CHAPITRE 5 :
COUP D'OEIL SUR L'ORGANISATION OFFICIELLE
Mettant en avant l'organisation officielle de la
maison de repos et de soins, ce chapitre se divise en deux parties : la
présentation de l'organigramme et la présentation des divisions
spatiale, temporelle et fonctionnelle au sein de l'établissement.
Toutefois, je n'entrerai pas ici dans les détails précis. Il
s'agit de donner au lecteur une vue d'ensemble de l'organisation de la maison
car « on ne peut [.. pas] faire de bonnes études au niveau
microscopique sans une identification soigneuse et précise des
conditions structurelles y afférant [...] » (Strauss 1992a : 13).
Des points plus ciblés, concernant les tâches précises
(reprises dans les « profils de fonction » du personnel) seront
abordés au cours des chapitres suivants, en regard avec mes
observations. Je me tourne ici vers l'approche de la pragmatique sociologique,
et propose la première forme d'entrée dans l'action sociale :
« observer les appuis conventionnels au repos, inscrits dans la
matière, par l'intermédiaire d'objets, d'écrits ou plus
généralement de traces de l'activité humaine » (D
odier 1993 : 80).
5.1 La structure de la maison
«Bonjour Mme Orban, En dessous, vous trouvez
quelques documents concernant notre maison de repos. N'hésitez pas
à me contacter en cas de questions. Structure: 137 lits, 78 MRS + 59 MR.
Age: +-82 ans. Bonne journée. » documents joints : organigramme
interne, organigramme général, convention du CPAS,
règlement d'ordre intérieur, historique de la maison, projets
d'animation et programme des mois de mai 2012 et juin 2012. (mail du
04/09/2012)
J'ai ainsi reçu deux organigrammes (interne et
externe)41 alors que je n'étais pas encore acceptée
officiellement (en attente de la réponse du CPAS). Que nous
révèlent-ils ? La citation suivante, certes un peu longue,
explique bien les avantages et inconvénients de ce type de document
:
« L'organigramme est une description discutable
de la structure. La plupart des organisations le trouvent toujours
indispensable et, inévitablement le donnent avant tout autre
élément quand elles veulent décrire la structure. [...
Malgré les réticences de spécialistes d'organisation] Il
ne faut pourtant pas rejeter l'organigramme ; il faut plutôt le
considérer avec un peu de recul, comme un document qui donne des
informations utiles, même s'il omet d'autres informations
également
40
valables. L'organigramme est un peu comme une carte ;
une carte est en effet précieuse pour repérer les villes et les
routes qui les relient , mais elle ne dit rien des relations économiques
et sociales de la région. Parallèlement, même si
l'organigramme ne décrit pas les relations informelles, il donne une
image exacte de la division du travail et indique au premier coup d'oeil : 1)
quels postes existent dans l'organisation; 2) comment sont-ils groupés
en unités et 3) comment l'autorité formelle circule entre eux
(Mintzberg 1998 : 52).
Voici donc l'organigramme interne, simplifié,
de la maison de repos et de soins inspiré du document officiel (en
annexe) :
![](La-negociation-de-la-prise-en-charge-dans-une-maison-de-repos-et-de-soins-bruxelloise7.png)
Organigramme simplifié
Il existe officiellement quatre groupes distincts
travaillant de façon autonome : le groupe « nursing
»42 comprenant tout le personnel nursing (infirmières,
aides-soignantes, aides-logistiques) et le personnel plus extérieur mais
alloué aux MRS, à savoir, l'ergothérapeute, le
kinésithérapeute et l'animatrice. Il s'agit du groupe le plus
peuplé43 de la maison et le plus hiérarchisé.
Le groupe logistique comprend tout le personnel d'entretien et
d'hôtellerie, soit environs 27 pers onnes44. Le
troisième groupe, comprenant le personnel administratif, compte entre 7
et 8 pers onnes45. Les externes enfin, une dizaine, sont les
personnes indépendantes de la maison, engagées au niveau du CPAS
et travaillant également dans d'autres structures publiques. L'existence
de ces différents groupes ne facilite pas la communication au sein de la
maison, notamment pour les résidents : Mr Li. témoigne ainsi
:
42 J'entends par «groupe nursing », tous les
membres du groupe ; par «personnel nursing », les infirmières,
aides-logistiques, aides-soignants ; par « personnel soignant »
infirmiers et aides-soignants seulement.
