3.3 Une certaine population
La plupart des résidents de la maison
dépend du CPAS, n'ayant pas de revenus suffisants pour se prendre en
charge (SPF 2009 : 30). Cela rejoint les observations d'Hélène
Thomas (2010) qui remarque une grande proportion de classes populaires dans les
maison de rep os36. Isabelle Mallon (2005), elle, précise que
si les personnes de milieux aisés font plus facilement le choix de venir
en maison de repos, les personnes de milieux populaires, plus attachées
à leur domicile, ne prendront la décision d'entrer en
établissement que par défaut, en dernier recours. Ceci ne
facilite alors pas l'adaptation à la vie institutionnelle. Goffman
(1968) le confirme : les reclus demanderont un plus long temps d'adaptation si
il n'ont pas fait le choix d'entrer en établissement. Et de fait,
d'après le directeur, ces personnes sont plus exigeantes, plus
récalcitrantes aux normes, que les « payantes » comme il les
appelle.
Face à cette population moins aisée, il
existe dans la maison tout un système de redistribution des biens afin
d'aider les résidents à recréer un cadre de vie «
digne ». Des brocantes se voient organisées à intervalles
réguliers où les résidents peuvent acheter, pour un prix
symbolique, des vêtements, des bibelots de toute sorte, des sacs, des
chaussures, etc. Les
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meubles des défunts isolés sont
stockés à la cave, permettant aux nouveaux arrivants, parfois ne
possédant qu'une valise de vêtements (et encore), de meubler leur
chambre et de rendre le cadre de vie plus agréable et pratique. La
lingerie garde également en réserve de nombreuses pièces,
comme des chemises de nuit, des sous-vêtements, des pulls, à
disposition des résidents. Ainsi j'ai rencontré Mme De. qui,
arrivée à la maison avec les seuls habits qu'elle a pu
récupérer de son ancien appartement (son manteau de fourrure et
quelques pièces légères), a alors reçut une chemise
de nuit de la maison et des pantoufles « d'une autre qui était
morte hein ! Mais bon, moi j'm'en fous, j'en avais pas, alors j'suis bien
contente ! ».
Lors de mes premières visites, comme je le
développais plus haut, j'ai été choquée de la
non-communication entre résidents. Selon Isabelle Mallon les maisons de
repos accueillant une population aisée, connaissent une certaine
sociabilité : les résidents entretiennent entre eux de nombreux
« liens faibles ». De l'autre côté, dans les maisons de
repos accueillant une population moins aisée, la sociabilité
reste très faible. Les résidents alors évitent les
relations plus profondes avec d'autres résidents, au risque de les voir
devenir des « relations d'interdépendance pesantes » (2005 :
47). J'y reviendrai dans la suite du mémoire.
Encadré 2 : L'entraide (1)
Il existe néanmoins une forme d'entraide dans
le groupe des résident : Mr Br. face à l'injustice que subissait
son ami Mr Lef., ne recevant pas de gaufre comme les autres s'insurge ! Mme
Redman, l'ergothérapeute, a répondu que « moi au moins, je
prends soin de sa santé ! » Mr Lef. étant diabétique.
Mme De. prit sous son aile Mme Vin., nouvelle arrivante, et la guida dans les
maisons et les activités ; Mr K. fait les courses pour l'un ou l'autre
résident immobilisé ; Mr Le. se charge de transmettre directement
chez la chef de service les demandes de l'un ou l'autre de ses voisins ;
etc.
D'un côté donc, on assiste à une
redistribution des biens, un partage collectif mais de l'autre à des
rapports sociaux de non-engagement, de non-participation. D'un
côté, les résidents sont dépendants des personnes
décédées ; de l'autre, totalement indépendants des
vivants. Ceci peut être considéré comme une
caractéristique des maisons publiques.
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