs sociales essentielles et spécialement sur le régime
politique établi. Ce qui a pour effet de modérer les antagonismes
politiques (lutte dans le cadre d'un régime et non sur le régime
lui-même). Il peut aussi désigner la méthode d'adoption des
décisions consistant dans la recherche d'un accord mutuel sans que l'on
procède à un vote formel (ou même pour éviter de
recourir à un tel vote), GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), dir. ,
Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2003, p.152
176 LOADA (A.), « La limitation ...» op.cit.,
p.147
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jusqu'à ce jour. En Côte d'Ivoire, c'est
plutôt le concept d'« ivoirité »177 qui a
fait basculer le pays dans les affres d'une crise profonde, dont les effets ne
sont pas prêts d'être oubliés.
Les accords politiques viennent donc rendre
l'atmosphère moins tendue. Ils conduisent à un certain apaisement
qui dénote d'un certain consensus trouvé sur la vision nouvelle
de la vie en société. Le consensus retrouvé, la vie de
l'Etat reprend normalement ou du moins apparemment. Ce qui met la constitution
hors d'atteinte.
2 : La constitution mise hors d'atteinte
Le propre de tout système de crise est de
protéger le statu quo. Il s'assimile volontiers à la
mise au frigo du système normal, permettant de le conserver et de le
faire sortir une fois la menace vaincue. De même, les accords politiques
constituent une sorte de rempart qui protège la constitution et sur
laquelle viennent s'écraser toutes les menaces trimbalées par les
crises. Il s'agit au premier chef de la menace de l'armée.
En effet l'armée s'est toujours
considérée comme la conscience du peuple. Elle s'arroge
volontiers la mission de protéger les institutions, de les stabiliser ou
de les rentabiliser davantage. Le Colonel BOKASSA l'avait
systématisé en ces termes : « Si un jour il y a de la
pagaille ici, je n'hésiterais, je prends le pouvoir pour y mettre de
l'ordre »178. Cette théorie fut traduite dans les
faits par l'armée nigérienne en 1995 qui s'imposa par un coup
d'Etat, comme arbitre du conflit de compétence entre le conseil
constitutionnel, dont la décision a été violée par
la nomination du premier ministre HAMA Amadou, et le Président MAHAMAN
Issifou. Tout récemment, c'est l'armée togolaise qui s'est
illustrée en nommant au poste de Président de la
République par intérim Faure Essozimna GNASSINGBE, au
mépris des règles constitutionnelles prétextant le fait
que le pays était en passe de basculer dans une phase sombre de son
histoire. Or, le Président Oluségun OBASANJO rappelait volontiers
que « le régime militaire en Afrique a donné au malade
une thérapeutique pire que la maladie qu'il est sensé
guérir »179.
177 TOULOU (L.), « Election de la peur ou peur des
élections : dilemme et contretemps de la sortie de crise en Côte
d'Ivoire », inédit, p.5
178 GBEOU-KPAYILE (N.), L'armée et la
démocratie en Afrique, Mémoire de DEA Droit Public
Fondamental, Lomé 2004-2005, p .14
179Cité par VIGNON (Y.B.), « Coup
d'Etat... »op.cit., p.616
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Les accords politiques évitent donc « qu'il y ait
de la pagaille ici » et que l'armée se sente obliger d'intervenir
dans un champ qui a priori n'est pas le sien. Par ailleurs ils
permettent de renforcer le processus démocratique en branle depuis
quelques années.
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