43 Infirmiers 15 ETP (tous temps plein sauf deux
mi-temps) = 16 infirmiers ; Aides-soignants 28 ETP (10% temps plein et 90%
entre 20 et 32h semaine) = +- 39 aides-soignantes ; Aides-logistiques 12 ETP =
12 personnes ; Ergothérapeute 0,90 ETP = 1 personne ; Animation 0,90 ETP
= 1 personne ; Kinésithérapeute 2,60 ETP = 3 personnes. Au total,
le groupe nursing compte environs 72 personnes. A cela, il faut ajouter la
directrice nursing (1) et le secrétariat (4-5 personnes).
44 +- 23 ETP dont 80% à temps plein, soit +- 18
personnes à temps plein, et 6ETP d'une moyenne de 26h/semaine, soit 9
personnes.
45 Administration : 7,5 ETP. Ne sachant pas s'il
s'agit de temps pleins ou partiels, je me base sur mes observations : un faible
« turn over » me fait supposer qu'il s'agit pour la plupart de temps
pleins.
41
« on sait jamais quand [une demande] reviendra !
D'ailleurs parfois ça revient jamais ! ». Mr Li. « subit
» la hiérarchie décisionnelle : sa demande monte vers les
chefs de groupes puis redescend et peut ainsi facilement se perdre.
Encadré 5: L'avantage des
courts-circuits
« [Le personnel] ne dit jamais non ici ! Toujours
oui : oui je le signalerai, oui je m'en occuperai, oui
je l'inscris pour demain... Je n'ai jamais entendu, en 3 ans, quelqu'un du
personnel dire «non ce n'est pas possible... Mais y a pas de suite alors
hein, ça se perd parmi l'une ou l'autre personne ici... » (Mr. K.)
; « Ici, ils vous répondent toujours, mais c'est des
«non-réponses »46 que moi j'appelle ça !
Dans le sens, ils vous répondent mais ils disent qu'ils n'y sont pour
rien, que c'est la faute à untel, au directeur, aux cuisines bruxell
oises47, ou alors à un autre... ils nous prennent pour des
gosses, à qui on répond pas ! » (Mme Du.)
Comment font les résidents lorsqu'ils ont une
demande rapide à formuler ? Subissent-ils cette « gangrène
administrative » (de Hennezel 2004) fait de « non-réponses
» ? Ou
profitent-ils cette division hiérarchique
?
Que faites-vous en cas de lampe cassée ?
« ah ça je sais pas... je n'ai pas encore eu le cas. C'est
sûrement l'homme à tout faire qui vient, l'intendant, je sais pas
comment on appelle ça. » (Mme De.) ; « il faut sonner hein...
je ne sais pas qui il faut appeler mais on peut toujours appeler quelqu'un...
» (Mme Ve.)
D'autres résidents par contre ont appris
à jouer avec cette structure. Mr K., Mme Du., Mme Van., Mr Bou. savent
exactement quoi demander à qui : ils arrivent ainsi
à contourner la
lenteur de l'organisation :
«J'arrive toujours à avoir ce que je veux
! Je sais à qui et quand il faut demander. Je vais pas interrompre
quelqu'un qui n'y connait rien et qui n'est pas du service. Il va vous envoyer
au diable ! Donc ça sert à rien d'aller le voir lui ! » (Mme
Du.) ;
« Je préfère demander à la
dame du bureau en bas, qui est une personne indépendante, qui sort tous
les jours, je lui demande et j'ai toujours satisfaction, parce que je ne
demande pas la mer à boire hein ! » Faut savoir à qui
demander quoi ! « Oui, oui, mais les personnes qui arrivent ici, les
premières semaines, y a pas une personne qui est habilitée
à expliquer comment ça va, qui sont les chefs, et comment... non,
il faut qu'ils sucent ça du pouce hein ! » (Mr K.)
Comment expliquer ces types contrastés de
comportements ? Tout d'abord, le degré de
démence joue énormément, une
personne tout à fait autonome et saine d'esprit retiendra et comprendra
plus facilement les noms des responsables et la structure de la
maison.
Ensuite, il semblerait que le critère
d'ancienneté joue un rôle important : « on apprend petit
à petit... » (Mr Boe. résident depuis 2 ans) ; « Je
suppose que [la personne appelée] le
transmet à la personne qu'il faut, moi je
connais pas les responsables, peut-être que quand j'en aurai besoin je
les connaîtrai... » (Mme B o. résidente depuis 2 mois).
