Parmi les études portant sur le lien entre le
développement financier et la croissance économique, certaines
ont trouvé un lien positif tandis que les autres ont trouvé une
relation négative. Cependant, même quand une relation de
causalité est établie, son sens reste une ambigüité.
Selon Levine (1996) la liaison positive et forte entre le développement
financier et la croissance serait due au fait que le système financier
favorise la protection contre le risque, le partage de risque et l'allocation
optimale des ressources. En outre, l'existence d'un système financier
permettrait un meilleur contrôle des dirigeants et de l'entreprise par
les actionnaires et rend plus aisé la mobilisation de l'épargne
domestique et extérieure. De même, la présence d'un
système financier suffisamment développé faciliterait
l'échange de biens et services.
Dans ce contexte, diverses études (King et Levine,
1993 ; Levine and Zervos, 1998 ; Levine, 2002 et Beck et Levine, 2004) ont mis
en évidence des relations positives entre le développement
financier et la croissance économique. Ainsi, Levine et Zervos (1998)
ont montré que le développement du marché boursier affecte
la croissance par l'accumulation de capital et l'amélioration de la
productivité. Cette contribution des marchés financiers est faite
par le bais de la diversification efficace des risques, la meilleure
mobilisation de l'épargne et l'évaluation des projets
d'investissements qu'ils proportionnent. En effet, l'affectation optimale des
ressources devrait favoriser la hausse de la productivité du capital de
même manière qu'une meilleure mobilisation de l'épargne
permettrait d'accroitre l'investissement, renforçant ainsi les
conditions pour une croissance économique forte (Levine et Zervos,
1998).
Allant dans le même sens, la BAD a souligné que
le développement du secteur financier est un élément
essentiel du développement économique durable en ce qu'il
contribue de façon significative à une meilleure allocation des
ressources financières. Parallèlement, un accès accru aux
services financiers pour les plus pauvres notamment dans les zones rurales
contribue à la réduction de la
pauvreté7.
Toutefois, certains auteurs jugent que le rôle du
développement financier sur la croissance parait exagéré
et s'interrogent même sur la possibilité de l'existence d'un lien
de causalité inverse allant dans le sens du développement
économique induire le développement financier ; tandis que les
autres ont parvenu à des résultats ambigüs.
Ainsi, Joseph A. et all. (1998), dans une
étude sur les pays de l'Afrique au Sud du Sahara, ont conclut que
l'approfondissement financier semble avoir joué un rôle dans la
7 BAD Initiative des marchés financiers
africains de la Banque Africaine du Développement.
12
croissance réelle d'une grande majorité des pays
de l'UEMOA au cours de la période de 1970 à 1995, ainsi que dans
le cas du Cameroun entre 1963 et 1995. Selon ces auteurs, même si les
tests de causalité de Granger ont fait apparaître des relations
entre approfondissement financier et croissance réelle, le sens de ces
causalités n'a pas été le même pour tous les pays de
l'Union. Ainsi, l'hypothèse selon laquelle le développement
du système financier induit le développement réel dans les
pays à faible revenu n'a été vérifiée que
pour le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Mali et le Cameroun. En
revanche, la causalité inverse apparaît dans les cas du Burkina
Faso, du Sénégal et du Togo. Enfin, dans le cas du Niger, aucune
causalité n'a pas pu être mise en évidence. A la suite de
ses travaux, KOREM, A. (2005) cherchant à évaluer l'impact de
l'approfondissement financier sur la mesure de la croissance économique
togolaise à court et long terme de 1965 à 2002, a
trouvé une relation positive entre le développement financier et
la croissance du secteur réel, mais le sens de causalité entre
les différentes variables financières et la mesure de la
croissance économique reste mitigé. Ces résultats mettent
en évidence les ambigüités des études empiriques sur
cette question. A la suite des travaux de Patrick (1966) et compte tenu du
niveau de développement de ses pays, il est attendu un lien de
causalité direct entre l'approfondissement financier et la croissance
économique, car « c'est le développement financier qui
induit le développement économique 8».
Les autres études analysant le type de financement ont
trouvé qu'un financement centralisé favorise la
réalisation des projets d'investissement à long terme. Ainsi,
dans un modèle de croissance endogène fondé sur
l'innovation, Aimable, B. et Chatelain J.B (1995) ont conclut que le mode de
financement par petits prêteurs, en présence d'asymétrie
d'information, conduit à écarter les projets d'innovation de long
terme, même lorsqu'ils sont profitables. En revanche, le financement par
un système bancaire centralisé caractérisé par la
proximité avec l'entrepreneur, favorise la réalisation des
projets d'investissement de long terme et, par conséquent, la croissance
est plus rapide dans le dernier système.
Dans cette analyse de l'influence du type de système
bancaire sur le financement, Steinher et Huvenneers (1994)9 ont
trouvé que dans un système où les écarts des
taux
8 Selon Patrick (1996) deux phases sont identifiées
dans le processus du développement du secteur financier. Dans la
première, qu'elle a appelée de « supply leading »,
l'approfondissement financier permet, comme chez Schumpeter, le transfert des
ressources d'un secteur traditionnel peu productif vers un secteur moderne plus
efficace. Transfert nécessairement progressif, eu égard aux
risques de faillite des institutions financières qu'il peut
provoquer.Une fois cette première étape franchie, le sens de
causalité s'inverserait. C'est la phase de « demand following
» où le système financier répond de manière
passive à la demande de services qui s'adresse à lui.
9 Cités par Aimable, B. et Chatelain J.B
(1995).
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d'intérêts débiteurs et créditeurs
sont peu élevés, la croissance économique est plus rapide.
Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que dans un tel
système, l'épargne est encouragée permettant aux banques
de disposer des ressources longues pour financer les projets d'investissement
productifs à long terme.
Varoudakis, A et Berthélemy J-C. (1998), ont abouti
à un résultat différent, utilisant les données de
panel. Selon eux, ce paradoxe est lié aux effets de seuil
découlant des équilibres multiples qui empêche la prise en
compte adéquate des effets de développement financier sur la
croissance par les régressions linéaires.
Même si le sens de causalité entre le
développement financier et la croissance économique n'est pas
toujours évident, il semble que le secteur financier joue un rôle
important dans le financement des économies. Dans ce contexte, la
maîtrise des facteurs qui peuvent induire ce développement
revêt un caractère primordial.