4.2 Une taille et un prix
Pour rappel, les maisons de repos (et de soins)
privées sont généralement de plus petite taille que les
maisons publiques et les ASBL. Un établissement
(privé/public/ASBL confondus) compte en moyenne à Bruxelles, 86
places (87 pour la Flandre, 69 pour la Wallonie) (INAMI 2013).
L'établissement étudié en comptant 137, il s'agit d'une
structure plus importante que la moyenne belge et bruxelloise.
Question de prix : au-delà du fait que «
les chambres d'une maison de repos peuvent [..] fortement différer
» en fonction de la taille, la vue, les rénovations, les
équipements, etc. (SPF 2009 : 23), le prix moyen d'une chambre à
Bruxelles s'élève à 35,5€ / jour (Flandre 41€/j.
et Wallonie 32€/j.). Dans notre cas, le prix journalier tourne autour de
43€ selon les facilités de la chambre. Cela signifie en terme de
population fréquentant l'établissement, que les personnes
payantes, sont des personnes assez aisées. Il y aurait donc un contraste
entre les personnes dépendantes du CPAS, plus démunies, et ces
personnes payantes. Cependant, je ne l'ai pas remarqué lors de mes
observations.
4.3 Une certaine population
Il est reconnu, les femmes ont une espérance de
vie plus longue que les hommes. À Bruxelles en 2008, la population des
85+ compte 74% de femmes39. « Il en résulte que les
personnes seules très âgées sont surtout des femmes et
qu'elles sont donc surreprésentées en maisons de repos et de
soins » (T.d.b. 2010 : 251). Ceci s'illustre également dans
l'établissement investigué. Or, tout à fait par hasard,
j'ai récolté les témoignages de 7 femmes et 7 hommes. Si
ceci semble égalitaire de premier abord, cela ne représente pas
le sexe ratio de la population générale ; ce n'est donc pas un
« échantillon représentatif ».
L'établissement fait aussi écho à
un autre constat démographique bruxellois : la proportion croissante de
jeunes personnes (20-40ans) non-belges (T.d.b 2010 : 18)40. En
effet, si la plupart des résidents sont d'origine belge, la plupart du
personnel provient du nord ou du centre de l'Afrique. Le directeur m'a
d'ailleurs confié que cette situation selon lui ne convient pas aux
résidents : venant de mondes trop différents, aucune
communication entre personnel et résidents ne serait possible, ce qui
selon lui amène des états de dépression et
d'anxiété du côté des personnes âgées.
Selon Hélène Thomas, la tension est inévitable : on
demande à des
38
femmes « peu qualifiées, au statut
précaire, issues de classes populaires » (2010 : 66), de faire
preuve de conversation, de tact, de sollicitude, bref, de «
compétences relationnelles sophistiquées » (idem:
67) et ce, pour un salaire peu élevé.
A titre plutôt anecdotique, Hulin et Blood
(1968) ont montré que les ouvriers de milieu urbain s'accommodaient
mieux à la routine au travail que leurs confrères ruraux. Ceci
serait dû au fait que, dans une ville, les personnes
préfèrent moins s'investir dans leurs relations sociales et
professionnelles. Pour ce mémoire, cela signifierait que le personnel
d'une maison de repos bruxelloise s'acclimaterait facilement au travail de
soin, assez routinier. D'après mes observations et témoignages
récoltés, si certes le personnel pointe cette routinisation du
travail, seule une aide-soignante s'en est réellement plainte. J'y
reviens au chapitre suivant.
***
Une maison de repos et de soins, publique, bruxelloise
amène dans un lieu fermé une population aux profils très
hétérogènes : des résidents déments,
valides, invalides, autonomes, de moyenne d'âge de 82-83 ans,
principalement d'origine belge ; un personnel souvent d'origine
étrangère, parfois peu ou pas qualifié ; des
professionnels de tous horizons : social, juridique, médical,
comptabilité, ... illustrés dans les différentes fonctions
travaillant dans l'établissement ; des carrières très
diverses également : 20 ans de carrière pour certains, stage de 3
semaines pour d'autres, période de 12 à 18 mois pour les «
articles 60 », période de transition avant de chercher un autre
emploi pour les derniers, ... ; femmes et hommes ; vieux et jeunes ;
dépendants du CPAS et «payants » ; ... Un beau melting-pot
comme dit chez nous !
Comment alors ce lieu hétérotopique,
illustrant « la plus petite parcelle du monde, et [...] la totalité
du monde du monde » (Foucault 2004 : 17), notamment pour les
résidents ne pouvant plus se mouvoir hors des murs de l'institution,
prend-t-il forme officiellement ? Comment chacun arrive-t-il à trouver
sa place ? Le chapitre suivant tend à expliquer comment de
façon officielle tout ce petit monde s'organise quotidiennement et
ainsi montre la place que chacun occupe dans la hiérarchie du travail.
Les résidents sont dans le prochains chapitre évincés,
étant, je le rappelle, considérés comme clients
à satisfaire donc n'entrant d'aucune manière officielle dans
la division du travail.
39
41 Annexe 3.
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