Enfin, le fait de pouvoir se déplacer semble un critère
essentiel48 pour court-circuiter la hiérarchie :
|
46 Notons ici le comportement de Paola. Afin
d'éviter ces « non réponses » concernant leurs
médicaments, elle demande à Bernadette, de lui laisser de temps
en temps préparer les médicaments. Ainsi, se tient-elle
informée des changements de traitements, révise les notices,
bref, elle est à même de répondre correctement aux
résidents face à leurs nombreuses pilules, et ce, par initiative
personnelle.
47 Organisation chargée d'apportée les
repas dans tous les établissements du CPAS de Bruxelles.
48 Certes des contacts par téléphone
peuvent être établis, comme Mr Bou. le fait, mais il faut savoir
que le téléphone est payant dans cette maison de repos et de
soins, tous les résidents ne le possèdent donc pas.
49 Mintzberg note que paradoxalement, au bout de cette
évolution se retrouve parfois l'ajustement mutuel, mécanisme de
coordination palliant aux effets négatifs de la
standardisation.
42
« Celui qui sait marcher ça va... mais
celui là qui sait pas marcher... il appelle l'infirmière et
l'infirmière téléphone à la chef entretien et ...
elle téléphone à quelqu'un du service, d'entretien aussi,
parce qu'ils font tout ces deux là ! » (Mr K. à propos d'une
lampe cassée)
Une stratégie également utilisée
par les résidents pour court-circuiter la structure s'illustre par le
réseau inter-résidents présent dans la maison. «
ça va bien plus vite qu'on n'croit ! » me dit Mme Annette, se
chargeant des courses extérieures. Les commandes se passent ainsi entre
les uns et les autres pour que le premier entrant en contact avec Mme Annette,
les lui transmette.
|
Henry Mintzberg dans ses travaux tente de «
comprendre la manière dont les organisations s'y prennent pour formuler
leurs stratégies » (1998 : 9), autrement dit, comment ces
dernières se structurent, comment elles mettent en pratique, ou encore
comment elles rendent concrète la réalisation de leur projet et
de leurs objectifs.
L'organigramme présenté donne
déjà une partie de réponse, l'autre partie sera à
chercher dans les observations empiriques. Dans le chapitre 2, je montrais
l'évolution de la nature de la direction et de la population
fréquentant l'établissement pour arriver aujourd'hui à une
explosion tant du personnel (105 d'après Mr Marc) que des
résidents (32 vieillards en 1805, 137 aujourd'hui). Selon Mintzberg
« toute activité humaine organisée [...] doit
répondre à deux exigences fondamentales et contradictoires : la
division du travail entre les différentes tâches à
accomplir et la coordination de ces tâches pour l'accomplissement du
travail » (1998 : 18). Cela implique que « la réalisation de
l'objet [...] repose sur l'exercice de certaines activités par certaines
personnes au moment voulu » (Becker 1988 : 37). Au fur et à mesure
que l'organisation gagne en taille (et en âge), elle verra ses
mécanismes de coordination évoluer, passant ainsi de l'ajustement
mutuel (coordination informelle), à la supervision directe (un
responsable du travail des autres), à la standardisation -- du travail
et/ou des produits et/ou des qualifications - (chacun sait alors ce qu'il a
à faire)49.
De plus, cette spécialisation du travail touche
depuis peu et fortement le domaine du soin, du « care ». On assiste
depuis les années 1950, à une explosion des métiers autour
de la prise en charge de la personne fragilisée : « historiquement,
à l'exception des actes médicaux, l'aide-familial-e était
donc polyvalent-e et effectuait des tâches ménagères,
d'accompagnement à la gestion du ménages (sic.), de
présence active auprès des bénéficiaires,
éducatives... il ou elle produisait également les soins de
confort (non médicaux) aux bénéficiaires [...] Mais,
au
43
fil du temps, une série de métiers ont
vu le jour, pour répondre aux différentes demandes. Sont ainsi
apparus les métiers d'aide-ménager-e social-e, de garde à
domicile et, tout récemment, celui d'aide-soignant-e, afin de pallier le
manque d'infirmier-es sur le marché du travail » (Dieu et Pironet
2010 : 2). S'ensuivit notamment une dévalorisation du métier
d'aide familiale et de femme ménagère (ayant elle aussi dans les
années 70, un rôle d'accompagnement et d'aide à la
personne). Michel Foucault montre également l'évolution du
rôle du médecin, dans les hôpitaux, au cours des trois
derniers siècles : de plus en plus présent, le médecin
supplante le personnel religieux et ne lui confie plus qu'un rôle de
subordonné, se crée alors la fonction d'infirmier
remplaçant ce personnel. D'un lieu d'assistance, l'hôpital devient
un lieu de connaissance et de savoir sur le corps (1975 : 218). Bref, on
assiste aujourd'hui à une professionnalisation, une externalisation du
« care » (Da Roit et Le Bihan 2009), sous-tendant une
hiérarchisation des métiers tournant autour de la personne
fragilisée (Rigaux 2012).
