Analyse juridique de l'infraction d'enrichissement illicite et la problématique de sa répression en droit pénale burundais( Télécharger le fichier original )par Sadate Steven et Marthe NGABISHENGERA et NDIKURIYO Université Martin Luther King - Burundi - Licence en droit 0000 |
CHAPITRE I : GENERALITES SUR L'INFRACTIOND'ENRICHISSEMENT ILLICITESous ce premier chapitre nous dégageons successivement les notions générales sur l'enrichissement illicite dans sa première section où nous donnons quelques définitions, les éléments constitutifs de l'infraction de l'enrichissement illicite et les spécificités de celle-ci. Les notions connexes à l'infraction d'enrichissement illicite occupent la deuxième section avant de parler de ses causes et ses conséquences dans la troisième section. Section I. Notions générales sur le concept de l'enrichissement illiciteToute augmentation des biens du patrimoine doit être justifiée par des ressources légitimes faute de quoi elle est suspecte et constitue une menace à la société. Les auteurs des différentes définitions données à l'enrichissement illicite convergent au caractère de celui-ci qui est une absence de justification des biens nouvellement acquis. Les instruments internationaux qui luttent contre le fait d'enrichissement illicite ont été ratifiés par le Burundi et le fait a été érigé en infraction par le législateur pénal burundais. Le fait réunit tous les éléments requis pour toute infraction et présente ses spécificités. §.1 DéfinitionsEtymologiquement, le terme «illicite» vient du mot latin «illicitus», l'adjectif qui désigne ce qui n'est pas permis par la loi ou la morale. L'enrichissement illicite est un concept qui désigne le fait de s'enrichir par des moyens contraires 7 à la loi.8 D'habitude, la notion est employée pour faire allusion aux fonctionnaires publics qui profitent de leur pouvoir et de leur autorité pour réaliser des activités illégales ou qui obtiennent de l'argent grâce à des pots-de-vin. Dans la CNUCC, l'enrichissement illicite est défini comme : «une augmentation substantielle du patrimoine d'un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à des revenus légitimes»9. Il y a une augmentation substantielle du patrimoine d'un individu, mais avec la particularité que les revenus de cet individu ne peuvent pas être justifiés en qualité et en quantité. La Convention Interaméricaine contre la corruption, dans le même ordre d'idée, considère l'enrichissement illicite comme une augmentation significative du patrimoine d'un fonctionnaire qu'il ne peut raisonnablement justifier par rapport aux revenus perçus légitimement dans l'exercice de ses fonctions.10 La Convention de l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption va plus loin en définissant l'enrichissement illicite comme: « Une augmentation substantielle des biens d'un agent public ou de toute autre personne que celui-ci ne peut justifier au regard de ses revenus»11. La responsabilité pénale ne se limite pas seulement à la personne de l'agent public, mais aussi à toute autre personne, soit publique ou privée dont l'augmentation de biens ne peut être justifiée par ses revenus légitimes. 8 http://lesdefinitions.fr/illicite, visité le 03/02/2013. 9Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003, art.20, Résolution 58/4 de l'Assemblée Générale des N.U du 31 octobre 2003, en ligne : www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/Convention/08-50027_F.pdf , visité le 19/03/2013 10Convention Interaméricaine contre la corruption du 29 mars 1996, art. IX, en ligne : www. conseilsgratuits.wordpress.com/2009/09/08/convention-interamericaine-contre-la- corruption/, visité le 22/06/2013. 11 Convention de l'Union Africaine sur la Prévention et la Lutte Contre la Corruption du 11 juillet 2003, art. 1, en ligne :www.africaunion.org/Official_documents/Treaties_Conventions_fr/Convention%20sur%20la%20 lutte%20contre%20la%20corruption.pdf, visité le 22/06/2013.. 8 Selon la loi malienne portant répression du crime d'enrichissement illicite: «Ont le caractère de biens illicites ceux acquis à l'aide d'infraction à la loi (vol, corruption, concussion, extorsion de fonds, trafic d'influence, fraudes économiques ou fiscales, perception de commission ou tout autre moyen analogue en fraude des droits de l'Etat, des collectivités, des sociétés et entreprises d'Etat, des divers organismes publics et parapublics)».12 Le législateur pénal burundais a érigé le fait d'enrichissement illicite en infraction. Nous rappelons qu'il faut entendre par infraction, le comportement actif ou passif (action ou omission) prohibé par la loi pénale et passible selon la gravité de la peine principale, soit criminelle, soit correctionnelle, soit de police, éventuellement assortie de peines complémentaires ou de mesures de sûreté.13 Il s'agit également d'un terme générique englobant « crime, délit ou contravention » qui comprend trois éléments à savoir l'élément légal (l'existence d'une incrimination légale), l'élément matériel (action ou abstention qui forme la base de cette infraction) et l'élément psychologique ou moral (intention délictuelle).14 Le code pénal burundais définit l'infraction comme étant une action ou une omission qui se manifeste comme une atteinte à l'ordre social et que la loi sanctionne par une peine.15 12 Loi no82-39/AN-RM du 26 mars 1982 portant répression du crime d'enrichissement illicite au Mali, art.2, publié sur : www.droit-afrique.com/images/textes/Mali/mali%20-%20enrichissement%20illicite.pdf ,visité, le 19/03/2013. 13 CORNU G., vocabulaire juridique, 8 éd., Quadrige, PUF, Paris, 2009, P.490. 14 Idem, p.490 15 Loi n° 1/05/ du 22 avril 2009 portant révision du code pénal burundais, art.1, in B.O.B n° 4 bis/2009. 9 Ainsi, l'article 58 de la loi portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes punit d'une servitude pénale de trois à cinq ans et d'une amende portée du simple jusqu'au double de la valeur du bien toute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, dont l'origine illicite aura été établie par une décision judiciaire.16 Le code pénal en son article 438 reprend intégralement la même disposition17. Le législateur pénal burundais est muet quant à la définition du caractère illicite de l'infraction d'enrichissement illicite, ce qui peut semer la confusion quant à la détermination de l'origine illicite de la richesse pour le juge saisi. Le code pénal sénégalais par exemple présume que le délit d'enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, l'agent public ou privé soupçonné se trouve dans l'impossibilité de justifier de l'origine licite des ressources qui lui permettent d'être en possession d'un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux.18 De ces définitions, il y a lieu de conclure que l'enrichissement illicite est l'augmentation des avoirs en biens meubles ou/et immeubles sans que le détenteur puisse en justifier l'origine par rapport à ses revenus légitimes. |
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