Penser aux appropriations contemporaines des espaces
publics
La définition, que l'on a vue plus haut, de l'espace
public comme lieu de communication publique, se vérifie dans la
manière dont ces lieux peuvent être investis spontanément
par différentes formes de manifestations publiques aujourd'hui. En effet
on retrouve de plus en plus d'espaces qui deviennent public de fait, ou bien
ponctuellement. On retrouvera par exemple des golfeurs urbains, des
comédiens de rue qui investissent temporairement une rue, un parking,
des places... Ainsi, aux équipements urbains qui dépendent de la
puissance publique s'ajoutent les créations des riverains, graffitis,
collages, pochoirs, installations éphémères, qui peuvent,
d'une certaine manière, compenser le manque d'attention que
58
porte la municipalité sur ces espaces publics. Il
suffit de regarder d'où est née la pratique pour comprendre que
le citoyen est un maillon à part entière de cette vie artistique
de la ville. Dès lors que la monotonie s'installe, il reprend ses droits
et s'approprie l'espace en le peignant, le redessinant, le modifiant. Un
exemple nous vient en tête, celui d'un groupe d'artistes, Julien Berthier
et Simon Boudvin, qui ont « inventé » une adresse. Profitant
d'un pignon aveugle laissé à l'abandon rue Chapon, ils
installent, de manière pérenne, un faux pas de porte, avec son
numéro, sa boite au lettre, et sa porte, fixée au mur.
Le 1bis rue de Chapon à Paris. Julien Berthier et Simon
Boudvin (2009)
Quatre ans plus tard, l'adresse fictive est toujours
là, lorsqu'elle est taguée elle est ensuite nettoyée par
les services de la ville de Paris.
Les tunnels de métros sont sales et monotones ? Ils
sont aujourd'hui à Paris couverts de graffitis. La publicité est
abrutissante ? Des collectifs s'escriment à tourner des affiches en
dérision. Les potelets sont rébarbatifs ? Certains iront les
repeindre de multitudes de couleurs.
Paris, rue de la Planche, personnel (8 avril 2012)
Autant d'interventions spontanées qui confèrent
à la rue et aux espaces publics en général une dimension
esthétique qu'ils ne possèdent pas spontanément.
Ces remarques sont tout à fait appropriées au
contexte du bas Chantenay, puisque les deux axes qui le traversent d'Ouest en
Est sont linéaires sur plus de deux kilomètres, et ne sont
jalonnés que d'entrepôts de vastes dimensions. Certains espaces
délaissés, telle la carrière de la Meuse, sont d'ores et
déjà investis par des artistes (promenades, animations, jeux,
fresques sur les restes de l'ancienne brasserie). Il y a là clairement
un travail à mener pour intégrer de la variété dans
le parcours.
59
Pour autant, ce sujet de l'appropriation spontanée des
espaces libres, des délaissés, des lieux sans projets et un sujet
qui nous semble indispensable d'aborder, on ne le retrouve que très peu
dans les premières intentions des équipes d'urbanistes
candidates. C'est regrettable car ce sont des thèmes qui permettent de
gérer le temps long d'un tel projet, tout en impliquant les acteurs
locaux. Ils participent donc, d'une certaine manière, à
l'acceptation du changement induit par les transformations du territoire.
60
61
|