La maison de repos et de soins observée a ainsi
connu la même évolution de professionnalisation du soin : passant
d'une organisation à ajustement mutuel, la structure actuelle tend
plutôt vers la supervision directe (via les différents chefs) et
vers la standardisation permettant la coordination sans supervision
:
« Je joue à la responsabilisation, je vais
pas courir après toi chaque fois, tout est noté, toutes les
tâches sont attribuées, comme ça, tout le monde sait ce
qu'il a à faire» (Mr Val. inf. chef) ; «moi quand j'envoie une
aide-soignante dans une chambre, je dois pas lui dire ce qu'il faut faire !
Elle a appris, elle doit savoir ses tâches. Si elle sait pas, alors y a
un problème » (Mme Oste, inf. chef)
Néanmoins, si « chacun sait ce qu'il peut
faire », l'accession à ce savoir diffère selon les
fonctions. Dans le cas de métiers spécialisés
('cinésithérapeute ; ergothérapeute ; médecin ;
infirmier ; aide-soignant50), c'est la standardisation par
qualifications qui coordonne le travail. Attention, en pratique me dit Mme Oste
: « parfois les infirmières font trop ou alors les ergo et les
'cinés viennent trop dans le travail des infirmières, et on ne
sait plus où est la limite ! ça c'est souvent source de conflit
».
Il faut aussi noter qu'il y a une dizaine
d'années, « c'était le monde à l'envers! »
(Dr.Tudor) : les infirmières se voyaient exécuter les ordres des
aides-soignantes « et limite, elles, elles répondaient aux
aides-ménagères ! » ajoute-t-il. Aujourd'hui, suite à
l'engagement de personnel infirmier supplémentaire ainsi qu'au
désir de la direction de réinsérer une hiérarchie
stricte et de resserrer le contrôle sur le personnel, il n'en est plus
ainsi.
50 Fonction ambiguë : Elles ont certes suivis une
formation d'un an mais ne sont pas pour autant
spécialisées.
51 Médecins, ergothérapeute, infirmiers,
aides-soignants, etc. sont formés à l'extérieur
(haute école, université).
44
Officiellement la standardisation par qualification
devrait régir les relations médecin / infirmier ou
infirmier/aide-soignant, mais cela s'avère plus complexe en pratique,
l'expérience des uns et des autres et le fait de devoir travailler en
équipe brouillant les frontières (cf. Chapitre 8). Pour y
remédier, sont apparus les « profils de fonction », documents
reprenant toutes les tâches tombant sous la responsabilité de
chaque fonction, illustrant la coordination des procédés de
travail (Mintzberg 1998). Les soins prodigués par l'équipe
nursing oscillent donc entre standardisation des qualifications et des
procédés. Les tâches des aides-logistiques et
aides-ménagères, ne demandant aucune formation préalable,
sont apprises au sein même de l'établissement51.
Mintzberg (1998 : 109) appelle cela la « formation »,
c'est-à-dire le processus par lequel la personne intègre les
connaissances, les aptitudes relatives à sa tâche et les
conventions de l'organisation (Becker 1988). Il s'agit également ici
d'une standardisation des procédés : le contenu du travail est
programmé.
Toutefois, des mécanismes officiels
d'ajustements mutuels prennent également place dans la coordination des
activités : il s'agit des rapports quotidiens lors des roulements
d'équipe et des réunions interdisciplinaires. Mintzberg les nomme
« comités permanents », c'est-à dire des «
groupement[s] interdépartementa[ux] de nature stable qui [sont]
réuni[s] régulièrement pour discuter de sujets
d'intérêts communs » (1998 : 158). Ce premier ajustement
s'effectue pour des raisons pratiques : seules quelques soignants (souvent 3)
assurent le service de nuit, le rapport permet donc à ces
dernières d'informer les équipes de jour des
événements nocturnes. De cette façon, la communication
entre services est rapide, précise et efficace. La
nécessité d'ajustement mutuel est moins évidente pour les
réunions interdisciplinaires, discutant de questions plus «
importantes » (comme « placer » la personne en soins
palliatifs). Ces décisions pourraient, comme toutes les autres,
être prises au niveau individuel ou en petit comité et être
inscrites, parmi les autres sur le mur du local infirmier. Cependant, le
docteur Tudor m'explique que ces réunions sont nécessaires vu la
délicatesse des sujets abordés et surtout
l'émotivité qu'ils entraînent. La présence de ce
mode de coordination illustre une nouvelle approche de la personne,
éloignée de l'approche hospitalière (Strauss 1992b ;
Castra 2003). Je reviens sur ces réunions plus loin (cf. chapitre
6).
La structure de la maison balance donc entre un mode
de bureaucratie mécaniste (notamment formation interne du
personnel comme les aides-logistiques ou les aides-ménagères) et
un mode de bureaucratie professionnelle (formation externe du
personnel comme les infirmières ou les médecins). Cette tension
mécaniste/professionnelle s'illustre
45
également dans le type d'organisation propre aux
différents groupes52 :
· Au sein du groupe nursing, s'opère une
hiérarchie assez rigide, illustrant une structure dite « pointue
» : la directrice nursing contrôle les trois chefs infirmiers (aux
trois étages), eux-mêmes contrôlant les infirmiers, ces
derniers, les aides-soignants, et les aides-soignants, les aides-logistiques.
Ce groupe constitue la principale « ligne hiérarchique » de la
maison (Mintzberg 1998).
· Le groupe des externes constitué de
personnes plus indépendantes n'est pas repris dans l'organisation
interne de la structure. Cela peut d'ailleurs être source de tensions :
« les professionnels dans ces structures ne se considèrent
généralement pas comme faisant partie d'une équipe. Pour
beaucoup d'entre eux, l'organisation est presque accessoire, c'est un endroit
commode pour exercer leur profession» (Mintzberg 1998 : 331). Cette
tension, je l'ai constatée entre le directeur, Mr Marc et le docteur
Tudor. Ainsi ce dernier m'a relaté la « guerre » qui se jouait
entre eux autour du protocole à effectuer lors du décès
d'une personne. Le docteur Tudor s'insurge contre le fait de le faire venir
constater la mort pendant la nuit :
«Alors l'infirmière de nuit, elle
m'appelle et elle me dit : « Monsieur untel est
décédé », mais que voulez-vous que j'y fasse moi ?
Ça va rien changer que je me pointe à 3h du mat' à la
maison hein ! Il est mort, il est mort, ça peut attendre quelques
heures! C'est pas humain ça d'appeler un médecin en pleine nuit
pour qu'il se relève, moi je trouve que c'est pas humain ça !
Alors, depuis que c'est le nouveau directeur, on m'a appelé 3x le
premier mois ! La première fois, je reste calme, j'explique que je
verrai le cas le lendemain matin, la deuxième fois, je m'énerve
un peu mais toujours calme, mais la troisième fois alors ! Là je
l'ai engueulée la pauvre infirmière ! « C'est honteux
d'appeler des gens dans la nuit comme ça !! faites un peu preuve de bon
sens nom de dieu ! » que j'lui ai dit... oh la pauvre, elle n'y peut rien
elle... elle ne fait qu'appliquer ce qu'on lui a dit de faire, et si elle le
fait pas, c'est elle qui se fait taper sur les doigts... » (Dr.
T).
· Au sein du groupe d'entretien, une dynamique
différente prend forme : certes, il y a une chef, Mme Moreau,
dépendant directement du directeur, mais sous elle se trouve directement
la masse du personnel, sans hiérarchie entre eux, Mintzberg (1998) parle
de structure « aplatie ». Je développerai cette situation et
ses implications dans le chapitre consacré aux
aides-ménagères (cf. chapitre 9).
52 Je ne traiterai pas du groupe administratif ici,
n'ayant pas assez d'information sur leur type de coordination.
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